Blood Red Shoes en vert et contre tout
Quasiment disparus des radars depuis cinq ans, les Blood Red Shoes ont récemment publié « Get Tragic », un surprenant nouvel album qu’ils ont présenté dans une Rotonde du Botanique remplie à ras-bord.
Pour cette tournée européenne, ils ont confié l’avant-programme à John J Presley, un Londonien d’adoption barbu et chevelu à la voix rauque dont le blues constitue la principale source d’inspiration. Adepte de sons analogiques, il est entouré sur scène d’un batteur et d’une claviériste qui actionne par moments une sorte de soufflet vertical en parfaite adéquation avec son univers vintage. Si Jack White n’est jamais loin, les envolées renvoient également vers Two Gallants ou les débuts de The Kills. Jusqu’à ce dernier titre où une flûte orientale ne vienne rendre sa prestation tout à fait singulière.
La première fois que les Blood Red Shoes ont joué à la Rotonde, c’était en novembre 2007, soit plusieurs mois avant la sortie de « Box Of Secrets », leur premier album. Inutile de dire que la cinquantaine de personnes qui avaient fait le déplacement ont ramassé une claque bien tendue dans la figure et sont repartis avec des bourdonnements dans les oreilles. Bien entendu, ce soir, ils jouent à guichets fermés pour la découverte de leur cinquième album, « Get Tragic ».
Un album qu’ils ont pris le temps de peaufiner tout en gérant leur label Jazz Life (sur lequel les Gantois de Raketkanon ont notamment sorti un single en 2015). Mais un album qui risque d’en surprendre plus d’un, et pas seulement via la présence d’Ed Harcourt sur un titre. En effet, la production signée Nick Launay (Anna Calvi, Nick Cave) le rend plus lisse, à l’instar d’« Elijah », le titre avec lequel ils entameront les débats.
Et là, première surprise, le duo est devenu quatuor. Aux côtés de (ou plutôt derrière) Laura-Mary Carter en complet cuir et du décontracté Steven Ansell se trouvent deux musiciens. Une bassiste et un claviériste bidouilleur qui tapote à ses heures sur une batterie électronique. Des effets particulièrement palpables sur « Bangsar » entamé après une interruption consécutive à des soucis techniques et « Howl », titre que l’on peut considérer comme parfaite jonction entre l’ancien matériel et le nouveau.
C’est à ce moment que le duo renverra momentanément son backing band au vestiaire et poussera instantanément le volume dans le rouge via un brutal « The Perfect Mess » et un « Light It Up » en forme d’hymne imparable. Si la guitariste ne décochera pas un sourire durant tout le set, le batteur, lui, communiquera allègrement (et en plusieurs langues) avec un public réceptif qui limitera toutefois les mouvements trop nourris.
Ceci dit, l’évidente complémentarité entre les deux membres permet au groupe de surfer sur une vague puissante et hargneuse qui verra notamment « Cold » et « Don’t Ask » atteindre des sommets. Dans la foulée, un hyper prenant « This Is Not For You » verra l’ami Steven terminer debout sur son kit avant de s’égosiller sur « Je Me Perds » au milieu de flashes verts stroboscopiques. Une couleur omniprésente, de la pochette de l’album aux néons verticaux répartis sur scène en passant par les jeux de lumière.
Pris dans la tourmente, on avait presqu’oublié les musiciens de tournée lorsqu’ils réapparaîtront pour le final d’un « I Wish I Was Someone Better » plein d’anticipation. Ceux-ci participeront à la dernière partie du set principal, intégralement consacrée à des nouvelles compositions. Suicidaire ? Pas vraiment…
En effet, le traitement réservé à « Mexican Dress » et « Eye To Eye » sur scène surpasse aisément la vision Garbage / U.S Girls du studio alors que « God Complex », un single isolé sorti l’an dernier, constituera un final de choix à la distorsion dosée. Quant au tortueux « Colours Fade » en rappel, seul ancien titre joué en quatuor, il pourrait bien être le point de départ d’un éventail de possibilités inédites…