METAL URBAIN + Grrzzz, Magasin 4, Bruxelles, 01.12.2006
Premier concert historique de Métal Urbain en Belgique. Ils sont de retour. Il s’est passé trente ans. Métal Urbain est sans doute le groupe qui concentre le plus de mythe au mètre carré en fonction de sa production discographique officielle : trois 45 tours en quelques mois d’existence. Et ce silence de près de trente ans enfin brisé par un retour éclatant aux affaires.
Rappel des faits. Métal Urbain, c’est n’est pas du Metal mais c’est effectivement urbain. Ce groupe punk français pionnier du genre dans l’Hexagone giscardien de 1976 a fait partie du premier spasme qui a secoué le monde policé du Rock de l’époque. Quelques 45 tours, une agitation outrée, des riffs saccadés et hargneux sur fond de boîte à rythme, et la désintégration logique pour un combo de cette trempe. Le mythe fut entretenu dans les années 80 avec la compilation posthume « Les hommes morts sont dangereux » de 1981, petite boule de haine indispensable à tous les Punks en marge du système. Les musiciens de Métal Urbain ont continué des carrières confidentielles avec des groupes comme les Métal Boys ou Dr. Mix & The Remix.
Mais rien ne vaut cette résurrection qui ravive les souvenirs des anciens survivants des années 77-81 et attire une nouvelle génération de punkers lassés du Bubble Punk et de la révolte de salon. Car les musiciens de Métal Urbain (ceux qui étaient là au début de l’aventure : Hermann Schwartz et Erik Débris) ont toujours la haine, tailladent toujours aussi sauvagement l’hypocrisie et la sclérose de notre société ruinée et réalisent cette année ce qu’il faut compter comme leur premier album officiel, le douillettement nommé « J’irai chier dans ton vomi ». Les Frenchies ont fait très fort puisqu’ils ont concocté ce disque ni plus ni moins qu’aux Etats-Unis, sous la houlette savante de Monsieur Jello Biafra, cultissime chanteur des intrépides Dead Kennedys, cette fois producteur de génie.
Avec de telles références dans la besace, Métal Urbain peut revenir en force faire valoir ses droits à la légende, il y aura immanquablement une horde de fans qui les honorera comme ils le méritent.
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec le premier passage de Métal Urbain en Belgique, étape intéressante d’une tournée essentiellement active en France. J’avais eu l’occasion de les découvrir sur scène à Montpellier il y a quelques mois et je ne m’en suis toujours pas remis. J’emmène ce soir un ami fidèle qui se languissait de voir Métal Urbain depuis la bagatelle de 25 ans. Il sera comblé ce soir en découvrant l’ambiance très particulière du Magasin 4, endroit tout trouvé pour un concert de keupon irréductible. Devant la porte, quelques grappes d’Iroquois purs et durs attendent tranquillement que des spectateurs leur fassent l’aumône de quelques pièces pour pouvoir entrer. A l’intérieur, c’est tout aussi mythique puisque ce sont les membres de Métal Urbain eux-mêmes qui installent leur stand de tee-shirts au fond de la salle. J’ai l’honneur de me faire marcher dessus par Monsieur Hermann Schwartz himself, ce qui commence très bien.
Plus d’une heure après l’ouverture des portes, vers 21 heures 15, le groupe de première partie aborde la minuscule scène encombrée de matériel. Grrzzz (prononcer « Groze ») est un duo électro-punk français de deux musiciens, que le site officiel du Magasin 4 avait qualifié de nains mais qui sont en fait petits bien que trop grands pour être des nains. Le garçon et la fille qui animent ce groupe se présentent comme « venant du pays de Sarko et des flashballs » et assurent un set de 11 titres excellents, produits à partir d’une boîte à rythme, d’effets électroniques et d’une bonne vieille Fender Stratocaster qui en a vu d’autres. Sur fond de rythmiques automatisées et de paroles hachées, Grrzzz chauffe peu à peu la salle et parvient à se mettre le public dans la poche vers le dernier tiers de sa prestation, puisque les premiers rangs commencent à se livrer à un po-go viril où bondissements de kangourous sous excitants et choc frontaux de crêtes et Perfecto graisseux se déchaînent. Grrzzz achève en beauté son show avec une reprise de Ministry, ce qui ne saurait déparer le style de la soirée.
Avec l’arrivée de Métal Urbain sur scène (vers 22h30), la grande tradition du Punk bordélique et indompté va encore perdurer ce soir. Les types ont beau avoir écrit un des titres d’album les plus vulgaires de l’histoire du Rock, Erik Débris s’excuse auprès de moi pour que je le laisse passer au moment où il monte sur scène. Avec sa bonne bouille de notaire en pré-retraite et ses longs cheveux gris genre nouveau philosophe, on a du mal à croire qu’il est un de ces punks parmi les plus extrêmes, surtout par les paroles de ses chansons, véritables hymnes à l’anarchie et à la révolution. Son fidèle compagnon Hermann Schwartz occupe la droite de la scène et sa Gibson Les Paul noire entame sans fioritures les énormes riffs de « Change de chaîne », chanson introductive extraite du nouvel album. Son confrère de gratouille, qui occupe l’autre côté de la scène, arbore quant à lui une Gibson SG noire tout aussi efficace. Il s’agit de Vott, un ancien du légendaire groupe Komintern Sect. Le son si particulier de Métal Urbain ne serait pas ce qu’il est sans un claviériste fou en charge de la boîte à rythme. Celui-ci, un certain Jérôme Solo, est, comme le second guitariste, un nouveau venu chargé de faire oublier l’époque où c’était Clode Panik qui officiait au chant et Zip Zinc qui triturait les touches.
D’entrée de jeu, le public s’embrase. La centaine de Punks et assimilés qui assistent au carnage se balancent en tous sens, propulsant les plus petits sur des distances kilométriques. Bien placé sur la droite, je me contente de danser comme un possédé et de servir de mur à mon vieux pote qui rebondit parfois à l’occasion d’une charge po-go digne des invasions tartares. Le merdier généralisé monte peu à peu vers le paroxysme au fur et à mesure que Métal Urbain abat froidement ses chansons, subtil équilibre entre les nouveaux textes (« Change de chaîne », « Hello hello », « Logotomie », « J’irai chier dans ton vomi », « Clichés sous développés ») et les « classiques » extraits des « Hommes morts sont dangereux » (« Hystérie connective », « Snuff movie », « Numéro zéro », « Ghetto »). Les kids, relativement jeunes comparés à l’époque éloignée où Métal Urbain sévissait, sont tellement pris dans le plaisir de la cohue qu’ils ne comprennent pas pourquoi à un moment Erik Débris se plaint des problèmes techniques qui génèrent du Larsen dans son moniteur de retour. Le chanteur s’ingénie à expliquer que le son est parti en quenouille et que punk ne signifie pas forcément un son pourri. S’il n’est pas content, il n’a qu’à se plaindre à son syndicat, en tout cas, le voilà parti sur « Clichés sous développés », ce qui oblige ses camarades à exécuter le morceau en instrumental. Ces caprices techniques nous coûtent « Ici c’est la guerre », prévu sur la set list mais non joué.
Débris revient peu après et reprend le show de plus belle, visiblement de meilleure humeur et content de voir un public complètement parti dans l’hystérie la plus totale. Il est certain que le public bruxellois a mérité ce soir un nouveau passage de Métal Urbain en Belgique. En tout cas, c’est tout ce qu’on espère. Le keupon de base continue de voltiger sur « Ghetto », « Sinistre », « Mon âme au diable » et la paire de classiques qui terminent de démolir la petite salle du Magasin 4, « 50/50 » et « Crève salope ». Ces textes ont beau avoir trente ans, ils sont toujours d’une actualité torride. « 50/50 » parle des élections et de l’arnaque généralisée qui en résulte. « Numéro zéro » parle de l’anonymat des grandes villes et « Hystérie connective » a déjà un parfum de fusillade en règle de la société multimédia insipide et déshumanisée.
Dans la folie ambiante, quelques spectateurs se distinguent. Une blonde en T-shirt orange monte sur scène et danse auprès d’Erik Débris. Un type entreprend de lui tripoter les nichons et reçoit en retour sur la tronche l’intégralité du verre de bière de la blonde. Le roadie qui court en tous sens pour remettre les câbles à leur place, lutter contre le Larsen et replacer les amplis bousculés doit également évacuer du bord de scène un type totalement bourré, parti dans le deuxième monde grâce à la bière et certainement une autre substance, car il n’est pas possible d’être aussi déjanté avec le seul jus de houblon.
Le triomphe de Métal Urbain est consommé avec le rappel, composé de l’incontournable « Panik », morceau qui passait même à la télé française dans les années 70. Ici encore, un « Envoyez la dose » prévu dans la set-list est esquivé. Le groupe n’est même pas parti en coulisses avant de revenir sur scène, pour la bonne raison qu’il n’y a pas de coulisses directement accessibles de la scène. C’est sous des ovations désinhibées que le quatuor quitte la scène. Je serre la main d’Hermann Schwartz qui se souvient de moi à l’évocation du concert de Montpellier, où il avait signé mon billet.
Rien de mieux pour clôturer cette soirée fabuleuse que de courir au stand et mettre la main sur le dernier CD, le T-shirt, les badges, une affiche, le tout à des prix démocratiques. Amis Punks, au lieu de perdre votre temps avec Green Day ou Offspring, écoutez les vrais héros de la subversion, les chevaliers de l’anarchie, les pourfendeurs d’une société décadente et misérable. Soyez des keupons, bordel!
Set list : Change de chaîne / Hystérie connective / Hello hello / Snuff movie / Logotomie / Numéro zéro / J’irai chier dans ton vomi / Clichés sous développés / Ghetto / Sinistre / Mon âme au diable / 50/50 / Crève salope / Panik (rappel)