ArticlesConcerts

MARS VOLTA, les génies de l’Ancienne Belgique ce 9 mars 2008


Il y a trente ans disparaissait Claude François… Ca tombe bien, on s’en fout! Car aujourd’hui, il y a Mars Volta qui débarque à Bruxelles pour venir faire la promotion de son nouvel album « The bedlam in Goliath ». Et c’est vrai que ça va finir comme chez Claude François, par des joutes électriques. Mars Volta, un nom qu’il va falloir retenir. Le groupe américain formé en 2001 est la créature de deux génies Chicanos, Omar Rodriguez-Lopez et Cedric Bixler-Zavala. Le premier est portoricain, le second californien. Leur complicité remonte aux durs temps de At The Drive-In, un combo postcore qui sévissait dans les années 90. Après la disparition de ce groupe à l’aube des années 2000, Rodriguez et Zavala continuent dans De Facto (avec Isaiah Owens et Jeremy Ward) puis fondent Mars Volta en 2001, toujours avec Owens et Ward. La formation va connaître un line-up changeant surtout du côté de la batterie et de la basse mais c’est secondaire étant donné que les grands patrons de l’affaire, ceux qui donnent les interviews et président aux destinées de Mars Volta sont Omar Rodriguez et Cedric Bixler-Zavala.

Le groupe en est aujourd’hui à son quatrième album, « 
The bedlam in Goliath
« 
(2008), qui succède à « De-loused in the comatorium » (2003), « Frances the mute » (2005) et « 
Amputechture
« 
(2006). Point commun entre tous ces albums : une richesse musicale insoupçonnée qui va secouer le tréfonds du funk latino, du metal, du punk et même du jazz, baignant le tout dans une atmosphère progressive hallucinante. J’ai commencé à remarquer le nom de Mars Volta dans les magazines de metal, puis j’ai acheté « Frances the mute » en 2005. Je ne m’en suis jamais remis, soufflé comme un fétu de paille devant une inventivité, une puissance, une technicité et une vision au-delà du commun. Il fallait donc bien se rendre à l’Ancienne Belgique ce 9 mars pour mesurer l’ampleur du phénomène Mars Volta sur scène.

Une armada de roadies s’est affairée sur un matériel hétéroclite pour laisser la place au groupe Mars Volta qui prend place à 20h05 sous des applaudissements nourris. Huit musiciens sont sur scène : percussionniste (Marcel Rodríguez López), saxophoniste (Adrián Terrazas González), bassiste (Juan Alderete), guitariste-claviériste (Pablo Hinojos), le claviériste Isaiah Owens, le batteur Thomas Prigden et bien entendu les héros du jour, Omar Rodriguez-Lopez (guitare) et Cedric Bixler-Zavala (chant). Ces deux derniers évoluent au milieu de la scène, dans un grand espace qui permet au chanteur de bondir dans tous les sens. D’office, on reconnaît les phénomènes : Omar Rodriguez distille sur une guitare de gaucher des solos interminables. Bixler danse comme capté par une transe de guerrier jaguar et Prigden se révèle colossal derrière les fûts.

Ce jeune Black de 22 ans est la nouvelle recrue du groupe. Il sort du prestigieux College of Music de Berklee à Boston et il va falloir compter avec lui à l’avenir. C’est un phénomène, tout en puissance musculaire et capable d’exceller sur tous les rythmes, jazz, prog, metal, funk, tout… C’est à ce jour un des plus grands batteurs que j’ai vu sur scène (avec Mike Portnoy de Dream Theater). Ce type est capable de mettre en péril la suprématie de Neil Peart (Rush) dans la catégorie des batteurs progressifs. Le pire, c’est qu’il n’a que 22 ans. Le batteur de Tokio Hotel n’a qu’à bien se tenir…

Tous les types qui jouent sur cette scène sont prodigieux. Mais c’est Omar qui tient le pompon. Ce type est un authentique demi-dieu de la guitare. A 32 ans, il a déjà 18 ans de carrière derrière lui, 16 albums (en solo ou dans ses groupes précédents). Je vois devant moi un Santana cybernétique qui tisse des solos surhumains. Le style de Mars Volta plonge dans le funk metal agrémenté de Santana et surtout de King Crimson. D’où l’étiquette prog que l’on accroche volontiers à ce groupe. Je ne conteste pas mais j’exige à ce moment-là qu’on reconnaisse Mars Volta comme le véritable dépoussiéreur du progressif. A l’heure actuelle, le prog, qu’est-ce que c’est? Une scène qui survit depuis plus de 35 ans, qui se compose aujourd’hui de toutes sortes de chapelles comme le néo-prog, le prog metal, les dinosaures du progressif, blanchis et bedonnants, qui continuent de tourner dans nos régions dans des concerts pépères. Avec Mars Volta, tout ceci vole en morceaux. Ce groupe de surdoués issus d’une scène underground active depuis près de quinze ans a une expérience musicale incommensurable, regorge d’idées et d’énergie. Ces types-là n’ont rien à voir avec le show business. Ils ne sont pas dans la bamboche rock star ou dans le binaire « shabada I love you ». Ces gens sont habités, ils ont un message à transmettre à l’humanité et ce n’est pas pour rien s’ils jouent presque trois heures.


Oui, Messieurs-dames, deux heures et quarante minutes au compteur. Du marathonien, de l’herculéen. Avec « Roulette », le premier morceau de trente minutes, aussi long qu’un concert entier des Ramones, les choses sont tout de suite posées : Mars Volta est là pour longtemps. Comme je sais que le concert parisien du groupe a duré trois heures, je m’attends à de la course de fond de haute volée. Et c’est exactement ce qui se passe. Mars Volta joue douze morceaux en deux heures quarante, ce qui met la moyenne du morceau à treize minutes trente. Si l’on additionne les durées de ces morceaux tels qu’ils apparaissent sur album, on obtient une heure cinquante-cinq. C’est vous dire si Mars Volta étire à loisir ses chansons quand il est sur scène. Une petite moitié du répertoire de ce soir vient du dernier album « The bedlam in Goliath ». Au fait, pourquoi ce titre? Il dérive de l’aventure qui est arrivée aux musiciens de Mars Volta qui racontent à qui veut les entendre qu’ils ont enregistré cet album avec l’aide d’un ouija, cette fameuse planche divinatoire qui permet de communiquer avec les esprits de l’au-delà. C’est précisément un de ces esprits appelé Goliath qui a dicté au groupe la plupart des paroles et expressions que l’on retrouve sur l’album. Voilà l’anecdote. Pour le reste, Omar et sa bande continuent de penser qu’ils ont fait un album maudit qu’ils doivent absolument disperser dans le public afin de conjurer le malheur qui pèse sur leurs têtes. Je ne sais pas si c’est vrai, mais si ça peut faire vendre… Le reste de la set list s’articule harmonieusement autour des albums précédents du groupe, représentés par des titres forts comme « Miranda », « Cygnus » ou « Tetragrammaton » (appelé « Tetris » sur la set list).

Tout s’enchaîne sans le moindre temps mort. La seule communication avec le public se limite à une engueulade proférée par Cedric, qui estime que la salle ne bouge pas assez. Cette brève rodomontade aura pour conséquence de provoquer immédiatement de solides po-gos qui viennent se fracasser contre le premier rang, c’est-à-dire dans mon dos. Après les premières 90 minutes de show à fond de train, quelques musiciens partent en pause, tandis qu’Omar et Cedric continuent d’occuper le terrain, infatigables, comme montés sur pile nucléaire ou gavés au lithium. Puis la lutte repart de plus belle. Mars Volta alterne moments de furie ultime avec ambiances stratosphériques insensées. Tout le génie du groupe repose dans l’exploitation maniaque des riffs de base, jetés dans l’arène comme des fauves sous testostérone.

Vers la deuxième heure de show, le concert prend des allures de féérie électrique. Les doigts d’Omar Rodriguez dégoulinent sur le manche. En près de trois heures, il ne retirera ni sa veste, ni son gilet, sautant parfois de toutes ses forces, tailladant sa guitare dans des accès de rage froide, tandis que son acolyte Cedric, le visage disparaissant sous une masse de cheveux bouclés, se projette d’un côté à l’autre de la scène, accroché à son micro blanc dont le fil fouette presque les premiers rangs. Décidément, les hommes de Mars Volta sont des génies. Avec leurs tronches d’Aztèques habités par le ciel, ils doivent certainement venir de l’Atlantide.

Il n’y aura pas de rappel, ce qui peut s’excuser, vu la durée du show. Après ce triomphe olympien, Mars Volta salue la foule et quitte la scène. Bouche bée, je n’ai plus qu’à rentrer chez moi avec en tête cette unique mot qui résonne : « Incroyable… incroyable… incroyable… ».

Tout pour Volta.

Set list : Roulette dares (the haunt of) / Viscera eyes / Wax simulacra / Goliath / Ouroboros / Tetragrammaton / Agadez / Cygnus… Vismund Cygnus / Aberinkula / Drunkship of lanterns / Asilos Magdalena / Miranda that ghost just isn’t holy anymore / Day of the baphomets

Les autres photos de
The Mars Volta

Photos © 2008 Ingrid Ballieu

One thought on “MARS VOLTA, les génies de l’Ancienne Belgique ce 9 mars 2008

  • Mars Volta j’adore! Me dirigeant vers le concert, beaucoup de questions émergeaient dont celle de la représentation scénique d’une musique aussi élaborée.

    Première déception, au début le son était mauvais il a fallu 20 minutes pour faire une balance somme toute compliquée au vu des sophistications musicales et le vocal était noyé dans le reste! Après les choses se sont arrangées mais aussi en augmentant exagérément le son.
    Deuxième déception, malgré le sold-out vite affiché il régnait un brouhaha incroyable au fond de la salle. J’avais déjà eu ce genre d’inconvénient mais lors de première partie. Se déplacer me direz-vous, à plusieurs reprises et sans changement. Alors je lance un appel « Laissez bobonne ou pépé à la maison! » ne les obligez pas à vous accompagner!
    Troisième déception, je n’ai rien vu de la scène à croire que tous les géants s’étaient donnés rendez-vous, la prochaine fois je viens avec un escabeau…
    Comme si ce n’était pas suffisant les aller-venues, étaient constantes, en résumé le public avait du mal à accrocher. Quelque part je peux comprendre car les improvisations expérimentales étaient loooooongues suivies de jazz-rock ou le public semblait mieux accrocher à l’hameçon (ik ook!) pour continuer sur des envolées de rock-progressif, le poisson est cuit.
    Et ainsi de suite dans des ordres différents, le public accrochait aussi vite qu’il en décrochait. Les brouhahas augmentaient durant les parties expérimentales ceci expliquant cela.

    Désormais, je me contenterai de leurs albums car même si certains demandent à entendre autre chose que la version album lors d’un concert, cela me laisse un goût amer quand ce qui est possible en studio semble impossible sur scène!
    Ceci dit j’écris ça, mais je connais ma curiosité, totalement indomptable!!!

Laisser un commentaire

Music In Belgium