Aldous Harding, what a Treasure
Pour Aldous Harding, donner une suite à l’acclamé « Party » s’apparentait à un véritable défi… qu’elle a relevé haut la main. Son troisième album, « Designer », est une petite merveille qui se bonifie sur scène, comme on a pu le remarquer lors de son passage à la Rotonde du Botanique.
Curieusement, elle s’accompagne d’une artiste chevronnée sur cette tournée européenne. L’Australienne Laura Jean publiera en effet d’ici quelques semaines sa cinquième livraison dont elle présentera l’un ou l’autre extrait en exclusivité, seule sur scène dans son ample combinaison à fleurs. Multi-instrumentiste confirmée, elle s’en donnera à cœur joie tout au long du set, passant sans peine de la guitare acoustique (le candide « First Love Song ») au saxophone en passant par un synthé (le très poppy « Girl On The TV »).
Outre une voix mélancolique et un humour pince-sans-rire (« Mes compositions ne sont pas autobiographiques », précisera-t-elle), les atmosphères tour à tour sinistres, groovantes ou planantes renvoient parfois vers l’univers de Bat For Lashes, la théâtralité en moins. Une constatation à mettre au conditionnel car en temps normal, son groupe entre dans l’équation.
Le 30 mars 2018, Aldous Harding aurait dû se produire à Gand dans le cadre d’une soirée organisée par Democrazy. Mais, à l’instar des autres dates de la tournée, ce concert avait été purement et simplement annulé. La raison ? Un conflit d’agenda en rapport avec l’enregistrement de son troisième album. Autant dire que sa visite était particulièrement attendue ce soir, dans une Rotonde sans surprise sold out en un temps record.
D’autant que « Designer », le fruit de ces sessions publié récemment, va sans doute définitivement l’envoyer dans la cour des grandes. La protégée de John Parish (de nouveau derrière la console) hausse en effet le niveau de plusieurs crans pour parvenir à un ensemble qui lui correspond parfaitement. Elle lui consacrera d’ailleurs la quasi-totalité du set principal, un signe qui ne trompe pas.
Boisson énergisante en main et regard absent, elle montera sur scène bien après ses musiciens pour se lancer dans la plage titulaire, très Suzanne Vega au demeurant. Il s’agira d’un des rares titres pendant lesquels elle aura les mains libres et donc la possibilité de laisser exprimer ses talents cachés de mime. En effet, dès l’excellent « Zoo Eyes », elle se posera sur une chaise haute, recroquevillée sur sa guitare tout en laissant son regard perturbant accentuer les grimaces qui lui déformeront le visage. Mais le plus impressionnant est sans doute la manière dont elle fait du silence un allié, parvenant à captiver un public quasi en mode recueillement.
Ceci dit, ses musiciens ne se défendent pas mal non plus. Outre un guitariste qui joue assis, on retrouve un bassiste pieds nus et un batteur à fond dans son trip. Sans oublier une claviériste qui partagera son instrument avec elle pendant un « Damn » à la trompette discrète. Des musiciens qui s’effaceront sans sortir de scène lors du dépouillé « Heaven Is Empty ». Un peu plus tôt, le magistral « Treasure » nous retournera de sa voix cotonneuse alors que la patte de John Parish s’étale au grand jour sur un « Weight Of The Planet » qui ne dépareillerait pas sur le prochain album de PJ Harvey.
Après un « Pilot » seule au piano, le set principal se clôturera avec un « Blend » malheureusement gâché par une reverb aussi dérangeante qu’inutile. Ceci dit, elle remettra les choses en place lors des rappels débutés sur une cover du « Down The Line » de Gerry Rafferty avec une guitare chaloupée et… un mug sur lequel elle tapera la mesure. Le très folk « Old Peel », dans la foulée, mettra en exergue une surprenante voix presqu’enfantine avant un second rappel improvisé (et en solitaire) pour « The Man Is Waiting For You ». Du bonheur à l’état pur…