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Love is The Golden Dregs

Certains projets ont besoin d’un petit coup de gueule de la vie pour se développer et passer au stade supérieur. Benjamin Woods, tête pensante de The Golden Dregs, a perdu son job au début du confinement, ce qui l’a contraint à revenir habiter chez ses parents. C’est là qu’il a composé « On Grace & Dignity », un troisième album d’excellente facture qu’il est venu présenter avec ses camarades au Club de l’AB.

Le support avait été confié à de vieilles connaissances puisqu’Alaska Gold Rush fait partie du paysage depuis un moment déjà. Si la voix et la guitare restent l’apanage de Renaud Ledru, les baguettes ont changé trois fois de mains depuis cette fameuse victoire au Concours Circuit en 2014. Le concert de ce soir revêt un caractère particulier puisqu’il s’agit de la première prestation officielle de Franck Baya (FùGù MANGO, Mièle, River Into Lake) qui vient juste de succéder à Nicky Collaer derrière les fûts. Un baptême du feu dont il s’est tiré avec brio.

La symbiose entre les deux hommes semble en effet déjà au top et le juste équilibre entre puissance et maîtrise ajoute une dose d’énergie à des titres calibrés pour un rendu scénique décuplé. Il est vrai que les compositions ont bien évolué au fil du temps, passant d’influences Americana marquées à une palette nettement plus large, un peu comme s’ils avaient migré de Nashville à New York (« OD On Sugar », « Alike »). Ajoutons-y des cassures de rythme et des guitares chaloupées et le riche univers du duo bruxellois semble prêt pour une nouvelle étape. Curieux de voir la direction que prendra le successeur de « Human Flare »

Avant de publier « On Grace & Dignity » sur le légendaire label 4AD, Benjamin Woods avait déjà sorti deux albums plus ou moins confidentiels sous le pseudo The Golden Dregs : « Lafayette » en 2018 (imaginez Lloyd Cole en version country 70’s) et le bien nommé « Hope Is For The Hopeless » l’année suivante. Mais qu’est-ce qui a tout d’un coup orienté les projecteurs sur son projet ? La question reste posée mais son retour dans les Cornouailles et la morosité ambiante l’ayant inspiré à composer des pièces délibérément sombres semblent constituer une partie de la réponse. Sa voix profondément caverneuse les emmènent en effet dans des contrées délicieusement inquiétantes mais à la fois terriblement addictives.

Alors que l’on s’attendait à un environnement plutôt sinistre, c’est tout à fait le contraire qui s’est produit. Plein feu en effet sur des musiciens vêtus de blanc immaculé, si ce n’est la sangle arc-en-ciel du leader et les rayures ornant le training du batteur. Même la voix de Benjamin Woods semble plus enjouée sur le tristounet (sur disque en tout cas) « Beyond Reasonable Doubt », le titre qui lancera la soirée. Le gaillard n’a pas du tout la voix de son physique et son attitude positive tranche avec les atmosphères glaciales. Un sentiment accentué par la vibe disco retenue de « Vista » et son petit tour dans le public pendant « Congratulations », un des seuls morceaux pendant lesquels il abandonne sa guitare.

Cinq musiciens l’accompagnent sur scène, chacun dans son style particulier. Mention au claviériste chauve dans sa longue robe de moine tibétain et au look sportif du batteur. Musicalement, c’est toutefois la discrète guitariste à la droite du leader qui, bien que légèrement en retrait, semble représenter la pièce angulaire du projet. Elle accompagnera d’ailleurs ce dernier au stand merchandising après le concert et, un peu plus tôt, son rôle de choriste magnifiera l’excellent downtempo « How It Starts ».

Si les Tindersticks et Leonard Cohen parsèment régulièrement le descriptif du groupe, The National, leurs désormais collègues de label, semblent davantage soutenir la comparaison. La voix d’outre-tombe de Benjamin renvoyant par moments vers celle du torturé Matt Berninger. On pense à « Pathos » et ses chœurs ou à « Before We Fell From Grace » au phrasé-parlé agrémenté d’un tambourin (blanc, bien entendu). Mais les trois guitares retenues de « Not Even The Rain » et le mélancolique « Josephine » au final puissant n’en sont pas loin non plus. Quant à « Hope Is For The Hopeless », il bouclera le set final sur une note positive malgré un titre contradictoire.

Les rappels seront entamés par « Nancy And Lee » en duo avec la guitariste qui, paradoxalement, officiera sans son instrument. Avant un imparable et collégial « American Airlines » dont le final puissant démontrera que les tendances dépressives entendues sur l’album peuvent aussi se transformer en boule d’énergie sur scène, à l’instar de l’efficace single isolé « John » une grosse demi-heure auparavant. Une soirée tout en contraste…

SET-LIST
BEYOND REASONABLE DOUBT
VISTA
CONGRATULATIONS
NOT EVEN THE RAIN
JOHN
PATHOS
JOSEPHINE
EULOGY
HOW IT STARTS
BEFORE WE FELL FROM GRACE
HOPE IS FOR THE HOPELESS

NANCY AND LEE
AMERICAN AIRLINES

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