Raismes Fest 2018 : Back to the future / Les 20 premières bougies
Chaque année, depuis deux décennies, le tumultueux passé du Heavy Rock entre en collision avec son brillant futur sur le territoire de la petite ville de Raismes. Cette rupture du continuum espace-temps, artificiellement créée il y a déjà 20 ans par le visionnaire Philippe Delory et son équipe d’apprentis-sorciers bénévoles, est connue du monde scientifique sous le nom de Raismus Festum Cht’i Biloutum. Pour côtoyer les dinosaures qui ont fait le bonheur de nos platines vinyles tout en découvrant le Rock burné que nous téléchargerons sur nos smartphones l’année prochaine, il n’y a qu’une solutions : s’embarquer sur la Deloryan et pousser l’accélérateur jusqu’à 88 miles à l’heure. We are Back To The Raismes Fest, Biloute ! Samedi 15 septembre 2018 :
Le Château de la Princesse d’Arenberg n’est probablement pas le plus prestigieux des édifices historiques que compte le patrimoine français. Une fois par an, cependant, l’antique bâtisse raismoise revêt une parure de Métal et de Rock qui la rend plus clinquante que le plus luxueux des Versailles. Le soleil brille sur Raismes en ce tout début d’après-midi, mais vent de révolution souffle sur les terres de la Princesse. Sus aux privilèges ! Décapitez les passe-droits ! À l’échafaud, vilains scribouillards et arrogants chasseurs d’images ! Pour passer la grille du château, il vous faudra désormais payer la gabelle, comme le bon peuple de France ! Il fallait bien que cela arrive un jour ! Cela fait longtemps que nous abusons de la générosité de nos hôtes en leur faisant croire que nous venons à Raismes pour travailler et ils ont fini par se rendre compte de l’imposture. Bah, au diable le droit divin, la somme exigée est plutôt dérisoire et le cerbère qui la réclame est franchement joli… et puis la route a été longue et je dois faire pipi ! Pas de tergiversation. Je déballe le pognon.
13h20. Zut ! Trop tard pour pouvoir contempler le boulot de l’entreprise Metal Industrielle lilloise Kinderfield ! Dommage, le look était prometteur. Juste à temps, cependant, pour voir les énervés de Raspy Junker monter sur le ring. Comme Kinderfield, le gang parisien a gagné son droit de passage sur les prestigieuses planches raismoises en convaincant le tribunal du Cht’i Rock Festival du bienfondé de son entreprise. Selon les accusations de leur page Facebook, ces quatre gaillards à la mine patibulaire ont subi l’influence de malfrats célèbres tels qu’Alice In Chains, Gun’s Roses, Foo Fighters ou encore Metallica au cours de leur tumultueuse jeunesse et nous mesurons aujourd’hui les effets de ce lourd passé sonore. Trente minutes à se faire bastonner au son d’un Heavy Rock musclé et entraînant, c’est plutôt douloureux pour une foule matinale. Mais nous ne nous laissons pas faire. Unis comme un seul homme, nous rendons les coups en tapant du pied et en hochant frénétiquement la tête pour simuler de menaçants coups de boules. Peine perdue. L’attaque a surpris et nous sommes à genoux. Beau combat quand même.
14h30. La situation est toujours tendue. Quoi de mieux, pour calmer les esprits, que l’un de nos fameux ‘compromis à la belge’ ? Avec sa propension à combiner le muscle et la mélodie, Max Pie s’avère donc être le médiateur idéal ! Cela fait un moment que je n’avais plus vu Tony Carlino et sa team de virtuoses sur scène et j’avoue qu’ils m’avaient manqué. Très en voix (pour un mec qui sera septuagénaire dans vingt ans à peine), le vocaliste hennuyer mène son groupe en bon père de famille : leader incontesté de la formation, il se tient respectueusement en retrait lorsque ses musiciens pratiquent le subtil exercice de la joute instrumentale. Les musiciens en question, ce sont, nous le savons déjà, l’hyper-efficace tandem rythmique Sylvain Godenne/Lucas Boudina, accompagnés depuis quelques mois déjà d’un nouveau guitariste nommé Thibaut Basely. Ce dernier, malgré une encombrante barbe de hipster et un look de bad boy futuriste inspiré par la quadrilogie Mad Max, se révèle être un très fin bretteur ! Max Pie a un nouvel album en chantier (NDR : il était temps, « Odd Memories » date de 2015) et, entre deux brûlots extraits de ses trois plaques précédentes, il nous en présente quelques morceaux choisis. Toujours aussi impressionnants de technique, les nouveaux titres semblent toutefois être légèrement plus accessible pour le commun des non-musiciens que par le passé. Raismes aime Max Pie. Les acclamations qui fusent en sont une preuve évidente. Celles-ci atteignent leur paroxysme lorsque Joe Amore (NDR : l’ex-vocaliste de Nightmare et actuel frontman d’Öblivïon) rejoint Tony Carlino sur les planches pour un bref, mais sympathique duo. Un grand moment !
Le soleil brille et rien ne semble pouvoir perturber la quiétude qui règne sur le parc du château. Pourtant, dans l’ombre, la colère gronde. Le puissant syndicat de la presse musicale internationale tient une réunion de crise dans l’un des recoins les plus discrets du château : le bar.
Désigné secrétaire de cette réunion d’envergure, je note la présence des participants :
– Alain Boucly, représentant de branche française ?
– Présent.
– Michel Serry, descendu de son arbre pour représenter la pour la Belgique?
– Présent !
C’est bon. Nous sommes au complet.
Déjà les discussions vont bon train :
– Nous faire payer un droit d’entrée, à nous ! Mais jusqu’où iront ces brimades et ces humiliations incessantes ? Pourquoi tant de haine ?
Pour Alain, qui fait ce boulot depuis tellement longtemps qu’il a connu la grande crise de ’72 ; celle-là même qui a mené à la suppression du ‘Divin Droit De Cuissage’, c’est la goutte de bière qui fait déborder le gobelet en plastique officiel du vingtième anniversaire du festival© (Note de l’organisateur : item vendu au bar pour la modique somme de 1 euro).
– C’est un scandale ! Il faut avertir la presse !
– Alain, c’est nous la presse. Et on est déjà au courant ! Peut-être devrions-nous plutôt essayer de rameuter des vedettes du Show Biz. Ils soutiendront sans doute notre juste cause, non ?
Nous envisageons immédiatement d’écrire à Gérard Depardieu. Mais non. Trop difficile. Nous ne connaissons pas le prix d’un timbre pour la Corée du Nord ou la Russie. Par contre, nous avons vu Spenser du
Fernando Rock Show se balader sur le site du festival cet après-midi. Si nous arrivons à le convaincre, d’autres suivront. Avec l’effet boule de neige, peut-être arriverons-nous à émouvoir Tatayet, et même…Kermit la grenouille… ! Mais non ! Spenser n’aime pas les glandeurs, c’est écrit sur son site. Alors forcément, il ne va pas nous aimer ! Bah. Tout compte fait, ce n’était pas si cher cette participation.
– Bon ben, on laisse tomber alors ?
– Oui, mais la prochaine fois…. La prochaine fois … ils vont voir ce qu’ils vont voir !
– Dis Alain ? Pour le droit de cuissage, en ’72… vous n’avez vraiment rien pu faire alors ?
Alors que nous avortons lamentablement notre projet de contre-offensive, Öblivïon débarque sur planches et libère enfin Raismes de l’oppressant silence dans lequel il est plongé. Le Heavy Metal pur et dur se faisant plutôt rare sur l’affiche de cette édition anniversaire, je profite de chaque seconde de la prestation burnée des trois ex-Nightmare et de leurs nouveaux compagnons de route. Un Heavy Metal haut de gamme, joué par des musiciens expérimentés, rehaussé par les puissantes vocalises de l’une des plus grandes voix du Metal hexagonal,… inutile de vous préciser que je suis à la fête ! La cover d’un classique de Nightmare reçoit un accueil plus que chaleureux de la part des nombreux connaisseurs en terroir local présents dans la foule. En Belge ignorant, je ne reconnais pas l’hymne cultissime. Pour faire bonne figure cependant, je remue les lèvres en faisant semblant de connaitre les paroles par cœur. Quelles bêtes de scènes, quand même, ces gars d’ Öblivïon !
Découvrir à 52 ans que je suis masochiste perturbe intensément le bon père de famille que je me targue d’être. Mais comment expliquer autrement le fait que je prenne mon pied en recevant en pleine poire la plus grosse baffe de la journée ? Le nom de mon tortionnaire : Jared James Nichols ! Ah l’horrible personnage ! Grand, blond, un corps musclé, un sourire charmant, surdoué de la guitare, doté d’une voix chaude et profonde ; ce mec n’a absolument rien pour plaire ! Pourtant, d’une manière assez inexplicable l’affreux yankee tétanise la foule. Si votre pire cauchemar est de voir sur scène un Zakk Wylde jeune et sobre, doté du charisme et du talent d’un Ted Nugent humble et sympathique et le voir jouer de fantastiques compositions Heavy Blues tout en sublimant quelques covers de classiques interplanétaires tels que le « N.I.B. » de Black Sabbath ou le « Mississipi Queen » de Mountain, alors, n’allez surtout pas voir ce mécréant en concert. Si à l’inverse, cette description a provoqué chez vous un début d’érection, même minime, vous avez probablement manqué le concert de l’année en restant chez vous ce samedi ! Pour moi, incontestablement, le meilleur concert de la journée !
Le nostalgique des années 80 que je suis attendait beaucoup du retour de Stocks à Raismes. Il n’a été que partiellement déçu. Bien avant Dany Boon et Jeanfi Janssens, la légende incontestable du grand ch’nord, c’était Stocks. Et les Stocks, ce n’étaient pas de vulgaires rigolos ! En matière de Blues Rock sudiste, les Lillois et leur leader Christophe Marquilly n’avaient de leçons à recevoir de personne. Leur album « Enregistré en Public » de 1982 était si authentique que l’on aurait pu y apposer un sticker portant la mention ‘Méfiez-vous des imitations texanes’ ! Oui mais voilà… les années n’ont pas été tendres avec la bande à Marquily. Ah, si l’organisation du Raismes avait eu la bonne idée de programmer Stocks avant Jared James Nichols, l’affaire serait probablement passée comme une lettre à la poste. Mais après la prestation enthousiasmante du bellâtre américain, Marquily semble avoir quelques difficultés à ranger au placard ses 63 balais. Bien sûr, c’est surtout du côté visuel de la prestation que le bât blesse, car au niveau de la voix et doigté, Maître Marquily fait encore plus que largement l’affaire. Malheureusement, le côté papy grincheux, la prestation statique et les trop nombreuses interruptions pour des soucis techniques semi-imaginaires (ou qui, en tout cas, n’étaient pas aussi handicapants que le noble vétéran semblait le croire) me gâchent un peu le plaisir de réentendre les véritables perles que sont « Cocaïne » (NDR : ze french version), « Caracas » ou encore l’imparable « Suzi » !
Je vais sans doute décevoir (une fois de plus) bon nombre d’entre vous, mais il faut que je vous avoue que je suis irrémédiablement hermétique à Eclipse. Vous aurez beau tenter de me convaincre en mettant le doigt sur le fait que ce sont d’excellents musiciens, rien ne pourra me convaincre. La raison de mon aversion est simple : je suis l’heureux possesseur d’une paire de testicules et tout, chez les suédois, semble avoir été étudié pour ne titiller que les détentrices d’ovaires. Le Hard Rock mélodique sirupeux, les refrains pop truffés de ‘hohohos’, de ‘hahahas’ et de ‘houhouhous’ à reprendre en chœur, le sourire béat permanent et le look typé ‘boys band’ du chanteur… non merci, par pas pour moi. Mais c’est promis, j’en parlerai à ma mère ! Ceci-dit, mon point de vue radical est loin de faire l’unanimité à Raismes et Eclipse remporte l’un des plus gros succès du jour.
S’il y a un groupe qui est capable de plaire aux filles tout en exhibant une solide paire de burnes, c’est L.A. Guns. Je ne vais pas vous relire le Curriculum Vitae de Tracii Guns et ses compères. Il me suffit, pour situer l’affaire, de vous rappeler que le groupe et né à Los Angeles en 1983 et qu’un certain Axl Rose y a fait ses premières vocalises avant de laisser la place à l’excellent Phil Lewis. Glam/Sleaze/Hard Rock musclé donc pour la suite du programme. Merci Raismes Fest, cela fait du bien de pouvoir évacuer le sirop qu’Eclipse a déversé dans nos cages à miel. D’autant que L.A. Guns n’y va pas de main morte en nous proposant d’entrée de jeu un best of décapant de ses premiers ébats sonores : « No Mercy », « Electric Gypsy », « Sex Action », etc. Le groupe est en forme, Raismes aussi, cela tombe bien ! Durant une bonne heure, dans le parc du château, ça ‘Rockque’ et ça ‘Rolle’ et, surtout, ça dépote de bout en bout ! Un autre grand moment de la journée.
23h00. Cela fait un bout de temps que le soleil s’est tiré aux antipodes et il commence à faire frisquet.
Avant aujourd’hui, je ne m’étais pas vraiment intéressé au cas Sons Of Apollo. Dans l’équipe Music In Belgium, nous avons des experts, comme Hugues ou Philippe, pour traiter les affaires Progressives, et si j’apprécie le style, j’avoue être de ceux qui préfèrent les choses simples de la vie. Mais je suis quand même heureux d’avoir l’opportunité d’assister à ce concert. Quelle impressionnante brochette de superstars ! Chaque membre du groupe possède un CV long comme le bras d’un orang-outang et, même si je ne suis pas fan absolu de tout ce qu’ils ont enregistré, je suis certain d’avoir apprécié au moins l’un ou l’autre des albums sur lesquels ont joué ces fantastiques musiciens. Je pense, notamment, aux premiers Dream Theater pour Mike Portnoy, aux albums de Black Country Communion pour Derek Sherinian, à l’album « Eat ‘Em and Smile » de David Lee Roth pour Billy Sheehan à « The Adventures of Bumblefoot » pour Ron Thal et bien sûr, aux deux premiers albums d’Yngwie Malmsteen et à ceux de Talisman pour le génial vocaliste qu’est Jeff Scott Soto. De plus, ce dernier m’avait scotché lors de son passage à Forest National en compagnie du Trans-Siberian Orchestra et j’attends avec impatience de le revoir sur scène. 11h25. Les préparatifs tirent en longueur. 25 minutes de plus que prévu. Pas de doute, on nous prépare du grandiose ! La batterie de Portnoy est dissimulée derrière une toile noire. Ça sent la grosse surprise !
11h30. La claque phénoménale ! Jamais je n’ai assisté à une telle démonstration… d’esbroufe et d’autosatisfaction. Pourtant, il n’y a franchement pas de quoi. Sans doute faut-il être musicien pour comprendre où ils veulent en venir. J’ai l’impression d’être un élève d’école maternelle auquel on explique la théorie de la relativité. J’ai beau essayer, je ne trouve pas la mélodie ni le fil conducteur. Tout semble dénué de sens. Jouent-ils tous le même morceau ? Difficile à dire. On dirait une séance de masturbation collective et bien que je ne sois pas le plus prude des mecs, je me sens un peu gêné. Frustré, probablement, de ne pas pouvoir jouer à « Regarde, maman, tout ce que je sais faire avec mes petits doigts » comme ses collègues, Jeff Scott Soto en fait trop. Il grimace, il court, il saute, il virevolte, bref, il joue les clowns hyperactifs. Mais hormis durant les quelques minutes qu’il consacre à un très bel hommage à Freddy Mercury, je n’entends pas grand-chose de ce qui me fait habituellement frémir chez lui. Entre les titres, chacun se congratule : Mike est le meilleur batteur du monde, Jeff est mon chanteur préféré, « Billy à une très grosse b…asse double manche », etc. À les voir s’astiquer et s’entre-astiquer de la sorte, je me demande si j’ai vraiment envie d’assister à l’éjaculation finale. Pourquoi rester là à me geler les burnes alors que je pourrais très bien rentrer à l’hôtel et jouer, moi aussi, un petit solo bien au chaud sous les couvertures…
Dimanche 16 septembre 2018 :
Raismes un jour, c’est bien. Raismes deux jours, c’est mieux ! Surtout lorsque, comme aujourd’hui, le soleil est de la partie. Alors oui, je l’avoue, j’aime le Raismes Fest ! L’ambiance ‘fête au village’, l’accueil souriant des vigiles, les visages radieux des tenanciers et tenancières du bar (NDR : qui vous accueillent à chaque commande comme si vous étiez un ami de longue date), la bonne humeur permanente des gérantes des installations sanitaires (NDR : qui pourtant ne voient pas que de jolies choses au cours de la journée), le Metal Market (NDR : où il est si facile de se débarasser définitivement d’un encombrant mois de salaire), les baraques à frites et autres marchands de crêpes et de pizzas et, surtout, le bonheur évident de la foule qui se prélasse sur la pelouse du parc ! Tout ici fleure bon la joie de vivre et l’envie de s’en mettre plein les oreilles !
Pour cette deuxième journée anniversaire, le Raismes Fest semble prêt à faire le plein. Il est seulement midi et le premier décibel n’a pas encore résonné, mais les rues avoisinantes sont déjà saturées de véhicules et de Hard Rockers en liesse. Je ne me souviens pas d’avoir dû un jour me garer aussi loin de l’entrée du château. Franchement, cela fait plaisir de voir que les efforts de l’ami Philippe Delory et de sa fantastique équipe de bénévoles vont enfin être récompensés !
C’est dans cette ambiance festive que Bertrand Roussel, le présentateur du festival, balance un cocorico matinal fougueux et passionné. Le réveil a été difficile pour celles et ceux qui étaient présents hier et qui se sont couché aux petites heures et le cocktail énergétique qui nous est servi en petit-déjeuner/apéritif par le quintette Heavy Rock The Strikes est plutôt bienvenu. Franchement efficace dans son genre, le groupe me fait passer un très bon moment.
Rich Robin est également une très bonne surprise. En premier lieu, parce j’ai le plaisir d’y retrouver le bassiste Lucas Boudina (Max Pie). Ensuite, parce que la formation Rock/Metal Alternatif lilloise fait preuve d’un professionnalisme et d’une efficacité que je n’attendais pas vraiment si tôt dans la journée. Mention spéciale pour le frontman Samir et sa prestation hyper-énergique !
14h30. Raismes n’en a pas encore terminé avec les bonnes surprises puisque Bad Touch entre en scène. Les Britanniques remportent la palme du ‘’groupe le plus cool de la journée’’. Délivrant un Classic Rock classieux et entrainant (NDR : qui rappelle autant les Rival Sons que les Black Crowes), le quintette n’éprouve pas de réelle difficultés pour se mettre la foule Raismoise dans la poche (NDR : de ses pantalons à pattes d’éléphants). Autour de moi, chacun tape du pied et reprend en cœur des titres qu’il ne connaissait pas dix minutes auparavant. Une petit bout de reprise du « Still Of The Night » Whitesnake convainc les derniers sceptiques. Le groupe le plus cool de la journée. Sans aucun doute possible !
À Raismes, les groupes Classic Rock se suivent et ne se ressemblent pas. Contrairement à ce que semble insinuer le patronyme de leur groupe, les Miss America ne viennent pas d’outre atlantique, mais du Sud de La France. Et si je devais leur attribuer une palme comme l’avais fait pour le groupe précédent, ce serait celle du ‘’groupe qui possède la section rythmique la plus jolie de la planète’’. Les grincheux diront que joli, c’est bien, mais qu’efficace, c’est mieux ! Ils se mettront le doigt dans l’œil jusqu’au coude, parce que du point de vue efficacité, Matilde (basse) et Morgane (batterie) n’ont absolument rien à envier à leurs collègues masculins. En plus de maitriser son instrument à la perfection, la première est une véritable bête de scène, quand à la seconde, son jeu est tellement carré qu’il ferait faire pâlir d’envie le vénérable Chris Slade (s’il était déjà réveillé à cette heure). L’autre moitié du groupe (tout aussi efficace, mais légèrement moins jolie selon mes critères personnels) est constituée de Dimitri à la guitare et Tommy au chant et à la guitare. La voix de ce dernier est superbe, mais plutôt surprenante pour quelqu’un d’aussi jeune. Imaginez un Bruce Springsteen enroué ou un Garou en manque de pastilles pour la gorge et vous ne serez pas loin du compte. Côté musique, Miss America ne surfe pas tout à fait sur la même vague Hard Rock Seventies enfumée que Bad Touch. Ici, les côtés ‘Hard’ et ‘cool’ sont mis de côté au profit d’un Rock burné, mais relativement ‘radio-friendly’ dont les refrains accrocheurs et les mélodies mémorables pourraient être appréciés par un public plus diversifié que celui du Hard Rock pur et dur. Une excellente prestation, en tout cas. Un groupe à suivre de près.
Les Sticky Boys avaient dévasté les planches de la scène découverte du Raismes il y a cinq ans. Ils sont de retour pour l’édition anniversaire. Mes souvenirs du concert de 2013 sont un peu confus mais il me semble que le groupe, à l’époque, tirait l’essentiel de son inspiration du répertoire d’AC/DC. Soit je me trompe (ce ne serait pas la première fois), soit le groupe à un peu changé de style puisque la musique interprétée aujourd’hui, avec ses refrains accrocheurs ‘Beatlesiens’ et ses mélodies musclées, tient plus d’une version keuponne de Cheap Trick que du clonage pur et simple de l’électrique gang australien. Mémoire défaillante ou changement de style, peu importe. Le mot d’ordre reste quand même Rock’n’roll ! D’autant que tout cela n’empêche aucunement les ‘Boys’ parisiens d’être diablement efficace. Il leur suffit d’ailleurs de trois petites minutes pour générer un pogo. Un pogo un peu timide, certes, mais l’un des seuls du festival, il est donc important de le souligner. Pour terminer sa prestation en beauté, le trio se fend d’une bouillonnante reprise du classique « I Fought The Law » des Clash. Pas très AC/DC, en effet, foutue mémoire, faut vraiment que je consulte !
Depuis trois ans, l’organisation du Raismes a la très bonne idée de nous servir du héros de la NWOBHM pour le souper : Diamond Head en 2016, Tygers Of Pan Tang en 2017. Cette année, pour notre plus grand plaisir, il y a Praying Mantis au menu ! Le plus mélodique des groupes Metal britanniques de la fin des Seventies/Début des Eighties a publié un nouvel album intitulé « Gravity » il y a quelques mois à peine. C’est donc l’occasion rêvée de voir ce que les nouveaux titres donnent sur scène. Mais avant les nouveautés, nous voulons du grand classique, du hit intemporel, de l’hymne de légende !
Les frères Troy le savent et ils nous assènent d’amblée trois de leurs plus solides coups de poing sonores : « Captured City », « Panic In The Streets » (tirés du et « Time Tells No Lies » de ’81) et l’hymnique « Praying Mantis », issu du mythique single éponyme de 1980). Tino et Chris Troy semblent vibrer de bonheur en rejouant ces titres qu’ils ont créé il y a près de quatre décennies et que le vocaliste hollandais John « Jaycee » Cuijpers interprète avec une telle conviction qu’il nous ferait presque oublier n’a rejoint le groupe qu’en 2013. L’une des particularités de Heavy Mélodique de la Mante Religieuse britannique est le recours aux harmonies vocales. Celles qui nous sont livrées sur la ballade « Dream On », par exemple, ont quelque chose d’absolument magique. Comme toujours, Chris Toys assure les vocaux principaux sur le superbe « Lovers To The Grave ». C’est pour moi, l’un des tous grands moments de la journée. En apothéose finale, nous avons encore droit à l’hymnique « Children Of The Earth » de ’81. Difficile de croire que c’est déjà fini.
La prestation de Chris Slade Timeline est une intéressante curiosité. Âgé de 71 ans, Chris Slade a joué partout et avec tout le monde : de AC/DC à Tom Jones, en passant par Manfred Mann, David Gilmour, The Firm, Gary Moore, Asia et Uriah Heep. Comme il nous l’explique dans un français hésitant (mais très compréhensible) au début du concert, son but avec le projet Chris Slade Timeline est de nous faire remonter le temps, en illustrant notre voyage avec la musique des artistes avec lesquels il a joué durant toute sa carrière. Bien qu’il n’ait été l’employé des frères Young que durant quelques années (NDR : sur l’album « The Razor’s Edge » de 1991 et sur les quelques tournées qui ont suivi sa sortie), le musicien britannique se présente toujours comme ‘Chris Slade, le batteur d’AC/DC’ ! Si nous n’avions pas encore déduit que son passage chez les australien avait constitué, pour lui, le summum d’une carrière bien remplie, nous le comprenons en le voyant axer la moitié de son show sur le répertoire d’AC/DC avec, notamment « Dirty Deeds », « You Shook Me All Night Long », « Hells Bells », « Thunderstruck », « Highway To Hell ». Très proche, au niveau vocal de Brian Johnson, Paul ‘Bun’ Davis apporte énormément de crédibilité à la prestation. Les autres titres sont chantés par Steve Glasscok, un véritable caméléon vocal qui passe, sans effort apparent, du « Blinded By The Light » de Manfred Man’s Earthband et du « July Morning » d’Uriah Heep au « Delilah » de Tom Jones ou au « Comfortably Numb » de Pink Floyd. Si la présence scénique des musiciens mérite souvent le zéro pointé, il n’en va pas de même de leurs compétences techniques. Le discret guitariste James Corford va même jusqu’à nous faire frisonner en réinterprétant à la perfection le « Parisian Walkaway » du grand Gary Moore. Un concert sympathique, à défaut d’être transcendant.
21h30. N’allons pas vous mentir. Le moment que nous attendons tous depuis deux jours est enfin arrivé. Rose Tattoo entre en scène sans tambours ni trompettes. Pas d’intro ronflante, ni d’explosion de lumière. Juste le riff Boogie Rock du classique « One Of The Boys » et la voix râpeuse inimitable d’Angry Anderson. Le petit teigneux, vêtu d’une salopette et d’un gilet de motard, débarque sur les planches du Raismes une bouteille de Whiskey à la main. Elle sera vide lorsqu’il les quittera définitivement un peu avant 23 heures. Entre la première et la dernière gorgée, le terrifiant gnome australien et son gang d’écorcheurs prennent le temps de nous balancer à la face un véritable ‘Best Of’ de leur carrière et de nous asséner une setlist d’enfer où seul l’ultra plombé « The Butcher And Fast Eddy » manque à l’appel. « Assault And Battery », « Tramp », « Rock’n’Roll Outlaw », « Branded », etc. tous les hits passent à la moulinette.
Angry chante, picole, plaisante, drague, casse le pied de son micro, le répare, re-picole, éclate de rire sans raison apparente et lorsqu’il ne fait pas tout cela, il crache à tout-va ! Impossible de compter le nombre de glaviot qu’il balance sur la scène, mais sa cadence moyenne n’est pas loin d’atteindre le jet visqueux toutes les trois minutes. Hormis l’imposant Dai Pritchard, qui a remplacé le regretté Pete Wells à la guitare slide en 2007, les musiciens qui accompagnent Anderson aujourd’hui n’ont intégré Rose Tattoo qu’en 2017, mais leur look de durs à cuire s’intègre parfaitement au concept de Rose Tattoo. Nouveaux dans Rose Tattoo, peut-être, mais pas pour autant des inconnus puisque le quatre-cordiste n’est autre que Mark Evans, le premier bassiste d’AC/DC, qui a, entre autres, joué sur les albums « High Voltage », « Dirty Deeds Done Dirt Cheap » et « Let There Be Rock ». Quant au guitariste Bob Spencer, il a été durant plus d’une dizaine d’années, membre du mythique groupe australien The Angels. Le furieux batteur Jackie Barnes, qui n’est dans le groupe que depuis quelques mois, n’est pas en reste puisqu’il a joué, entre autres avec le Bluesman Lachy Doley et sur une dizaine d’albums de la superstar Rock australienne Jimmy Barnes.
Plus la soirée avance et plus Angry semble imbibé. Entre les titres, ses discours sont parfois un peu confus et manifestement un peu plus longs que ce qui était prévu. Ceci semble beaucoup amuser Mark Evans et Bob Spencer qui n’arrêtent pas de lui balancer des sourires en coin. La setlist s’égrène ainsi dans la bonne humeur, que ce soit sur scène ou dans le public. Tout le monde s’égosille au son de « Rock’n’Roll Is King », « Bad Boys For Love », « Rock’n’roll is King », « Scarred For Life », « Astra Wally », « We Can’t Be Beaten ». Le show s’achève dans la folie générale sur le hit intemporel « Nice Boys ». Le groupe s’en va comme il était venu, sans faire de rappel. Tant pis, on s’en est quand même pris plein la poire !
23 h. La célébration du vingtième anniversaire du Raismes Fest touche à sa fin. Cette édition fut absolument exceptionnelle et je suis franchement heureux d’avoir pu y participer.
Il me reste à remercier Philippe Delory et son équipe d’avoir invité, cette année encore, l’équipe de Music In Belgium à la grande ducasse Hard Rock’n’roll du Ch’nord et d’avoir fait de ce weekend l’un des plus mémorables de l’année. Je remercie aussi mon ami Alain Boucly, qui, une fois de plus, a accepté d’illustrer en images ma prose du samedi ainsi que mon exceptionnelle nièce Wendy qui a fait son baptême du feu le dimanche dans le pit sanglant des photographes. On remet ça l’année prochaine ?
Photos © 2018 Alain Boucly (le samedi) et Wendy Serry (le dimanche)