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Les Nuits Weekender 2024 (Jour 3)

Ultime volet consacré à nos coups de cœur ayant illuminé la première édition des Nuits Weekender organisées par le Botanique. Une troisième journée généreusement fournie en découvertes et ponctuée par la tête d’affiche du festival, les prometteurs English Teacher.

L’occasion de dresser le premier bilan d’un week-end qui aurait mérité une assistance un rien plus fournie ou un nom porteur pour affoler la billetterie. À ce propos, les organisateurs ont joué de malchance avec Kelly Lee Owens qui a (une nouvelle fois) annulé sa venue. En revanche, la formule plait aux défricheurs de talents que nous sommes, même si être sur pied de guerre dès l’ouverture des portes demande un certain entraînement…

Raison sans doute pour laquelle Anastasia Coope s’est produite devant un public exclusivement assis sur les marches de la Rotonde. D’autant que c’est sa face singer-songwriter que la New Yorkaise (qui brouille les pistes en arborant un pull aux couleurs du drapeau norvégien) choisira tout d’abord de mettre en avant, simplement accompagnée de sa guitare. La suite, plus expérimentale derrière une console, fera quelque peu retomber notre attention. Entre voix trafiquée, incantations chamaniques et nappes éthérées, elle évoluera dans un monde parallèle… avant de revenir à son instrument de prédilection pour une délicate composition non loin de rappeler sa compatriote Angel Olsen.

Premier à investir l’Orangerie, le ténébreux Urika’s Bedroom a patiemment installé son univers sombre et flippant via des compositions extensibles mais toujours captivantes. Accompagné sur scène d’un guitariste et d’un batteur plutôt complémentaires, il prend la basse à son compte tout en adaptant sa voix modulable à la pertinence du morceau ou d’une séquence. Des chuchotements à la Tricky succèdent ainsi à des envolées dignes du Pavement de la grande époque au milieu d’un déluge de riffs soutenus. Deux jours auparavant, le natif de Los Angeles a publié son premier album, « Big Smile, Black Mire » mais le présente sous une mouture nettement plus rugueuse sur scène, accentué par une voix rocailleuse parfaitement calibrée.

Pendant son set, il a encouragé le public à se déplacer jusqu’au Museum pour assister à la prestation de Chanel Beads. Une publicité pas si anodine que cela puisqu’on l’a retrouvé derrière une console, baguettes à la main en support du duo New Yorkais. Nettement plus introspectives, les compositions rêveuses de Shane Lavers enveloppent sans peine un auditoire réceptif. D’autant que la voix de sa comparse Maya McGrory leur ajoute une intense touche émotionnelle. Tout n’est cependant pas clair et limpide, certains moments décousus viennent perturber le scénario, comme l’hyperactivité de l’ami Shane qui passe son temps à tourner en rond sur scène ou les percées d’Urika au milieu du public. Moment choisi pour accélérer le tempo et jouer sur des harmonies à la Lost Under Heaven. La bande-son parfaite d’un dimanche après-midi de novembre.

Quade au Museum et Mabe Fratti à l’Orangerie, deux prestations à mettre en parallèle malgré des atmosphères radicalement différentes. La vision cinématographique et majoritairement instrumentale du quatuor de Bristol introduisant celle, colorée et enlevée, de la Guatémaltèque. Dans les deux cas, l’instrument à cordes, qu’il s’agisse d’un violon pour les premiers et d’un violoncelle pour la seconde, occupe une place prépondérante. Cela dit, entre la zénitude méditative d’un côté et l’exotisme punchy de l’autre, notre cœur balance. Et c’est peut-être bien Untitled (Halo) à la Rotonde qui mettra tout le monde d’accord. Ces (très) jeunes californiens doivent avoir écouté les disques shoegaze que leurs parents ont ramené de leur Erasmus à Dublin au début des nineties. L’influence de My Bloody Valentine est prépondérante même s’ils la couplent au groove de Stereolab et à des pointes électroniques. D’ailleurs, ils se passent complètement de batterie mais les voix désintéressées et les guitares dans le rouge perpétuent la tradition…

L’année 2024 d’English Teacher s’apparente à un véritable conte de fées. Les natifs de Leeds l’ont entamée en tant que support de la tournée européenne de Sprints (passée par le Cactus et le Trix en février). « This Could Be Texas », leur premier album, est sorti en avril et a remporté à la rentrée le prestigieux Mercury Music Prize. Après le Pukkelpop, c’est donc aux Nuits Weekender que Lily Fontaine et ses camarades poursuivent leur vertigineuse ascension avant de probables nouvelles distinctions en fin d’année.

Ils ne se sont toutefois pas posés de questions et ont entamé leur set pied au plancher via un « R&B » complètement dingue. De plus en plus à l’aise sur scène, la chanteuse accapare l’attention mais ses musiciens ont clairement droit au chapitre, à commencer par une violoncelliste qui gère en parallèle les claviers. Sur l’un ou l’autre titre, un roadie ajoute discrètement une guitare à l’équation pour un résultat bluffant. Même lorsque la chanteuse passe au piano, sur un excellent « Broken Biscuit » notamment, elle parvient à transcender la composition.

On regrettera cependant la relative accalmie du milieu de set qui reste le point faible de leurs prestations (ce « Mastermind Specialism » aux intonations de Kate Nash). Mais c’est pour mieux revenir et terrasser la salle de bombes punchy saccadées (l’inédit « Billboards », « Nearly Daffodils ») et, au travers de « World’s Biggest Paving Slab », un parallèle avec Wolf Alice, d’autres récents lauréats du Mercury Music Prize. Une manière de boucler la boucle et d’élégamment refermer ces premières Nuits Weekender. Tout en s’étant imprégné de la formule qui rythmera les prochaines Nuits en mai 2025.

Organisation : Botanique

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