Lokerse Feesten 2023: la der de Balthazar ?
Si l’affiche de ce jeudi semblait sur papier la plus disparate des Lokerse Feesten, elle s’est révélée d’une implacable cohérence. Entre la perfection de Balthazar, la générosité de Wilco, la classe de Sylvie Kreusch et la fougue de Stone, les moments forts ont succédé aux frissons. Right time, right place…
Cerise sur le gâteau, un soleil généreux inondait la plaine lorsque la nouvelle sensation made in Liverpool a débarqué sur scène, le leader Fin Power et l’intenable guitariste Elliot Gill en profitant pour s’exhiber torse nu. Le t-shirt du second nommé, à l’effigie du « Doolitle » des Pixies, trônait toutefois sur son ampli même si, mis à part le fait qu’une fille (Sarah Surrage, aux cheveux bicolores) tient la basse, la comparaison s’arrête là.
Stone officie en effet dans un registre plus punk-pop qu’indie au sens strict du terme et ses membres dégagent une énergie communicative à laquelle il est compliqué de résister. D’autant que les compositions instantanément mémorisables tiennent la route (le single « Money (Hope Ain’t Gone) ») est une tuerie. Mais le tout frais « If You Wanna » ou le soutenu « Let’s Dance To The Real Thing » écrasent aussi la concurrence. Pas pour rien qu’ils ont volé la vedette à The Kooks lorsqu’ils ont assuré leur première partie à Forest National en février dernier.
Détail non négligeable, une vision décalée qui verra le chanteur arriver au bout d’un Rubik’s Cube gagné plus tôt dans la journée sur la foire de Lokeren pendant que ses camarades allongeaient l’outro bourrée d’effets wah-wah de « Waste ». Ce qui a sans aucun doute boosté davantage l’hyper puissant « Leave It Out » dans la foulée, la basse enfin mise en avant. Ces petits-là risquent d’aller loin et leur concert déjà sold out du Bota le 29 octobre n’est qu’un indice supplémentaire d’un potentiel bien réel.
SET-LIST
I LET GO
KEEP RUNNING
I GOTTA FEELING
LEFT RIGHT FORWARD
MOTTO
IF YOU WANNA
LET’S DANCE TO THE REAL THING
MONEY (HOPE AIN’T GONE)
STUPID
WASTE
LEAVE IT OUT
Mine de rien, cela fait déjà près de deux ans que Sylvie Kreusch tourne à foison son excellent premier album, « Montbray ». Ce soir, elle donne aux Lokerse Feesten son dernier concert belge avant de rentrer en studio et d’enregistrer la suite de ses aventures discographiques. Devant un nouveau logo stylisé à son nom, elle va profiter du moment et partager ses émotions avec le public mais également ses musiciens regroupés au centre de la scène, la plupart perchés sur des blocs aux contours glacés favorisant la réverbération des jeux de lumière et du soleil couchant.
Des musiciens en parfaite osmose à la complémentarité évidente. On pense surtout aux batteurs-percussionnistes et aux choristes-claviéristes (parfois bassiste) que l’on dirait tout droit sorties d’un magazine de mode. Sylvie Kreusch n’est bien entendu pas en reste, elle qui se balade en longue robe grillagée noire, bottes sexy, chapeau ultra-classe et indispensables lunettes de soleil. Malgré les contraintes vestimentaires, elle ne reste pas en place une seconde, arpentant inlassablement la scène et se permettant même quelques incursions à proximité des premiers rangs.
Musicalement, tout est parfaitement au point : le crescendo de « Falling High », les secondes voix de « Girls », le solo de guitare tranché d’« All Of Me », l’intensité de « Midnight Cowboy ». Et puis l’imparable « Walk Walk », évidemment, qui reste un sommet du set. Évaporées également, les comparaisons avec Lana Del Rey, Sylvie ayant entre-temps façonné sa propre personnalité. On restera également pantois devant « Just A Touch Away » et « Please To Devon », les deux derniers titres du set qui verront les musiciens littéralement prendre leur pied. Au même titre, mais virtuellement, de la Miss qui abusera de poses suggestives en osmose avec son pied de micro. Que nous réserve-t-elle pour la suite ?
SET-LIST
FALLING HIGH
HAUNTING MELODY
SHANGRI-LA
SEEDY TRICKS
GIRLS
ALL OF ME
LET IT ALL BURN
MIDNIGHT COWBOY
WALK WALK
JUST A TOUCH AWAY
PLEASE TO DEVON
Pour Wilco, l’année 2022 a à la fois été synonyme de regard vers l’avenir et dans le rétroviseur. La bande à Jeff Tweedy a en effet sorti un nouvel album, le double et majoritairement acoustique « Cruel Country » en mai alors qu’une impressionnante version (82 inédits tout de même) du classique « Yankee Hotel Foxtrot » a été publiée en septembre à l’occasion de son vingtième anniversaire. Mais ce soir, ni l’un ni l’autre ne prendra l’ascendant sur une set-list ratissant l’ensemble d’une carrière débutée en 1994 sur les cendres d’Uncle Tupelo. Mis à part peut-être le tout début du concert qui verront se succéder le délicat « Story To Tell », le très americana « I Am My Mother » et l’excellent « Cruel Country », trois extraits du dernier album magnifiés par la pedal-steel guitar de Nels Cline, aussi essentielle que prenante.
Ce dernier s’octroiera quelques écarts électroniques en guise de bidouillages sur « I Am Trying To Break Your Heart », première incursion dans « Yankee Hotel Foxtrot ». Cela dit, l’âme de Wilco, c’est d’abord et avant tout Jeff Tweedy, le leader officiant au centre de la scène. Souriant et avenant, il représente la force tranquille du groupe et ne quitte ses guitares vintages qu’à de très rares occasions. Derrière lui, une sorte de rideau géant à franges sur lequel sont projetés des visuels calibrés au millimètre près mais qui restent finalement assez discrets. À sa gauche, outre le bassiste et membre fondateur John Stirratt, on retrouve Pat Sansone qui partage son temps entre claviers et guitare complémentaire.
Leur country alternative a évolué au fil des années, incorporant des styles aussi improbables que la noise, le krautrock ou l’expérimental sans jamais perdre une once de crédibilité. Et sur scène, cela se traduit par des moments forts, comme sur l’enivrant « Bird Without A Tail / Base Of My Skull » ou le kilométrique et planant « Impossible Germany ». La fin du set sera quant à elle marquée par le délire du claviériste Mikael Jorgensen qui terminera allongé sur son instrument pendant la dernière partie d’« A Shot In The Arm », générant un bordel sonore décuplé par l’équipe en place. Un peu plus tard, c’est le batteur Glenn Kotche qui deviendra incontrôlable sur un « I Got You (At The End Of The Century) » en mode Springsteen enchaîné, vu le timing serré, à « Outtasite (Outta Mind) ». Partis comme ils l’étaient, ils auraient franchement pu poursuivre pendant une heure ou deux et tutoyer les performances du Boss…
SET-LIST
HANDSHAKE DRUGS
STORY TO TELL
I AM MY MOTHER
CRUEL COUNTRY
I AM TRYING TO BREAK YOUR HEART
IF I EVER WAS A CHILD
HUMMINGBIRD
MISUNDERSTOOD
LOVE IS EVERYWHERE (BEWARE)
BIRD WITHOUT A TAIL / BASE OF MY SKULL
BOX FULL OF LETTERS
IMPOSSIBLE GERMANY
JESUS, ETC.
THE LATE GREATS
HEAVY METAL DRUMMER
A SHOT IN THE ARM
FALLING APART (RIGHT NOW)
CALIFORNIA STARS
RED-EYED AND BLUE
I GOT YOU (AT THE END OF THE CENTURY
OUTTASITE (OUTTA MIND)
À l’instar de celui de Sylvie Kreusch un peu plus tôt dans la soirée, le concert de Balthazar revêtait un caractère particulier. Il s’agissait en effet de leur dernière date de l’année même si la réalité pourrait être tout autre (on y revient). Quoi qu’il en soit, tout le monde était gonflé à bloc pour un moment de communion qui s’annonçait chargé en émotion et qui a débuté par l’intro au violon de « Decency », donnant d’emblée le ton.
La dernière fois qu’on a vu le groupe en action, c’était en juin dernier au festival Live Is Live. Mais leur visuel, en début de soirée, était loin de donner sa pleine mesure. En démarrant à 23h45 dans le noir absolu, la vingtaine de pylônes disposée sur scène et illuminée au gré des atmosphères allait rendre la prestation du groupe tout simplement magique. Même si ce sont avant tout les imparables compositions qui rythmeront le début de nuit, qu’il s’agisse des harmonies sixties de « Wrong Vibration », du groove de « The Boatman » ou de l’envoûtante délicatesse de « You Won’t Come Around ».
Les voix de Maarten Devoldere et de Jinte Deprez se répondent, chacune dans leur style, au même titre que leurs guitares, lorsque ce n’est pas une sortie de mini clavier sur roulettes qui entre dans l’équation. Mais les regards se portent surtout vers Tijs Delbeke, lui qui alterne violon, flûte et trombone pour étayer les nuances du son Balthazar. L’ensemble part parfois en vrille vu les personnalités sur scène officiant en freestyle mais toujours dans la maîtrise. Sauf quand l’aspect technique vient mettre un grain de sable dans la mécanique bien huilée, comme lorsque le micro de Jinte déclarera forfait pendant « On A Roll », le contraignant à reprendre le morceau depuis le début, dans la bonne humeur.
Et puis il y a les hits, à commencer par l’impeccable « Blood Like Wine », saccadé juste ce qu’il faut et toujours autant attendu par des spectateurs brandissant leur verre, ou cet entêtant « Linger On » et ses effets jeu vidéo old school. Mais que dire de cette version développée à l’extrême de « Fever » caractérisée par une basse entêtante et un violon rebelle avant de partir dans des délires qui verront les musiciens quitter un à un la scène avant d’y revenir pour terminer le boulot. Dans la foulée, un « Entertainment » au final brut et au trombone affolant mettront un terme au set principal.
Leur timing était déjà dépassé mais qu’importe, ils reviendront pour un rappel parfait constitué de « Bunker » et « Losers », deux de leurs titres les plus emblématiques. Juste avant, Jinte confirmera qu’il s’agissait du dernier concert de l’année mais que, vu les projets parallèles de chacun (J. Bernardt pour lui, Warhaus pour Maarten Devoldere, Zimmerman pour le bassiste Simon Casier, Rosenahl pour le batteur Michiel Balcaen), l’avenir du groupe semble plutôt ressembler à un énorme point d’interrogation. L’avenir nous en dira davantage mais en attendant, ils partent en pleine gloire…
SET-LIST
DECENCY
WRONG VIBRATION
DO NOT CLAIM THEM ANYMORE
THEN WHAT
THE OLDEST OF SISTERS
THE BOATMAN
ON A ROLL
YOU WON’T COME AROUND / LEAVING ANTWERP
BLOOK LIKE WINE
LINGER ON
I WANT YOU
FEVER
ENTERTAINMENT
BUNKER
LOSERS
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