It’s the end of Beak> as we know it…
…and we don’t feel fine. Tel est le sentiment qui prévalait à la sortie de l’Orangerie du Botanique ce mardi. Le trio originaire de Bristol venait en effet d’y donner son dernier concert belge. Sous sa forme actuelle en tout cas.
Mais avant d’essuyer quelques larmes, place à une première partie pour le moins atypique signée Litronix, projet mi-homme mi-robot du Californien Kevin Litrow. Il vient de sortir un split single en collaboration avec les stars du jour, raison de sa présence sur la tournée. Pantalon jusqu’au nombril, il se produit derrière une console aux effets de kermesse devant laquelle défilent en lettres rouges sur un tableau lumineux des messages à sa gloire.
Guitare à la main, le gaillard d’un âge mûr adopte des mouvements saccadés et une voix métallique bourrée de réverb. Ses compositions pop futuristes présentent toutefois un caractère addictif flirtant par moments avec la ringardise mais son talent de performer les sauve de la dérive. Un décalage tout à fait assumé qu’une Orangerie déjà bien garnie lui rendra généreusement.
Le troisième essai de 2024 aura finalement été le bon pour les gais lurons de Beak> qui étaient annoncés à l’affiche de la Nuit All Access ici-même en mai puis au Cactus Festival en juillet mais avaient déclaré forfait les deux fois. Entre-temps, le chanteur-batteur Geoff Barrow a officialisé son départ du groupe au terme de la présente tournée, ce qui lui a instantanément revêtu un caractère tout particulier et précipité un sold out plus que mérité.
Une tournée en support de « >>>> », un quatrième album au titre tout aussi imprononçable que les précédents, paru au printemps sans le moindre teasing promotionnel. Ils vont d’ailleurs dans un premier temps s’y concentrer fidèlement, au risque de voir les spectateurs s’en aller au bar ou au fumoir en attendant que cela passe, blagueront-ils. Pourtant, les titres en question tiennent la route, à commencer par cet incroyable « Strawberry Line » tout en crescendo qui entamera les festivités, porté par une basse crasseuse à souhait. Alors que « The Seal », dans la foulée, démontrera leur habilité à composer des titres catchy sous des arrangements de prime abord complexes.
Installé du côté droit de la scène, l’ami Geoff incarne l’âme du groupe. Il prend la majorité des vocaux à son compte alors que son jeu de batterie retenu trace une voie sinueuse empruntée par ses camarades de jeu, le bassiste Billy Fuller (qui joue assis au centre) et le guitariste chevelu Will Young, également claviériste et bidouilleur à ses heures. Ce soir, ils seront rejoints ponctuellement par leur roadie guitariste qui se produira derrière eux en portant un masque canin. On les aurait bien imaginé pousser le délire jusqu’à ce que le masque en question soit celui du chien dont les yeux lancent des rayons laser vers le trio sur la pochette de « >>>> » mais, s’agissant du fox-terrier disparu du leader, on comprend qu’ils aient évité…
Tout ce petit monde joue devant les quatre immenses lettres du groupe et le bec de canard associé qui s’illuminent au gré des variations rythmiques mais pas seulement. L’ingé-lumière maîtrise en effet le module à la perfection et injecte des séquences d’anthologie en adéquation avec l’univers insaisissable de Beak>. Autre élément indissociable de leur concert, les vannes qu’ils se lancent à la figure à tout bout de champ. Même si, ce soir, ils se montreront relativement modérés sur ce point.
Place donc au nouvel album dans un premier temps qui, à l’exception de « Ah Yeh », sera joué dans son intégralité. Si le groovant « Windmill Hill » et la face punchy succédant à l’entame mélancolique de « Denim » sortiront aisément du lot, les harmonies vocales émaillant « Hungry Are We » et la flûte samplée de « Bloody Miles » sur fond kraut s’avéreront pour le moins surprenantes. En revanche, l’efficace « Secrets » (la face A du split single susmentionné) associe les nappes synthétiques de Kraftwerk, l’aspect motorique de Can et le pouvoir mélodique de New Order. Juste avant l’environnement hanté de « Cellophane », très trip-hop au demeurant dont l’hallucinant final noisy marquera la fin de la première partie du set.
Sans respiration, la machine enchaînera sur un back catalogue qui déchaînera les passions, entamé par un « Yatton » électronique et carré officiant, une fois le tempo calibré, dans la cour de LCD Soundsystem. L’hypnotique « Brean Down » et l’electro-kraut « RSI » continueront à affoler le dancefloor avant un triptyque final dont l’Orangerie se souviendra. L’hyper intense « Allé Sauvage » (en mauvais français dans le texte), le flippant « Wulfstan » et « Blagdon Lake », la dinguerie extraite du premier album en 2009 bouclant leur prestation en mode destruction. Et dire qu’au départ, ces morceaux enregistrés sous forme de jam n’étaient pas destinés à être diffusés et encore moins à être joués sur scène…
Musiques de films, album solo, boss à plein temps de son label Invada ou comeback de Portishead, l’avenir artistique de Geoff Barrow s’ouvre à de multiples options de reconversion. On se demande en revanche si et comment Beak> survivra à son départ…
SET-LIST
STRAWBERRY LINE
THE SEAL
WINDMILL HILL
DENIM
HUNGRY ARE WE
BLOODY MILES
SECRETS
CELLOPHANE
YATTON
THE MEADER
BREAN DOWN
RSI
ALLÉ SAUVAGE
WULFSTAN
BLAGDON LAKE
Organisation : Botanique