Les Nuits 2023: Maruja en surclassement
En cette Nuit de pleine lune, Maruja a aisément éclipsé Courting dans une Rotonde blindée et prête à en découdre. Le match entre Manchester et Liverpool a en effet tourné à l’avantage des premiers nommés alors qu’il n’était clairement pas gagné d’avance.
Et pour cause, il s’est écoulé un paquet de temps entre le moment où les lumières se sont éteintes et le premier son émis par Maruja. Un moment de concentration qui a permis au quatuor de prendre par surprise un public déjà occupé à s’impatienter. Le titre d’intro au flow rageur et aux contours bruts va en effet lâcher les musiciens dans une arène dont ils ne repartiront qu’après avoir mis tout le monde KO. Pour les avoir découverts en octobre dernier au festival Left Of The Dial de Rotterdam où ils nous avaient bluffés à l’heure du brunch, on n’était qu’à moitiés surpris par la tournure des événements.
D’autant qu’ils ont entre-temps gagné en puissance et en assurance, assumant complètement leurs influences jazzy emmenées par un saxophone omniprésent sans taper sur le système (« Rage », quelque part entre Black Midi et Squid). Un saxophone qui, un peu plus tard, dictera toutefois la lente explosion caractérisant « Blind Spot » et ses riffs incendiaires. Ajoutez-y un théâtral chanteur massif au regard sévère autant influencé par le hip hop que par le hardcore qui, lorsqu’il ne participe pas à l’environnement sonore via sa guitare, déambule sans arrêt sur scène. Un batteur pieuvre et un bassiste habité complètent le line-up.
Exigeant, certes, mais suffisamment abouti que pour ne pas perdre pied. Tension et urgence semblent correspondre le mieux à des compositions sinueuses qui alternent retenue toute relative et destruction assumée, à l’instar d’un « Thunder » en crescendo hypnotique et d’un « Kakistocracy » complètement dingue. Prenons les paris. Dans six mois, ils jouent dans une Orangerie sold out. Malheureusement, le vinyle de leur premier EP, « Knocknarea », n’était pas encore disponible au stand merchandising. En revanche, les cartes Pokémon et les feuilles à rouler à leur effigie renvoient le gant de toilette de marcel dans le panier à linge…
Avec le recul, notre soirée aurait presque pu s’arrêter là. Presque, parce que l’entame tonitruante du concert de Courting laissait présager une tout autre issue. Il s’en est déjà fallu de peu pour que le contenu de notre bière ne valse au milieu des mouvements de foule provoqués par un imparable « Tennis », hymne signature avec lequel Sean Murphy-O’Neil et ses camarades ont choisi d’entamer leur set. Rien à redire, ce single annonciateur de « Guitar Music », leur excellent premier album publié l’automne dernier, fait le boulot sur scène également. Tout comme « Football », d’ailleurs (en parlant de match) et « Crass » dans la foulée.
Un début pied au plancher égayé par quelques mesures du single d’Icona Pop (« I Love It ») que le groupe avait enregistré à l’époque et qui a brusquement rendu hystérique ma voisine de gauche. Soit. « David Byrne’s Badside » (sic) reprenant de plus belle une voie tracée par les guitares et la fougue des Strokes tempérée par celle des Kooks. Passons sur le chapeau de cowboy bleu à paillettes arboré par le chanteur à la gueule de star qui ne cadrait pas trop avec leur vision rock‘n’roll. En tout cas jusqu’à présent.
Les choses s’apprêtaient en effet à partir en vrille, pile lorsque le leader activera la fonction auto-tune de son micro. À partir de ce moment, ils nous perdront progressivement, s’enfonçant dans un univers pop nettement moins intéressant que les dix premières minutes du set. À de rares exceptions près (l’excellent « Grand National » et la version hyper speedée de « Popshop! » en tête), leurs compositions emprunteront une voie parallèle qu’une voix robotique beaucoup trop mise en avant gâchera malgré la présence continue des guitares (« Jumper », « Flex »). Ou comment aseptiser un ensemble pourtant consistant jusque-là. Sauvons toutefois du naufrage un solide « Slow Burner » majoritairement instrumental et le mini rappel consistant en une version accélérée (nonante secondes chrono) de « Football ». Insuffisant malgré tout pour espérer revenir à hauteur des gars de Maruja. Victoire de Manchester haut la main…
SET-LIST
TENNIS
FOOTBALL
CRASS
DAVID BYRNE’S BADSIDE
JUMPER
FLEX
GRAND NATIONAL
POPSHOP!
(NEW SONG)
SLOW BURNER
FAMOUS
LOADED
FOOTBALL