dEUS, The Ideal Crash magnitude 8
Vingt ans après sa sortie, « The Ideal Crash » conserve une place de choix dans le cœur des fans de dEUS. Comment expliquer autrement l’engouement autour de la célébration du troisième album des Anversois qui les a vus remplir l’Ancienne Belgique huit soirs de rang ? Retour sur l’avant-dernière prestation de la série.
Soucieux de ceux qui visaient le grand chelem, ils avaient programmé autant de supports différents. Ce sont donc leurs voisins de Crayon Sun qui sont montés sur scène ce soir, bien décidés à ne pas faire de la figuration. Intelligemment construit, leur set ira crescendo, partant des racines d’un blues nerveux à la Seasick Steve (avec qui le chanteur partage la longue barbe blanche et la voix rauque) pour arriver à une vision futuriste aux légères nappes électroniques. Et même presque gothique orientale sur le single « Where Are You? ».
Encore plus fort que Channel Zero qui avait rempli la grande salle de l’AB six fois (mais pas consécutivement) en 2010, dEUS réalise une remarquable performance avec ses huit soirs d’affilée consacrés à « The Ideal Crash », pièce angulaire de leur discographie publiée en 1999. Si les puristes lui préféreront « Worst Case Scenario » et les nostalgiques « In A Bar, Under The Sea », ce troisième album les imposera définitivement sur la scène internationale.
Dimanche électoral mais les résultats tombés depuis la fermeture des bureaux de vote en provenance du nord du pays n’étaient certainement pas pour ravir Tom Barman. Celui-ci ne cache en effet pas son aversion envers les partis d’extrême droite. Rappelons qu’en 2006, il a mis sur pied l’événement 0110 destiné à encourager la tolérance et lutter contre le racisme, ponctué par un concert de dEUS dans son fief anversois.
Lien de cause à effet ou pas, le groupe est monté sur scène avec un quart d’heure de retard, remonté à bloc. L’époustouflante version de « Push The Freaks Up Front » d’entrée de jeu valait bien les quelques minutes d’attente au milieu d’une foule de plus en plus compacte et impatiente. Surprise, en plein milieu du morceau, huit danseurs (cinq filles et trois garçons) ont rejoint un à un les musiciens et entamé une chorégraphie aussi énergique que millimétrée (treize personnes sur un espace aussi réduit, ce n’est pas rien) avant de disparaître comme ils étaient arrivés. Un clin d’œil à la troupe de l’époque emmenée par Sam Louwyck, futur Windman dans le film Any Way The Wind Blows dirigé par l’ami Tom.
On s’attendait à une réaction par rapport aux résultats des urnes mais il s’est contenté de s’adresser au public dans les deux langues, souhaitant la bienvenue à ses compatriotes francophones au passage. Speedé comme jamais, il ne tiendra pas en place au milieu de ses camarades, notamment le violoniste/claviériste Klaas Janzoons à sa droite, le seul hormis lui à avoir participé à l’enregistrement de l’album en question. Le batteur Stéphane Misseghers et le bassiste Alan Gevaert ont en effet rejoint le groupe juste avant les sessions de « Pocket Revolution » alors que le guitariste Bruno De Groote a quant à lui la lourde tâche de succéder à Mauro Pawlowski.
On l’avait notamment vu à l’œuvre l’an dernier aux Lokerse Feesten et on avait déjà pointé un manque de charisme flagrant que l’on avait mis sur le compte du stress. Dix mois plus tard, sa dextérité à la six cordes n’est plus à démontrer mais il lui manque encore quelque chose pour s’affirmer comme membre de dEUS à part entière. Souvent en retrait, hésitant dans ses interventions chantées, il reste le maillon faible actuellement. Ceci dit, l’engouement général de la soirée reléguera ce détail au second plan.
Si la set-list ne réservait aucune surprise (l’album dans l’ordre des plages), l’intérêt était d’observer la manière dont le groupe allait traiter des compositions dont certaines n’avaient peu ou jamais été jouées en live. On pense notamment à l’envoûtant « One Advice, Space » et à « Let’s See Who Goes Down First », premier moment de flottement relatif de la soirée (après une cinquantaine de minutes), bien vite rattrapé par le retour des danseurs légèrement effeuillés. Ces derniers avaient également illustré une version hyper puissante d’« Instant Street » un peu plus tôt.
On retiendra encore les envolées rugueuses de « Sister Dew », l’intro au piano de « The Magic Hour » et son final infernal ainsi que l’urgence sombre de la plage titulaire. Mais aussi la face prenante de l’excellent « Magdalena » et celle, hypnotique d’un démentiel « Everybody’s Weird ». En gros, rien à jeter, et surtout pas « Dream Sequence #1 » en parfaites montées de guitares.
« Quatre Mains », en entame des rappels, sera le seul titre du lot issu du XXIè siècle. Il sera agrémenté d’une pertinente chorégraphie (à laquelle Tom participera perché derrière la batterie) exécutée par des danseurs en verve qui s’illustreront encore sur « Roses » en guise de clôture d’une prestation sans temps mort. Entre les deux, un ravageur « Fell Off The Floor, Man » et un « Hotellounge (Be The Death Of Me) » à donner des frissons raviront les fans de la première heure.
Outre une étoile à leur nom rue des Pierres et des jetons boissons de l’AB à leur effigie, dEUS a désormais élevé « The Ideal Crash » au statut de classique intemporel. Et maintenant, bien vite un follow-up à « Following Sea ». Après sept ans, il est plus que temps…
Photo © 2019 Julie Suain