Les Nuits 2023: la der de BRNS
Soirée chargée en émotion ce dimanche à la Rotonde du Botanique où l’aventure de BRNS est arrivée à son terme. L’ultime date du Goodbye Tour a ainsi vu les Bruxellois se donner corps et âme pour un public entièrement acquis à leur cause…
Une soirée introduite par Eosine pour qui les choses s’emballent depuis quelques mois, précisément depuis leur victoire au Concours Circuit en décembre dernier. Les portes s’ouvrent désormais comme par enchantement et les dates renommées se multiplient (ils sont notamment annoncés au Dour Festival le 14 juillet). Un début de reconnaissance mérité qu’un deuxième EP fraîchement publié devrait encore amplifier. Supervisé par Mark Gardener, le leader de Ride, l’excellent « Coralline » se positionne comme une évolution notoire qui fait presque passer « Obsidian » (2021) pour un travail de fin d’études.
Ils n’en jouent d’ailleurs plus aucun extrait, préférant se concentrer sur les compositions plus récentes, davantage en adéquation avec leur état d’esprit actuel. Et ils vont faire très fort en balançant d’entrée de jeu leurs deux plus récents singles, « Ciarán » et « Plant Healing » avec détermination et conviction. Shoegaze hypnotique et impressionnante voix cristalline forment l’ossature du second nommé, véritable hit en puissance sur fond de projections réalisées au microscope, rappelant au passage le quotidien académique des musiciens.
Mais, comme nous l’a confié Elena Lacroix, la tête pensante du projet lors de notre récente rencontre, « Coralline » se positionne surtout comme une sorte de tremplin vers la suite de leurs aventures. Le processus semble déjà bien enclenché puisque pas moins de trois nouveaux titres parsèmeront leur set. Des titres méticuleusement travaillés impliquant activement l’ensemble des musiciens. Entre harmonies vocales complices avec la seconde guitariste Julia Billen (« Above »), la voix vénère du bassiste Brieuc Verstraete (« No Horses ») ou la carte blanche au batteur Benjamin Franssen, la symbiose semble parfaite. Sans parler de cette bombe motorique à la Horrors baptisée « Digitaline » qui clôturera le set dans un chaos indescriptible et qui verra Elena défier les premiers rangs en hurlant dans son micro qu’elle finira par balancer par terre. Pas de souci, la relève semble assurée…
SET-LIST
CIARÁN
PLANT HEALING
SEASHELLS
NO HORSES
INCANTATIONS
ABOVE
DIGITALINE
L’annonce du Goodbye Tour au terme duquel l’histoire de BRNS allait se conjuguer au passé a suscité bon nombre de réactions. Pas sûr que les Bruxellois s’attendaient à cet élan d’affection à leur égard mais vu la fin d’un cycle et des projets à foison sur le feu, il ne restait plus qu’à profiter des dernières dates. Parmi celles-ci et au milieu d’une floppée à l’étranger, trois arrêts en Belgique (KulturA, Belvédère et AB Club) avant l’apothéose de ce soir qui s’est retrouvée sold out en moins de douze heures.
Ceci dit, il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne passe à la trappe tout comme les concerts prévus à Tours, Plouha et Alençon les soirs précédents. En cause, une extinction de voix contraignant le leader Timothée Philippe à rester emmitouflé bien au chaud chez lui. Allait-il parvenir à se retaper pour le jour J ? La réponse est oui et sa prestation n’a à aucun moment souffert de la mésaventure, même lorsqu’il devait monter dans les tours et la mettre à rude épreuve, comme sur « Money » notamment.
Il s’agissait également d’une soirée spéciale à notre niveau puisque la toute première fois que l’on a vu BRNS à l’œuvre, c’était un soir de septembre 2011 en première partie de Cloud Control dans cette même Rotonde, bien moins empaquetée que ce soir. On parlait à l’époque de compositions déstructurées et déroutantes chantées à plusieurs voix alors qu’un peu plus loin, nos références pointaient Foals et Animal Collective. C’était bien avant la sortie de « Wounded » qui allait arriver l’année suivante, pile au moment de leur apparition sous le chapiteau en support de Blood Red Shoes qu’ils avaient aisément éclipsés. C’était le début d’une longue histoire entre le groupe et les Nuits.
Il est 21h30 et Tim caresse une cymbale du bout de sa baguette (sans jeu de mots), introduisant « Void » et le début de l’ultime set de BRNS. « J’ai envie de chialer » confie mon voisin. « Déjà ? » Effectivement, l’émotion va nous prendre plusieurs fois par surprise. Alors, imaginez les protagonistes sur scène. Ceci dit, pour l’instant, ils gèrent et un « Here Dead He Lies » qui n’a rien perdu de sa fougue ni de ses détours sonores, va dans la foulée faire exploser la salle une première fois. Si ces gars avaient été anglais ou irlandais, ils seraient sans doute les rois du monde aujourd’hui…
Quatre albums, un EP et un split single avec Ropoporose (avec qui ils formeront le projet Namdose, initié aux Nuits 2018) forment la discographie du groupe et la set-list s’attardera sur chacun d’entre eux. Et c’est même le petit dernier (« Celluloïd Swamp », sorti en 2021) qui se taillera la part du lion. Sans doute leur pièce la plus aboutie, elle est également la plus ambitieuse et l’approche complexe de certains arrangements en rebutera plus d’un. Mais en live, ce disque est une tuerie, comme le démontre notamment « Suffer » qui renvoie à Yeasayer, un autre groupe à qui on les comparait à l’époque et dont ils ont assuré la première partie à l’AB en décembre 2012. Tant le saccadé « Lighthouses » et ses bidouillages électroniques poussés à l’extrême qu’« Inverted » et son incroyable final prenant aux tripes en étant deux autres exemples. Un album collectif sur lequel Tim partage souvent les vocaux avec Antoine Meersseman, mis en confiance par son projet Paradoxant.
Pas de concert d’adieu digne de ce nom sans quelques invités et sur ce coup-là, ils seront généreux, conviant sur scène trois artistes chers à leurs yeux. Si le percussionniste César Laloux était une évidence (il a tout de même fait partie du groupe jusqu’aux enregistrements de « Sugar High » en 2017), Carl Roosens en était une autre. C’est lui qui a conçu la pochette de « Wounded », qui a réalisé le clip de « Our Lights » et qui balance un flow infernal sur « Familiar », performance encore plus impressionnante sur scène. Quant à Lucie Marsaud, elle transcendera dans un premier temps « Hurt » via son envoûtante flûte traversière.
N’oublions pas de mentionner Nele de Gussem (Uma Chine), quatrième membre du combo dont la voix apporte une nuance fondamentale à « The Rumor » et au précité « Lighthouses ». Pointons encore un menaçant « The Way Up », un « Pious Solitudes » sur lequel le guitariste Diego Leyder prendra son pied ainsi qu’un éblouissant « My Head Is Into You », et pas seulement via les flashes stroboscopiques du final. Lorsque César monte sur scène pour un orageux « Deathbed », on sait que l’échéance se rapproche. L’émotion commence à gagner la scène et le public l’a bien compris, reprenant en chœur « I love you so » tel un message envers le groupe. Dans la foulée, un « Get Something » plein de rage mettra un terme au set principal.
Les minutes de BRNS sont désormais comptées et tant Diego que Tim prendront le temps de remercier les personnes ayant de près ou de loin participé à l’aventure. Mais c’est la musique qui aura le dernier mot avec, dans un premier temps « Mexico », le hit par lequel tout est arrivé et qui fera trembler la salle sur ses bases. Tant la flûte traversière de Lucie que les clochettes colorées de César (ici aussi sans mauvais jeu de mots) contribueront à une version unique et mémorable. Plus surprenant, cette même flûte accentuera la gravité d’un « Our Lights » à la puissance rare et nos yeux rougis regarderont le groupe saluer une dernière fois son public avant de disparaître en coulisses.
À force d’insister, les spectateurs recevront une ultime dose de bonheur supplémentaire au travers de la partie la plus rageuse et prenante d’« Inverted », point final d’une histoire que l’on aurait bien voulu voir prolongée encore un peu. L’art de s’arrêter en pleine gloire, comme dirait l’autre. Encore merci pour tout, les gars !
SET-LIST
VOID
HERE DEAD HE LIES
THE RUMOR
SUFFER
THE WAY UP
LIGHTHOUSES
HURT
MY HEAD IS INTO YOU
PIOUS SOLITUDES
FAMILIAR
MONEY
INVERTED
DEATHBED
GET SOMETHING
MEXICO
OUR LIGHTS
INVERTED (REPRISE)