Les tops de la rédaction (part 2)
Deuxième partie de notre regard dans le rétroviseur consacré à l’année 2019 et aux moments musicaux qui lui resteront associés…
François Becquart, en observation sur les carrefours du son brut, du psychédélisme nuageux et de la lutte des Anciens contre les Modernes…
Albums (sans ordre de préférence)
Oh Sees – Face Stabber
Un album phénoménal dont le dernier titre « Henchlock est parfaitement monstrueux, avec ses dix-huit minutes de rock progressif lunaire et sensuel. On se croirait en pleine offensive krautrock quelque part en 1972, au cours d’un concert de Grobschnitt ou de Guru Guru.
Mayhem – Daemon
« Il semble que nous tenons ici un excellent album de black metal, peut-être le meilleur de l’année pour ce genre de musique, et que nous avons un retour en force de Mayhem qui sort ici d’une véritable résurrection. Ignifugez les églises, c’est reparti comme en 92 ! »
King Gizzard & The Wizard Lizard – Infest The Rats’ Best
Le groupe qui est capable de tout : garage punk, psychédélisme cosmique, krautrock râpeux, folk gentil ou, comme c’est le cas sur ce dernier album, du thrash metal ultra-brutal à la Metallica ou Slayer. Il faut quand même oser. Mais c’est ça, King Gizzard, un jour fleuri, le lendemain sépulcral.
Les Comptes de Korsakoff – Nos amers
« Servies par un rock progressif complexe et tendu, les chansons de ʺNos amersʺ ont des allures du désespoir dostoïevskien ou de la folie nervalienne. En matière de poésie, ça se pose là et ça confirme que Les Comptes de Korsakoff sont encore et toujours un groupe passionnant ».
Vitriol – To Bathe From The Throat Of Cowardice
« Ceux qui attendent un renouveau dans le death metal en se lamentant toujours que c’était mieux avant vont pouvoir sortir leur hache du garage où elle prenait la rouille et repartir à l’assaut des salles de concerts où on attend impatiemment Vitriol, car ce groupe est un véritable coup de fouet sur le genre. »
Neal Morse – Jesus Christ, The Exorcist
« Fresque grandiose, épopée biblique, grand moment de rock chrétien, « Jesus Christ, The Exorcist » réunit toutes ces qualités et se pose en rival crédible de « Jesus Christ Superstar », c’est dire si l’on peut se laisser aller en toute confiance à son écoute. »
Periphery – Periphery IV: Hail Stan
« Ce groupe a véritablement un don pour transformer des compositions qu’on voit d’abord se diriger tout droit vers du conventionnel mollasson mais qui redressent subitement la barre pour se parer d’un petit quelque chose de plus. Il va devenir de plus en plus intéressant de suivre ce groupe à l’avenir. »
Poil – Sus
« A la fois bien dingo et classique dans le genre avant-prog seventies, « Sus » est une belle occasion de faire connaissance avec Poil, un groupe échevelé et facétieux qui maîtrise parfaitement son sujet. »
Warish – Warish (EP)
« Le duo rassemble ses grosses influences underground (Nirvana, The Misfits, Fu Manchu, Thee Oh Sees, Melvins, Butthole Surfers) et balance tout cela dans une fournaise d’acier hurlant, avec guitare plombée, rythmique sauvage et chant hystérique noyé dans des effets chaotiques. »
Xiu Xiu – Girl With Basket Of Fruit
« Jamie Stewart nous embarque ici dans une épopée hallucinante au pays de l’électronique en délire, une sorte de revisite du « Trout Mask Replica » de Captain Beefheart qui passerait ici aisément pour un orchestre philharmonique tyrolien. »
Albums belges (sans ordre de préférence)
oG – Water Birds
« Un croisement entre bruitisme, électro, planant et progressif lourd aide à donner à ce disque sa personnalité très particulière. On est entre Pierre Boulez, Beaver & Krause ou Frank Zappa mais dans tous les cas, on flotte dans un rêve cosmique et animalier qui captive de bout en bout. »
Alain Pire Expérience – Apex
« Encore une fois, nous allons sortir les lauriers de la caisse en carton et en paver le chemin pour accueillir ce troisième opus toujours aussi convaincant et érudit en matière de rock psychédélique authentique. »
Youff – 20/20 Hindsight
« Pour avoir une idée du style renversant de Youff vous prenez PiL, Pere Ubu et le Dillinger Escape Plan et vous les bombardez d’atomes de plutonium enrichi. Vous secouez bien et vous obtenez Youff, un des groupes les plus dérangés (et les plus fascinants) de la scène postcore belge. »
Barst – Re:cycles
« Barst continue à explorer cette veine froide et sombre, au travers de quatre nouveaux morceaux laissant beaucoup de place à l’expérimentation instrumentale. »
Kongs – Yell It
« On ne va pas bouder son plaisir avec ce nouvel arrivage de onze morceaux qui convoquent une power pop gonflée en rock qui balance à tout va de gros coups de tatane sonore. »
Run Sofa – The Joy Of Missing Out (EP)
« Pour être capable de concilier avec intelligence et puissance ces genres pas toujours conciliables que sont le hip-hop et le post-punk, Run Sofa mérite le détour. Et on a de la chance, c’est du belge. »
The Very Very Danger – Witness The Legitness
« Avec ses guitares compressées, un son surpuissant, des refrains idiots et un rythme qui donne envie de remonter l’Empire State Building à mains nues pour mettre une raclée à King Kong, ce petit disque rafraîchissant réveille les têtes à coups de Doc Marten’s repeintes en rose avec des étoiles bleues. »
Vandal X – Blood On The Street
« Vandal X, avec ses 25 ans de colère et de révolte, n’a jamais mis la moindre goutte d’eau dans son vin et n’a jamais fait aucun compromis avec le système. Sa rage est restée pure comme au premier jour et ce groupe peut encore renvoyer facilement dans les cordes n’importe quel duo rock de jeunots du moment ».
The Valerie Solanas – The Return Of Jesus Christ
« Le groupe a concocté ici une série de chansons lumineuses, paradisiaques, faisant descendre du paradis les âmes des grands psychédélistes des sixties. »
Helium Horse Fly – Hollowed
« En somme, on retrouve ici Helium Horse Fly avec encore plus de maîtrise de son art, encore davantage de talent à construire des atmosphères déliquescentes et étouffantes. Un disque idéal pour l’hiver. »
Concerts
1. Crypt Trip (DesertFest, Borgerhout, 20.10)
2. Ty Segall (DesertFest, Borgerhout, 19.10)
3. King Gizzard & The Wizard Lizard (AB, Bruxelles, 08.10)
4. Oh Sees (Botanique, Bruxelles, 01.09)
5. Miles Kane (Rock Werchter, Werchter, 29.06)
6. Weezer (Rock Werchter, Werchter, 28.06)
7. Kiss (Graspop Metal Meeting, Dessel, 23.06)
8. Rob Zombie (Graspop Metal Meeting, Dessel, 23.06)
9. Smashing Pumpkins (Lotto Arena, Merksem, 10.06)
10. Peter Doherty & The Puta Madres (Trix, Borgerhout, 16.05)
Olivier Wouters, spécialiste indie et assidu des salles de concert…
Albums
1. Fontaines D.C. – Dogrel
L’an dernier, les Londoniens de Shame avaient raflé la mise avec leur premier album. Cette année, place à une rage similaire en provenance de Dublin (D.C. = Dublin City). Bourré d’hymnes post-punk qui prennent aux tripes, « Dogrel » respire une spontanéité à laquelle il est compliqué de résister. Comme aux tourbillons que déclenchent leurs concert, d’ailleurs. 2020 devrait leur apporter la consécration et (enfin) une date en tête d’affiche.
2. Bryan’s Magic Tears – 4AM
Ces Parisiens grands fans des Stone Roses et de shoegaze signés chez Born Bad Records sont la bonne surprise de cette année. Découverts un dimanche soir lors d’un pseudo concert acoustique dans un bar obscur de Bruxelles, ils ont fait parler la poudre le lendemain au Chaff et depuis, leur album n’a jamais quitté notre chevet. À voir impérativement aux prochaines Nuits du Bota où ils partageront l’affiche avec Le Villejuif Underground.
3. Sharon Van Etten – Remind Me Tomorrow
Cinq années séparent « Are We There » et « Remind Me Tomorrow ». Cinq années pendant lesquelless la vie de Sharon Van Etten a complètement changé. Elle est désormais maman mais a également fait ses débuts d’actrice et composé la BO d’un film. Sur ce cinquième album dont la production a été confiée à John Congleton, on la sent effectivement libérée d’un poids que l’on mettra sur le compte de ses relations foireuses. Une renaissance.
4. Fews – Into Red
Les Suédois ont enregistré un deuxième album explosif, un pas de géant par rapport à l’encourageant « Means » en 2016. Une euphorie a quelque peu tempérer car le départ du guitariste David Alexander Lomelino au terme de la tournée passée par l’AB Club au printemps a peut-être porté un coup fatal au groupe.
5. The Murder Capital – When I Have Fears
Tout comme les gars de Fontaines D.C. avec qui ils partagent d’ailleurs leur local de répétition, James McGovern et ses camarades sont originaires de Dublin et ont publié un premier album glacial qui transpire la rage et la frustration sans toutefois négliger les mélodies. À ne pas louper au Botanique le 11 février prochain.
6. Piroshka – Brickbat
Réunissant des membres de Lush, Modern English et Moose, Piroshka a tout d’un supergroupe shoegaze. Largement ancrés dans la cinquantaine, ils n’ont absolument rien perdu de la magie qui les animait dans leurs projets respectifs. Résultat, un album entêtant de bout en bout que nos rêves les plus fous n’auraient pas osé caresser.
7. These New Puritans – Inside The Rose
On n’avait plus entendu parler des jumeaux Jack et George Barnett depuis six longues années et le surprenant « Field Of Reeds ». Fidèles à leur réputation d’entremêler les genres, ils sont revenus avec un envoûtant quatrième album, quelque part entre Archive et Talk Talk.
8. Drenge – Strange Creatures
Absents des radars depuis près de quatre ans, les frères Eoin et Rory Loveless se sont rappelés à nos bons souvenirs avec « Strange Creatures », un album qui tempère leur fougue en leur ouvrant une multitude de pistes à explorer.
9. Nick Cave & The Bad Seeds – Ghosteen
On pensait que le successeur de « Skeleton Key » emprunterait une direction moins sombre mais il n’en est rien. Au contraire, l’ami Nick nous gratifie d’un double album poignant et empreint de tristesse, magnifié par une voix sobre et des arrangements somptueux. Le genre d’album qui vous interpellera encore après des dizaines d’écoutes.
10. Nilüfer Yanya – Miss Universe
Découverte l’an dernier en première partie d’Interpol à Forest National, la Londonienne d’adoption a tapé dans le mille avec un premier album à son image, coloré juste ce qu’il faut et parsemé d’humour subtil. À commencer par son titre…
Albums belges
1. Peuk – Peuk
Avec son premier album, le trio Limbourgeois emmené par une chanteuse fluette à la voix rugueuse démontre que l’énergie décoiffante de Cocaïne Piss n’est pas incompatible avec une structure moins anarchique. Les hits indie que sont « Magpie », « Cave Person » et « Skin It » en sont les meilleurs exemples.
2. Newmoon – Nothing Hurts Forever
« Space », le premier album des Anversois, avait remis le shoegaze sur l’échiquier noir jaune rouge en 2016. Cette deuxième plaque en élargit les frontières via des compositions plus riches et plus travaillées. Surprenantes de prime abord, elles ne tardent pas à rapidement devenir essentielles.
3. La Jungle – Past // Middle Age // Future
Le troisième effort du duo constitué de Rémy le batteur frappadingue et Mathieu le guitariste frénétique s’apparente au premier à véritablement avoir été pensé comme un album. Non seulement il tient la route sur disque, mais se retrouve transcendé sur scène via des prestations incendiaires dont ils ont le secret.
4. Black Leather Jacket – Tranquilizer
Découverts en première partie des Sore Losers à la Rotonde du Botanique en début d’année, le trio Anversois a peaufiné sa réputation scénique, soutenu par le hit « Village People », avant de balancer une des plaques les plus furieuses de 2019. Tenez-les à l’œil dans les prochains mois…
5. Showstar – Soft Apocalypse
Le plus British (et le plus nonchalant) des groupes Wallons a publié son cinquième album dans l’indifférence quasi générale. Il n’a d’ailleurs pas été édité en version physique et a à peine été promotionné. Pourtant, c’est de la bombe et, comme on concluait notre papier sur leur concert en première partie de The Wedding Present au Reflekor, « Si leur ville natale n’avait pas été Huy mais Winchester, ils seraient peut-être des stars aujourd’hui ».
Concerts
1. Whispering Sons (AB, Bruxelles, 12.12)
En 2018, « Image » était notre incontestable album belge de l’année. En 2019, Fenne Kuppens et ses camarades ont été omniprésents sur le circuit, culminant avec cette soirée pendant laquelle ils dévoileront trois nouveaux titres. L’aventure ne fait donc que commencer…
2. Archive (AB, Bruxelles, 02 & 03.11)
Pour fêter son quart de siècle, le collectif Archive a publié un box de 4 CD mais a surtout rempli deux fois la grande salle de l’AB avec un set XXL retraçant une carrière peu commune qui, vu les inédits proposés, n’est visiblement pas prête de s’arrêter.
3. Black Box Revelation (AB, Bruxelles, 14.03)
En engageant le multi-instrumentiste Jason Morel pour les épauler sur scène, Jan Paternoster et Dries Van Dijck ont eu une idée de génie. Leur série de concerts (dont 3 sold out d’affilée à l’AB au printemps) en support du solide « Tattooed Smiles » a définitivement assis leur réputation.
4. Namdose (Atelier 210, Bruxelles, 27.03)
L’an dernier, aux Nuits du Bota, l’association entre BRNS et Ropoporose avait pété des flammes. Tellement que le projet rebaptisé Namdose s’est enfermé en studio pour en ressortir avec un mini album dont le rendu scénique conjugue fraîcheur et puissance.
5. Drenge (Trix Bar, Borgerhout, 18.04)
Les frangins Loveless ont défendu bec et ongles « Strange Creatures », leur ambitieux troisième album sur la petite scène du Trix avec leur pote bassiste Rob Graham et un second guitariste en démontrant par la même occasion qu’ils n’avaient rien perdu de leur mordant.
6. Fews (AB Club, Bruxelles, 22.03)
Truffé de futurs classiques post-punk, l’excellent deuxième album des Suédois (« Into Red ») prend une dimension supérieure sur scène, et notamment au Club de l’AB où l’on a ramassé une grosse claque dans la figure.
7. Pond (Botanique Orangerie, Bruxelles, 30.10)
Longtemps éclipsé par Kevin Parker au sein de Tame Impala avec qui il collabore toujours assidûment, le charismatique Nick Allbrook s’épanouit désormais au sein de son projet dont les prestations scéniques le transcendent littéralement.
8. Blood Red Shoes (Botanique Rotonde, Bruxelles, 02.02)
Alors qu’il aurait aisément pu remplir l’Orangerie, le duo de Brighton (désormais à quatre sur scène) a préféré présenter son premier album en cinq ans à la Rotonde. Résultat, une prestation pleine de sueur et d’intensité que l’on n’a pas retrouvée en support des Pixies à Forest National quelques mois plus tard…
9. Neneh Cherry (AB, Bruxelles, 02.03)
Le genre de concert où l’on va les mains dans les poches et duquel on revient des étoiles dans les yeux. Peu prolifique (à peine cinq albums en trente ans) mais d’une spontanéité et d’une sincérité désarmantes, la Suédoise d’origine laisse parler son cœur sur scène.
10 King Gizzard & The Lizard Wizard (AB, Bruxelles, 08 & 09.10)
Les Australiens emmenés par Stu Mackenzie n’ont publié que deux albums cette année (un psychécolo et un franchement trash-metal) mais ont mis tout le monde d’accord lors de deux soirées à l’AB ayant la particularité de n’avoir aucun titre en commun.
2019 s’achève, 2020 pointe le bout de son nez. De nouvelles aventures musicales en perspective, que votre webzine préféré se fera un plaisir de partager avec vous. Rien de bien révolutionnaire, en d’autres termes.
À l’année prochaine…