Jon Spencer and The Hitmakers
Contrairement à ce que suggère son titre, « Spencer Sings The Hits » n’est ni un disque de covers ni un best of des nombreux projets de Jon Spencer mais bien son premier album solo en un peu plus de trente ans de carrière. Il était à l’Orangerie du Botanique pour le présenter lors d’un set bourré d’énergie. Omniprésents sur le circuit live, les Ostendais de The Glücks avaient été judicieusement sélectionnés pour assurer la première partie. Il ne leur faudra en effet pas plus de vingt secondes pour se retrouver à fond dans leur trip. Démonstratif à souhait, l’intenable duo (monsieur guitariste et madame batteuse) s’active dans un univers délibérément saturé, amplifié par une réverbération extrême au point de rendre inaudibles les interventions entre les morceaux. Efficace, certes, mais on les préfère de loin dans un endroit confiné où le volume sonore flirte avec le rouge vif…
À peine les amplis de Boss Hog rangés (ils sont notamment passés par le Vooruit et le Depot l’an dernier), Jon Spencer n’avait qu’une envie. Repartir sur les routes avec le Blues Explosion. Mais l’état de santé du guitariste Judah Bauer, qui a développé une maladie respiratoire lors de la tournée de « Freedom Tower » en 2015, l’a contraint à revoir ses plans. Il s’est alors enfermé dans sa cave pour composer des titres bruts et spontanés qui se retrouvent sur « Spencer Sings The Hits », premier album libellé à son nom seul.
Ceci dit, il a été mis en boîte avec l’aide de deux fidèles camarades, le batteur M. Sord et le claviériste Sam Coomes qui se trouvent sur la scène de l’Orangerie ce soir, accompagnés d’une vieille connaissance, Bob Bert, percussionniste ganté complètement frappadingue qui passera son temps à démonter un établi et une poubelle métalliques à l’aide de deux marteaux. Ce petit monde a affectueusement été baptisé The Hitmakers par le maître himself.
La bonne nouvelle, c’est que malgré une assistance presqu’exclusivement constituée de fans historiques, l’ami Jon, éternel good looking boy au look intemporel évitera le plan nostalgie. Il se plongera en effet généreusement dans cette nouvelle plaque, balançant le stroboscopique « Overload » et le crasseux « Ghost », deux de ses meilleurs extraits, lors d’un premier quart d’heure qui lui sera entièrement consacré.
Ceux-ci portent la marque de fabrique du bonhomme qui, sans changer fondamentalement sa formule, conserve cette spontanéité et cette hargne qui le placent un cran au-dessus de la mêlée. Et il parvient même à surprendre via notamment les influences hip-hop garage que jalonnent le surprenant « Time 2 Be Bad ». Un peu plus tard, le sexy saccadé « Fake » et le limpide « Do The Trash Can » accentueront la pertinence du titre de l’album, synthétisée dans l’excellent « I Got The Hits ».
Ce sont toutefois les extraits de son back catalogue qui récolteront le plus de suffrages, d’autant qu’il couvrira à peu près toutes les périodes de sa carrière. De Pussy Galore (le furieux « Pretty Fuck Look ») à Heavy Trash (« The Loveless » en final du set principal) en passant bien entendu par le Blues Explosion (« Dang », une tuerie), sans toutefois rester strictement fidèles aux versions originales. L’absence d’une basse se fera malgré tout sentir de temps à autre alors que le martèlement métronomique finira par taper sur le système.
Ceci dit, les rappels mettront tout le monde d’accord. À l’exception d’un ultime nouveau titre (l’autant flippant que dansant « Hornet »), ils se plongeront entièrement dans la brève mais intense carrière de Pussy Galore. « New Breed », « Just Wanna Die » et « No Count » n’ont absolument rien perdu de leur fougue rebelle. Spencer definitely rules…