Dour Festival 2018 (Jour 2) : Push the button !
Après une première soirée essentiellement axée sur le hip-hop, l’électro et la découverte du nouveau site, les choses sérieuses débutaient au Dour Festival ce jeudi 12 juillet. Les sept scènes s’apprêtaient à tourner à plein régime et les guitares à chauffer. De chaleur, il en a été question d’emblée de jeu au Labo où Endless Dive, les gagnants du récent concours Tremplin de Dour, entamaient officiellement la journée. Déjà parfaitement au point, leurs compositions post rock instrumentales aux nappes mélodieuses se situant quelque part entre Mogwai, I Like Trains et Vito affoleront les tympans. Un rien téléphonées, certes, mais d’une puissance sans égal.
Un peu plus loin, l’univers de Wyatt E. prenait tout son sens à la Caverne. Hypnotiques et lancinants, les trois Liégeois vêtus d’une sorte de burqa élaborent en effet un son délicieusement pesant dicté par une batterie omniprésente, une v-guitar d’une nervosité affolante et une basse à la résonance telle que toute parole en devient superflue.
La première vocalise de la journée n’arrivera donc que vers 16h via Nathan Roche, le déjanté leader Australien d’une des formations les plus en vue du label Born Bad Records, Le Villejuif Underground. Et encore, il s’agissait plutôt de déclamations énervées à la Lou Reed de la part d’un type qui passera pas mal de temps dans le public ou couché à même la scène pour lancer des beats disco kitsch entêtants depuis son laptop (le groupe joue sans batteur mais carbure au JB à même le goulot). L’esprit Chk Chk Chk n’est pas très loin…
L’ouverture de la Last Arena mettait ensuite en scène Hollie Cook, qui n’est autre que la fille de Paul Cook, le batteur des Sex Pistols et de Jeni Cook, ancienne choriste de Culture Club. Il semble que la jeune artiste métissée ait davantage assimilé les influences ensoleillées maternelles que celles, rebelles, du patriarche. En effet, robe colorée, dreadlocks et vibe reggae dub la classent plutôt dans la catégorie de Lily Allen que dans celle de la regrettée Ari Up (malgré sa participation à la réincarnation des Slits au milieu des années 2000). Dommage, cette voix criarde un chouia énervante…
L’an dernier, le set de Mugwump au Magic Mirrors a quelque peu chamboulé la philosophie ordonnée du Brussels Summer Festival. Trop bruyant, trop bordélique, trop atypique, trop sombre. Bref, tout ce dont le Labo avait besoin en ce début de soirée. Et les Bruxellois s’en sont donné à cœur joie avec des titres rentre-dedans, à la croisée des chemins entre Thot et Nine Inch Nails, recyclant à la perfection les bribes électro dont le leader inonde ses projets parallèles, avec un côté bruitiste qui leur sied à merveille.
De lourd, il en sera encore question à la Caverne où les ricains d’Eyehategod prêchaient leur bonne parole via des hurlements nourris d’un chanteur assez ravagé, bien aidé par un guitariste massif, un bassiste destructeur et un batteur qui maintient l’église au milieu du village. Dans leurs gobelet, du vin de messe et dans le public, les premiers pogos dignes de ce nom. Pas très subtil mais diablement efficace…
Des prestations aux styles diamétralement opposés se sont ensuite succédées. Ainsi, les Suédois de Little Dragon (un temps petits protégés de Gorillaz) vont tout d’abord s’embarquer dans un chemin trip-hop à la Massive Attack. Emmenés par une chanteuse asiatique dont la taille, les origines, la chasuble colorée et les lunettes de soleil cheap sont à deux doigts de la confondre avec celle de Superorganism, ils vont par la suite virer plus électro tout en maintenant une ligne directrice groovante et retenue.
Deux qualificatifs qui ne caractérisent absolument pas le trio teuton chevelu de Kadavar dont les compositions classic rock flirtant avec le metal se révèlent presque mélodieuses grâce à une voix moins énervée et malgré un batteur complètement dans son trip. En revanche, l’electro-jazz bardé de cuivres de Badbadnotgood semble davantage calibré pour animer un apéro mondain que pour clôturer la programmation classique de la petite Maison dans la Prairie. Encore que, classique correspond parfaitement à la stature des excellents musiciens sur scène.
La suite de notre parcours nous emmenait à la Caverne où Dead Cross s’apprêtaient à souffler un chapiteau pourtant solidement accroché. Dead Cross, c’est le nouveau projet de Mike Patton, sans doute l’artiste qui a joué avec le plus de formations différentes au Dour Festival. Le leader de Faith No More (qui arbore petite moustache et béret) revient à ses premières amours avec un rock bestial et sans concession lorgnant presque du côté de System Of A Down, balisé d’hurlements saccadés dont il a le secret (et agrémentés de nombreux crachats). En fin de set, il prendra tout le monde par surprise en feignant de se lancer dans une version d’« Epic » avant de se raviser et de plonger dans le répertoire des Dead Kennedys à la place.
Alors que Booba rassemblait la toute grande foule sur la Last Arena (avec de nouveau le même problème d’articulation dont on parlait hier), la Boombox accueillait Odesza pour soixante minutes de pop EDM dont les charts actuels regorgent. Fonctionnant essentiellement avec des machines, le duo s’octroie de temps à autre des parties incluant de vrais instruments. Et un excellent visuel, même si l’on allait devoir revoir notre jugement.
En effet, comparé à celui que les Chemical Brothers allaient proposer sur la Last Arena, il ne pouvait que retomber de plusieurs catégories. Pionniers de la dance telle que nous la connaissons aujourd’hui, Tom Rowlands et Ed Simons restent une référence quasi trente ans après leurs débuts (qui datent de 1989… tout comme le Dour Festival). Même si leur productivité s’est quelque peu atténuée récemment (« Born In The Echoes », leur dernier album, date de 2015), leur parcours impose le respect.
Si l’on peut se légitimement se demander ce qu’ils bidouillent sur scène, reconnaissons leur mérite de mettre au point des animations visuelles époustouflantes qui emmènent leurs compositions dans d’autres dimensions, parfois futuristes. Des compositions qui ont déjà précipité deux générations sur les dancefloors sans prendre la moindre ride. Parmi celles-ci, deux numéros un anglais (« Setting Sun » et « Block Rockin’ Beats ») ainsi qu’une une kyrielle de hits incontournables (« Hey Boy Hey Girl », « Galvanize », « Do It Again »,…). Let forever be !
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Photos © 2018 Olivier Bourgi