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Les Nuits 2023: David Eugene Edwards en sorcier solitaire

Pour la clôture des Nuits à l’Orangerie, les programmateurs du Botanique ont invité un habitué des lieux, David Eugene Edwards. Le leader de 16 Horsepower et de Wovenhand s’est embarqué dans une tournée en solitaire qui, après être passée par le Reflektor de Liège et le Cactus de Bruges, se clôturait à Bruxelles.

Dernière Nuit et donc l’occasion de dresser le premier bilan d’une trentième édition qui aura drainé la foule malgré une affiche pointue et audacieuse. Encouragés par une météo somme toute assez clémente, 28.000 personnes ont déambulé aux alentours des célèbres marches du complexe et ont applaudi pas moins de 130 artistes. Preuve de cet engouement, dix-sept sold outs (dont Annabel Lee, BRNS, The Haunted Youth et Courting) sont venus apporter une cerise sur le gâteau des Nuits dont la prochaine édition se déroulera du 25 avril au 5 mai 2024.

Tout ceci nous éloigne du concert de ce dimanche soir dont la première partie avait été confiée à Sam De Nef. Si le jeune singer-songwriter anversois ne jouit pas encore d’une grande popularité de ce côté de la frontière linguistique, il s’est déjà taillé une fameuse réputation au nord du pays. Il a ainsi notamment ouvert pour Admiral Freebee, Gabriel Rios et Douglas Firs avant de se retrouver à l’affiche de Rock Herk et du Pukkelpop et de publier à l’automne dernier son premier album, « Dawn/Dusk », chez Unday.

Un album qu’il va présenter dans une pénombre telle que les spectateurs devront brancher la lampe de poche de leur smartphone pour éviter de se trébucher ou de bousculer par inadvertance ceux qui étaient déjà présents dans la salle. Une intimité en adéquation avec ses compositions à fleur de peau jouées assis à la guitare du côté droit de la scène. Sa voix à la fois délicate et plaintive peut parfois rendre l’ensemble déprimant mais les deux nouveaux titres interprétés en fin de set, plus matures et assurés, semblent lui ouvrir une nouvelle voie. Et une guitare électrique, même empruntée à un ami, change tout de même drastiquement la perception.

Ceux qui voulaient compléter leur collection d’albums de 16 Horsepower et de Wovenhand avaient encore un large choix, à condition de ne pas traîner. « No merch after the show », indiquait une pancarte. Ils auraient tout de même pu y rajouter « of the support act ». Résultat, beaucoup de frustration et une incompréhension générale. Le préposé (moyennement motivé, soit dit en passant) avait sans doute besoin de temps pour l’inventaire final avant le retour au Colorado.

La dernière fois que David Eugene Edwards a joué à l’Orangerie, c’était en octobre 2018 en compagnie d’Alexander Hacke, le charismatique bassiste d’Einstürzende Neubauten. Ils venaient y défendre « Risha », une collaboration mise en boîte à Berlin. L’an dernier, il a publié « Silver Sash », un nouvel album de Wovenhand avec le recul assez léger, qu’il n’a pas emmené sur scène jusqu’ici. Inutile de dire que la tournée qui se termine ce soir était un must absolu pour tout admirateur du gaillard, même s’il s’agit d’une tournée en solitaire pendant laquelle il ne se passe pas grand-chose sur scène. Visuellement en tout cas…

En effet, pendant septante-cinq minutes, il ne bougera pas de sa chaise, ne se penchant vers l’avant que pour déclamer d’une voix caractéristique ses incantations dans un élégant micro vintage. Caché derrière une immense paire de lunettes et coiffé d’un chapeau blanc laissant apparaître sa longue chevelure soyeuse, il débutera son set au banjo par deux titres ensorcelants du back catalogue de Wovenhand, « All Your Waves » et « Kingdom Of Ice ». Des versions en mode Americana devant un ampli recouvert du Stars and Stripes.

Cette introduction passée, il attrapera sa guitare et rentrera dans le vif du sujet via le lumineux « Outlaw Song », un des trois titres de 16 Horsepower qu’il choisira de revisiter à la sauce country-folk acoustique. « Hutterite Smile », également extrait de « Folklore » (sorti en 2002, soit l’année du premier Woven Hand – le nom s’orthographiait encore en deux mots à l’époque) se fondra en revanche dans la masse. Au contraire de « Horse Head », le plus ancien titre joué ce soir dans une intense version mystique et soutenue.

Véritable sorcier chamanique, il invoquera les esprits sur un hypnotique « The Speaking Hands » avant de délivrer une envoûtante version du « Sign Of The Zodiac » de Rasputin pendant que les projecteurs s’affolaient gentiment. Quelques bruitages en forme de perles de pluies allaient également apporter une diversité toute relative et faire de « Triptych » (un extrait du susmentionné « Risha » et titre le plus récent du lot) un des meilleurs moments de la soirée, malgré un spot aveuglant sur lequel on avait déjà pesté à l’époque. On y ajoutera également « Deerskin Doll », solide et enlevé dernier titre du set principal.

Comme s’il devait prendre l’avion en sortant du Bota, il est revenu aussi vite pour un seul et unique titre en rappel, le captivant « White Bird », paradoxalement chanté sous une lumière rouge. Très peu prolixe jusque-là, il remerciera chaleureusement l’assemblée avant de disparaître en coulisses. Même si on aurait préféré un rien d’engouement supplémentaire dans son chef (il lui est même arrivé de bailler discrètement entre deux morceaux…), il s’agissait d’une conclusion parfaite à des Nuits plutôt réussies.

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