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Lokerse Feesten 2025: Bullet with Smashing Pumpkins

Passés maîtres dans l’art de concocter des soirées cohérentes, les programmateurs des Lokerse Feesten ont encore frappé un grand coup. Celui d’attirer dans le pays de Waes les Smashing Pumpkins pour une date exclusive qui a rameuté la toute grande foule. The Haunted Youth, DIIV et Metal Molly complétant une affiche aux influences nineties plutôt marquées.

Actifs dans la seconde moitié de cette décennie, les derniers nommés peuvent se targuer d’avoir ouvert pour David Bowie à Forest National en janvier 1996 en lieu et place de Morrissey (ils avaient d’ailleurs débuté leur set par quelques mesures de « Girlfriend In A Coma »). Plusieurs coups de malchance ont toutefois mené à la séparation du groupe quelques années plus tard, le bassiste Pascal Deweze embrassant notamment une passionnante carrière de musicien et producteur. Le groupe s’est reformé cette année pour célébrer le trentième anniversaire de son premier album, « Surgery For Zebra ».

Un set de trente-cinq minutes s’avérant un peu court pour se lancer dans la relecture intégrale de la plaque, les Louvanistes ont opté pour un scan rapide de leur carrière. Mais en mettant un point d’honneur à lancer la soirée par « Flipper », sa plage d’intro résolument grungy. Toujours aussi vif et n’accusant que peu le poids des années, l’ami Pascal contribue généreusement aux vocaux majoritairement pris en charge par Alan Muller. Des harmonies que jalonnent notamment « Poolbell » et le hit indie « Orange » aux influences à chercher du côté des Presidents Of The USA et de Green Day mais aussi sur le plus radiophonique « Suncomfort International ». Bien que réussie, on se demande toutefois la pertinence de la cover du « Birdhouse In Your Soul » de They Might Be Giants dans un timing aussi serré. Quant au plus retenu « Small Supernova », il refermera un set résolument nostalgique. Sans doute était-ce le but initial…

SET-LIST
FLIPPER
MONDAY IS QUEER
HAPPINESS (WE’RE ALL IN SHIT TOGETHER)
SUNCOMFORT INTERNATIONAL
POOLBELL
PVC
ORANGE
BIRDHOUSE IN YOUR SOUL
SMALL SUPERNOVA

DIIV et la Belgique, une véritable histoire d’amour ces derniers mois. Après avoir présenté « Frog In Boiling Water » à l’AB plusieurs semaines avant sa sortie, les New Yorkais sont repassés par l’OM et le Vooruit en novembre à l’occasion des 30 ans de Toutpartout alors que la veille de leur prestation à Lokeren, ils donnaient une répétition générale à un public de privilégiés au 4AD de Diksmuide. La bande à Zachary Cole Smith était donc parée pour une heure de guitares délibérément crasseuses au service de compositions shoegaze mais suffisamment nuancées que pour accrocher l’oreille.

À défaut d’être bavards, ils sont dotés d’un solide sens de l’humour qu’ils traduisent par des capsules vidéo diffusées à différents moments du set en guise d’interludes. Pertinentes (l’invitation au stand merchandising) futiles (cette pub pour une pizza) ou politiques (la campagne anticapitalisme, le fil de fake news), elles apportent une sorte de respiration bienvenue. En parlant de bienvenue, celle introduisant le concert pendant laquelle les membres du groupe affirment notamment ne pas être en état d’arrestation était à mourir de rire. Juste avant qu’« In Amber » ne lance les festivités, les paroles défilant sur un écran géant abondamment utilisé.

Lunettes de premier de classe sur le nez, le leader anticipe déjà la suite de la soirée en arborant un t-shirt des Smashing Pumpkins. À sa droite, le nonchalant guitariste Andrew Bailey, lui, porte un hoodie par-dessus sa casquette et semble complètement dans son monde. Cela ne l’empêche toutefois pas de participer activement au son du groupe, sombre juste ce qu’il faut. Les Cure faussement euphoriques de « Kiss Me Kiss Me Kiss Me » (« Under The Sun », « Take Your Time ») et un chouia dépressifs de « Disintegration » (« Soul-Net », « Somber The Drums ») ne sont pas loin. Mais la rugosité des arrangements et le mur du son ainsi construit leur assure une personnalité propre (« Taker », « Horsehead ») adoucie par des mélodies sous-jacentes (« Between Tides »). Assurément vindicatifs, ils assènent quelques coups de butoir à leur pays natal. « America is the great Satan », conclura une vidéo peu reluisante pour le pays de l’Oncle Donald, avant de balancer un « Doused » de derrière les fagots en guise de conclusion. La soirée était définitivement lancée…

SET-LIST
IN AMBER
BROWN PAPER BAG
UNDER THE SUN
SOUL-NET
FROG IN BOILING WATER
TAKE YOUR TIME
TAKER
REFLECTED
SOMBER THE DRUMS
BETWEEN TIDES
BLANKENSHIP
HORSEHEAD
DOUSED

Voici maintenant plusieurs mois que Joachim Liebens et ses camarades de The Haunted Youth teasent leur deuxième album à paraître en février 2026. Baptisé « Boys Cry Too », il semble promis à un succès aussi massif que celui récolté par « Dawn Of The Freak » en 2022. Pour preuve, un troisième Cirque Royal se remplit à toute vitesse pour avril prochain. C’est toutefois via « Broken », un des premiers imparables singles, que le groupe se mettra gentiment en action. Première surprise, le leader a laissé tomber son inamovible (jusqu’ici en tout cas) casquette de Gavroche. Il n’en reste pas moins un frontman charismatique et un compositeur hors pair dont les ressources semblent inépuisables. Une réflexion alimentée par l’écoute du sombre et puissant « Castlevania », un premier inédit dévoilé ce soir dans la foulée.

Plus tard, l’écorché instrumental « Falling Into Pieces » (« I love you, don’t kill yourself », indique l’écran) sera le second à émailler un set truffé de hits flirtant avec une dream pop crasseuse. L’introspectif récent single « Emo Song » ouvrant peut-être la voie à une écriture moins colorée mais tout aussi éloquente. Il gagne en tout cas à s’écouter les yeux fermés et se laisser emporter dans les méandres de ses arrangements. La face pop synthétique addictive d’« Into You » (rappelant celle de « Love Will Tear Us Apart ») et la passionnante construction en paliers d’« In My Head » confirmant l’impression que « Dawn Of The Freak » n’était pas un accident.

On pourrait peut-être leur reprocher de faire durer certains morceaux à l’infini (« Teen Rebel ») alors que leur catalogue regorge déjà de titres essentiels qui rendraient leurs sets encore plus intenses et prenants. Mais il s’agit de leur manière à eux d’imposer le rythme correspondant à leur état d’esprit. Un état d’esprit boosté sur le final « Coming Home », alliant les mélodies accrocheuses de The War On Drugs, la voix trafiquée de Prince et le cœur grand comme ça d’un Joachim Liebens intenable. Plus que quelques mois de patience pour l’entame du second chapitre orchestré par le dynamique label courtraisien Mayway.

SET-LIST
BROKEN
CASTLEVANIA
TEEN REBEL
I FEEL LIKE SHIT AND I WANNA DIE
EMO SONG
INTO YOU
IN MY HEAD
FALLING INTO PIECES
COMING HOME

L’an dernier, au festival Live Is Life, les éléments se sont déchaînés pendant l’excellent set des Smashing Pumpkins, décourageant certains spectateurs empêchés de suivre le concert depuis un endroit sec. La bande à Billy Corgan a entre-temps publié un nouvel album, « Aghori Mhori Mei » qui, bien que moins promotionné qu’à l’époque, n’a loupé le top 20 britannique que d’un cheveu. La preuve que le groupe conserve une aura héritée des nineties, lorsqu’il comptait parmi les acteurs majeurs d’un rock à guitares alors en pleine gloire. La bonne nouvelle, c’est que malgré les dissentions qui ont émaillé son histoire, le guitariste James Iha et le batteur Jimmy Chamberlin font de nouveau partie d’un line-up presqu’original. Seule la bassiste D’arcy Wretzky manque à l’appel, toujours en froid avec le boss. Elle est remplacée sur scène par Jack Bates, qui n’est autre que le fils de Peter Hook (New Order, Joy Division) alors que l’expressive et avenante Kiki Wong se charge des parties de guitares additionnelles.

Cette année marque le trentième anniversaire de leur chef-d’œuvre, le double « Mellon Collie And The Infinite Sadness ». Un album qui constituera le tiers d’une set-list entamée par la plage d’intro du deuxième disque, « Where Boys Fear To Tread », parfaite mise en jambes nerveuse à souhait. Intacte, la voix de Billy Corgan, qui se produit dans une ample robe de gourou blanche et noire, a conservé son timbre caractéristique. De son côté, la dextérité de James Iha, en complet costume, n’a jamais semblé aussi impressionnante alors que Jimmy Chamberlin cogne comme un dingue. « Bullet With Butterfly Wings » se dressera en premier hymne de la soirée et verra les trois immenses poupées russes à l’arrière de la scène se mouvoir sur elles-mêmes, illuminées de guirlandes virtuelles multicolores.

« Edin » et « 999 », extraits du dernier album, présentent une version musclée du groupe qui n’hésite pas à décocher des riffs dignes du heavy metal (trois guitares sont en action, rappelons-le) amplifiés par un son limpide. Une direction qui métamorphosera du même coup des titres comme « Cherub Rock » et « Jellybelly », leur offrant une vision inédite. Et puis il y a les hits rassembleurs que sont « Today », le toujours aussi frissonnant « Disarm », « Tonight, Tonight » ou encore « 1979 ». D’humeur taquine, le leader blaguera volontiers en suggérant des morceaux de Nirvana, Pearl Jam ou Alice In Chains mais choisira finalement Berlin pour une improbable cover de leur « Take My Breath Away ». Un peu plus tard, il saluera Anvers avant de se souvenir qu’il était à Lokeren… Un « Zero » incendiaire et un ravageur « The Everlasting Gaze » boucleront la soirée avant que le gourou ne s’attarde sur scène en saluant sa secte. Sans un seul nuage à l’horizon pour gâcher la fête.

SET-LIST
WHERE BOYS FEAR TO TREAD
PENTAGRAMS
TODAY
BULLET WITH BUTTERFLY WINGS
1979
EDIN
MAYONAISE
TAKE MY BREATH AWAY
999
DISARM
TONIGHT, TONIGHT
CHERUB ROCK
JELLYBELLY
PORCELINA OF THE VAST OCEANS
AVA ADORE
STAND INSIDE YOUR LOVE
ZERO
THE EVERLASTING GAZE

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