Status Quo: Boogie en rock majeur
Le légendaire groupe de rock britannique Status Quo est toujours là, et en pleine forme comme en témoigne leur dernier album « In Search of the Fourth Chord » qui rappelle nettement la grande époque des 70s. Ils seront en tête d’affiche des Lokerse Feesten le lundi 4 août 2008. L’occasion pour Philippe Duponteil, auteur de la biographie francophone du groupe « Status Quo: La Route sans fin » d’interviewer Francis Rossi, guitariste/chanteur, John « Rhino » Edwards, bassiste, et Matt Letley, batteur du Quo, avant ce qui s’annonce comme leur unique concert en Belgique pour 2008. Philippe Duponteil: La liste des chansons que vous jouez en ce moment marque un net retour au Quo « classique » de vos années fastes, c’est délibéré?
Francis Rossi: Bien sûr, ce sont nos chansons ! Les chansons de l’album « Heavy Traffic » me manquent déjà, en fait, mais on voulait changer le set d’une certaine façon. Je ne comprends pas les groupes qui ignorent leur ancien catalogue, j’aime bien nos anciens morceaux.
PhD: La tournée mondiale qui débutera en septembre 2008 s’appellera Pictures – 40 years of hits. Pourquoi ce nom?
Francis Rossi: C’est une de ces idées concepts, il y une compilation qui va sortir chez Universal/Phonogram en octobre dont la première chanson est « Pictures of Matchstick Men » et on s’est dit que ce serait bien de jouer toutes ces chansons. On est ensemble depuis 452 ans maintenant et on jouera donc nos chansons de la Renaissance, de la seconde guerre mondiale, celles de la période Marie Antoinette aussi, etc. Non, je blague! Ca sera ok de toute façon et on verra si le public suit.
PhD: Justement Francis, peux-tu nous parler de ce morceau « Pictures of Matchstick Men » de 1968?
Francis Rossi: Je composais pas mal de chansons à cette époque, il y avait notamment un morceau qui s’appelait « Almost But Not Quite There » que j’aimais bien. Ça faisait comme ça (chante): « Tat ta ta tum tum… ». J’avais entendu « Hey Joe » de Hendrix et j’aimais bien le rythme et les accords. En fait, c’est comme du Oasis aujourd’hui. J’essayais de composer une chanson dans le même style et c’est comme ça que c’est venu. Je l’ai écrite pour la plupart enfermé dans les toilettes pour échapper à ma femme et ma belle mère – notez que ça ne faisait que 2 ans que j’étais marié ! Ensuite, on l’a enregistrée avec le producteur John Schroeder, on a fait une double prise des guitares et on a désaccordé les deux cordes pour obtenir ce son bizarre. Et on a fait le phasing aussi, ça faisait « Wouf! » c’était fantastique. C’est toujours l’un de nos plus gros tubes mondiaux, notamment aux Etats-Unis, et ça m’a rapporté plus ces dernières dix années qu’à l’époque, ce qui prouve qu’on est dans un drôle de business!
PhD: Que penses-tu du fait que des tas d’artistes comme Ozzy Osbourne choisissent de reprendre cette chanson?
Francis Rossi: Au départ ce devait être une face B de 45 tours en fait. Mais ça m’est bien égal que ce morceau ait été repris par des tas de gens comme Ozzy, s’ils veulent le faire, c’est ok, c’est leur décision. Je ne vais pas les en empêcher ou bien les supplier, s’ils le font, pas de problème, c’est une bonne chanson.
PhD: Sur la tournée actuelle, vous jouez « In The Army Now » et on a vu que ce morceau recueille un énorme succès à chaque concert, ce qui prouve que vous avez raison de la jouer même si vos fans ne l’aiment pas trop…
Francis Rossi: A part les paroles de cette chanson, je me souviens d’un copain qui avait toujours des problèmes à l’école, ça n’allait pas et il voulait s’engager dans l’armée ou dans la marine royale, en imaginant cette vie romantique, etc. Et quand je chante le premier vers, je me dit: « Trop tard mec, c’est trop tard, tu y es maintenant, tant pis ». Je savais que ce serait soit un super tube soit un flop mais ça a cartonné. Ça fait partie de ces chansons que soit l’on aime soit l’on déteste et ça a cartonné partout, dans les pays francophones notamment mais pas seulement. C’est un sentiment universel, personne n’a vraiment envie d’être forcé d’aller à l’armée.
PhD: John, parlons un peu de Quo. Cela fait maintenant 23 ans que tu as rejoint le groupe, ce qui fait de toi le bassiste avec la plus grande longévité dans l’histoire de Status Quo. Quelle est l’importance de la basse dans le son Quo ?
John « Rhino » Edwards: C’est aussi important que pour d’autres groupes. Je pense néanmoins que ma basse n’était pas assez mise en avant sur certains disques; j’ai toujours pensé qu’Alan Lancaster était davantage mis en avant sur les anciens disques mais c’était aussi l’époque où le son des guitares était moins puissant. C’est Tonto, notre ancien technicien qui a mixé les guitares de Francis et Rick avec ce son massif, ce qui était super dans un sens, mais c’est fait au détriment des autres instruments. Mais avec notre dernier album « In Search of the Fourth Chord » j’aime bien le son, sans parler de la qualité des morceaux ou du feeling. Le niveau de la basse est bien meilleur. Cela reflète bien le groupe tel qu’il est maintenant. Et si tu écoutes bien, la basse est super bonne, un putain de son, énorme.
PhD: L’album « Heavy Traffic » en 2002 représente un moment décisif dans l’histoire récente de Status Quo.
John « Rhino » Edwards: Oui, la raison c’est qu’on a travaillé avec Mike Paxman et j’ai toujours bien travaillé musicalement avec Mike comme producteur. Et on a enregistré cet album comme un vrai groupe pour la première fois depuis longtemps. On a eu différents producteurs qui partageaient toujours l’opinion de Francis et Rick, et bien que j’ai toujours eu plein d’idées dans le passé, ma contribution n’était pas aussi écoutée que j’aurais aimé. Tandis que Mike écoute toute le monde attentivement sans distinction, sans privilégier l’opinion de quelqu’un en particulier. C’est ce qui s’est passé. J’adore « The Oriental » par exemple, le résultat est vraiment excellent.
Matt Letley: « Heavy Traffic » reste mon album préféré car j’ai beaucoup contribué à ce disque et c’est celui qui a le son le plus rugueux, râpeux. Tous les albums sont différents en fait.
PhD: Il y a aussi votre dernier album « In Search of the Fourth Chord » avec de superbes morceaux comme « Beginning of the End », « Bad News », « Gravy Train »…
John « Rhino » Edwards: Oui, le single « Beginning Of The End » aussi sur le dernier album, j’adore. D’ailleurs j’étais un peu déçu que ce ne soit pas un plus gros tube. Tu sais, j’ai écrit les paroles dans une laverie automatique! En général, je ne passe pas mon temps à invoquer les Muses. Mais quand la Muse te rattrape – et je ne me prends pas au sérieux comme artiste – tu peux être n’importe où, tu peux être en train de ch…, où n’importe où ailleurs, et c’est ce qui s’est passé, j’ai commencé à fredonner « This is the beginning of the end… » et voilà ! Je me suis dit « Super, c’est bien, ça » et c’était parti.
PhD: Matt, comment vit-on un concert de Status Quo depuis la batterie ? C’est forcément différent et unique non?
Matt Letley: Yes, parce que tu vois tout ce qui se passe sur scène. Je suis un peu comme le gardien de but au foot et je vois tout. Pour moi, c’est normal parce que c’est toujours comme ça et ça serait très bizarre autrement si je n’étais pas assis derrière mes fûts, je me sentirais comme un extra-terrestre.
PhD: Pendant le show, Francis Rossi vient souvent devant la batterie. Est-ce pour discuter ou pour garder le bon tempo?
Matt Letley: Oui, parfois il vient pour discuter, on parle de tout et de rien vraiment. C’est juste pour être dans le coup, le rythme, ce qu’on joue. C’est sympa.
PhD: Quelle importance revêt la batterie dans le « son Quo » ?
Matt Letley: Quo a toujours eu un son de batterie très solide et je pense y contribuer à ma façon avec le son de ma batterie. Evidemment les guitares sont énormes dans notre son, c’est ce qui fait qu’on reconnaît le son Status Quo comme étant unique. Mais je joue mon rôle dans le groupe. Je pense avec « Heavy Traffic » on est revenu à un tempo meilleur. Avant, c’était trop rapide. C’est une erreur de jouer trop vite. Si c’est trop rapide, on perd le « poids » du morceau, il vaut mieux se concentrer sur le groove du morceau et pour ça il faut le bon tempo.
PhD: Francis, quels sont tes centres d’intérêt dans la vie?
Francis Rossi: La musique, vraiment. Juste la musique. Je voudrais bien faire un album solo. En fait, au départ je pensais garder 2-3 morceaux comme « Tongue Tied », « Pennsylvania Blues » et « Electric Arena » pour mon album solo mais tout le monde les aimait et on les a enregistrées pour notre dernier album « In Search of the Fourth Chord ». Peut être aussi faire des concerts sous mon propre nom. Rick aussi aimerait ça, je le sais. Tu sais, je ne sais pas ce que c’est que de donner des concerts sans utiliser le nom Status Quo. A part ça, … je vais à la gym 5 jours par semaine, je joue de la guitare 2 heures tous les jours et j’aime bien profiter du jardin de ma nouvelle maison. D’ailleurs je vois encore mon ancienne maison depuis ma nouvelle. C’était le moment pour moi de changer de maison, celle-ci est plus adaptée à ma situation actuelle, elle n’a que 7-8 chambres au lieu de 11, et fait 3000 m2 de terrain au lieu de 12.000 m2 de terrain comme avant.
PhD: John, encore combien de temps vois-tu le Quo continuer?
John « Rhino » Edwards: Aouh! (silence) Franchement je ne sais pas, deux ans peut être. Je ne sais pas. On a demandé à BB King quand il allait prendre sa retraite et il a dit (prend l’accent du bluesman): « Environ 7 ans après ma mort! » Et c’est ce que j’aimerais. Je suis vraiment du type « Rock ’til You Drop »!
Status Quo, Lokerse Feesten, 4 août 2008 20h.
Dernier album: «
In Search of the Fourth Chord« (Fourth Chord / Sony BMG)
Biographie: « Status Quo: La Route sans fin », éditions Camion Blanc 2007.
Photo © 2008 Philippe Duponteil