Les Nuits 2019 : Piroshka, a shoegaze family affair
Avec Paris, Amsterdam, Berlin et Copenhague, les Nuits du Bota étaient l’une des cinq destinations de Piroshka sur le continent. Le supergroupe indie est passé par la Rotonde pour y présenter « Brickbat », son excellent premier album.
On a récemment eu l’occasion de voir Mooneye, ou plutôt son leader Michiel Libberecht en première partie de Black Box Revelation à l’AB. Une expérience assez désastreuse pour le gaillard qui a joué devant un auditoire absolument pas concerné par ses compositions (quasi) sans amplification. Ce soir, c’est en full band que le Courtraisien s’est produit. Et quand on écrit en full band, ce n’est pas dans la demi-mesure puisqu’il s’entoure de deux guitaristes, d’un batteur et d’un bassiste.
Mais malgré cette brigade et la guitare acoustique du chanteur en sus, le résultat reste gentil, propre et poli. On rejoint ainsi l’univers rassurant de The Bony King Of Nowhere et de The Calicos voire, lorsqu’un des guitaristes troque son instrument contre un mini synthé, celui plus pop de Kent. Sans l’inspiration des rockeurs suédois toutefois. Bien ficelé, certes, mais assez inoffensif.
Lorsque Lush s’est reformé en 2015, Miki Berenyi et ses camarades de jeu ont demandé à Justin Welch, l’ex-batteur d’Elastica, de reprendre le rôle du regretté Chris Acland. Pendant une grosse année, ils tourneront en support d’un EP de nouvelles compositions, jusqu’à ce que le bassiste Phil King quitte le navire. C’est Michael Conroy de Modern English qui le remplacera lors du tout dernier concert du groupe à la Manchester Academy en novembre 2016.
Ajoutez à ce trio KJ McKillop, l’ancien guitariste de Moose (et compagnon de Miki) et vous obtenez le line-up de Piroshka, implicitement considéré comme supergroupe indie, même s’ils s’en défendent. « Brickbat », leur premier album, est sorti chez Bella Union (le label co-fondé par Robin Guthrie, producteur de « Spooky », deuxième album de Lush) en février dernier et représente bien plus que la somme des compétences de ses membres. Il est en effet truffé de quelques hymnes qui se dévoilent après une poignée d’écoutes.
Une catégorie dans laquelle on évitera d’inclure « This Must Be Bedlam », plage d’intro et premier titre du concert. Il servira en effet davantage de galop d’entraînement que de prise d’assaut et nous permettra d’observer les musiciens, tous bien installés dans la cinquantaine. Ils sont accompagnés de deux claviéristes choristes (Mew Welch, l’épouse du batteur et Sukie Smith, liée à Moose), chacune disposée de part et d’autre de la scène.
Une scène sur laquelle il ne se passe pas grand-chose. Pas de décor, un light show sobre et un groupe qui a l’air de jouer pour soi. Une impression renforcée à la vision de Miki jouer de sa douze cordes et chanter les yeux mi-clos. Parfois, c’est même une soupe sonore qui semble sortir des haut-parleurs (le pourtant excellent « Hated By The Powers That Be » gâché par des bidouillages d’une autre planète, « April ») avec la triste impression que les versions live ne rendent pas justice à celles enregistrées en studio.
Heureusement, des moments de génie viendront balayer ces errements ponctuels. Prenons ainsi les bombes que sont « Run For Your Life » et « Never Enough », dans des versions survitaminées. Ou ces moments dream pop shoegaze magnifiés par une voix atmosphérique reconnaissable entre mille (« Blameless », « She’s Unreal »).
En fin de set, le groupe trouvera sa vitesse de croisière sous l’impulsion du bassiste subitement en forme. Nerveux et rêveur à la fois, ce sont les riffs de Peter Hook via Blondie qui jaillissent à l’esprit lors de l’incroyable « What’s Next ». Sur l’hypnotique « We Told You », ses parties ronflantes assourdissantes inspireront l’ingénieur du son qui trouvera enfin la position magique des curseurs. Il n’y touchera pas lors du rappel qui verra le groupe se lancer dans une fantastique et entêtante cover du « It’s Obvious » des Au Pairs. Un final en boulet de canon pour adoucir un sentiment somme toute mitigé…