Oberbaum, soft et intense
Tout comme pour son premier album, Lucie Rezsöhazy a choisi la Rotonde pour y présenter la suite des aventures d’Oberbaum. Une salle dans laquelle les atmosphères d’« I Should Be Softer », son excellente nouvelle plaque, se sont parfaitement dévoilées.
Invitée à ouvrir la soirée, Martha Moore n’a pas loupé l’occasion de faire bonne impression. Soutenue par un solide backing band (dont une claviériste aux chœurs exquis et aux essentielles nappes synthétiques), la Gantoise d’origine désormais installée dans la capitale a ainsi offert un set convaincant à un public réceptif. Graveleuse juste ce qu’il faut, sa voix renvoie vers celles de Cat Power ou de Joan As Police Woman en plus punchy dans un environnement indie-folk aux lointains contours reggae.
Ajoutez-y de l’intensité dans l’interprétation de compositions autobiographiques et l’on se retrouve devant un projet déjà bien mûr. D’autant qu’« Out Of Season », le premier EP sorti au printemps, montre la voie vers d’autres horizons enlevés, à l’instar de l’impeccable nouveau titre joué ce soir. Ou de cette cover très seventies au demeurant d’« I Wouldn’t Mind », un titre visiblement écrit par son papa à l’époque. Hâte de découvrir la suite.
« I Should Be Softer », le très réussi deuxième album d’Oberbaum, propose une écriture mature et des arrangements soignés. En l’enregistrant à Brooklyn en compagnie de la crème des musiciens New Yorkais sous le regard avisé de Katie Von Schleicher (Frankie Cosmos, Cassandra Jenkins…), Lucie Rezsöhazy a réalisé l’un de ses rêves. Le publier sur son propre label (le récemment créé Cleo Records aux côtés notamment d’Aurélie Muller) en était un autre. Et on imagine que le présenter à la Rotonde du Botanique derrière un piano à queue constituait sans doute la cerise sur le gâteau.
C’est d’ailleurs aux commandes de ce majestueux instrument qu’elle entamera le set via un cotonneux « Do I Know Me ». De part et d’autre, on retrouve deux vieilles connaissances, ex-membres des regrettés Ada Oda : Clément Marion à la guitare et Aurélien Gainetdinoff à la basse. Chevelure ébouriffée pour le premier, coupe mulet et lunettes aux verres orangés pour le second, ils sont reconnaissables entre mille et se déchaîneront une première fois sur le poppy « Bitch », assurément un futur hit. Positionnée à l’extrême droite de la scène et perpendiculaire au public, la jeune et talentueuse batteuse liégeoise Carla Biber représentera la force tranquille.
Sur ce nouvel album, l’amie Lucie alterne trois langues. Si l’on était habitués à l’entendre chanter en anglais et en français, l’allemand aurait tendance à surprendre. Mais lorsque l’on sait qu’elle a passé une partie de sa jeunesse à Berlin, il s’agit peut-être d’un processus normal. D’autant que l’énergie dégagée par le groovy disco « Der Trick » et l’efficace « Lass Uns Gehen » en clôture du set principal apparaîtront comme des moments forts de la soirée. En revanche, l’histoire ne dit pas si les souvenirs évoqués dans le mélancolique « Les bouleaux » datent de cette période…
Rayonnante, elle alterne le grand piano à l’arrière de la scène et un clavier au bord de celle-ci. Elle y jouera notamment « Why Do I Cry », une cover de Margot Guryan en mode insouciance sixties. Cela dit, outre celles de Sharon Van Etten, les influences majeures de la soirée seront à chercher du côté de Stereolab. Qu’il s’agisse des contours jazzy (l’entêtant « Solitude » sur lequel la batteuse s’illustrera), feutrés (« Maybe I Should Be Softer ») ou bossa (« We Yearn »), l’ombre de Laetitia Sadier planera sur la Rotonde. Mais toujours en parfaite symbiose avec les musiciens, tout comme sur le méticuleusement travaillé « Kill The Piano » en toute fin de set.
Les rappels verront la Miss débuter le délicat « Hier » seule au piano avant le retour au compte-gouttes de ses acolytes qui donneront ensuite une impulsion au langoureux « The Absence Of Misery ». Une manière de boucler la boucle puisqu’en 2023, c’est ce titre qui avait entamé les débats ici-même. Que de chemin parcouru depuis…
SET-LIST
DO I KNOW ME
DE L’OR DANS LES DOIGTS
DER TRICK
BITCH
LES BOULEAUX
WHY DO I CRY
RUN OUT
SOLITUDE
MAYBE I SHOULD BE SOFTER
LA BALLE
WE YEARN
KILL THE PIANO
LASS UNS GEHEN
HIER
THE ABSENCE OF MISERY
Organisation : Botanique