Car Seat Headrest, twin fantasy à l’AB
Hyperactif, Willl Toledo l’est assurément. Lorsqu’il ne planche pas sur un nouvel album de Car Seat Headrest, il recycle son back catalogue. Il a ainsi intégralement réenregistré « Twin Fantasy », publié à l’origine en 2011, avant de s’embarquer dans une tournée qui a fait escale à l’AB ce vendredi 25 mai. En guise d’ouverture de la soirée, il avait invité des compatriotes de Seattle, Naked Giants, avec qui il entretient des liens privilégiés (on aura l’occasion d’y revenir). Ce trio frappadingue constitué d’un bassiste clone (clown ?) de Jack White, d’un guitariste chevelu amateur de feedbacks et d’un batteur nomade au t-shirt Tintin et Milou de circonstance respire la puissance et l’énergie.
Sur scène, les trois gaillards étalent leurs pléthoriques influences dans des compositions qui partent immanquablement dans tous les sens. D’un Offspring grungy à un Jon Spencer couillu en passant par un Pixies sixties, on a parfois du mal à les suivre. Ceci dit, la spontanéité, l’humour et le brin de folie empêchent tout monotonie.
Historiquement, « Twin Fantasy » est le sixième album auto-publié de Car Seat Headrest, alors encore le projet du seul Will Toledo, un garçon tellement timide qu’il s’enfermait dans sa voiture pour enregistrer les vocaux (d’où le nom du groupe). Véritable détonateur artistique, il s’agit du moment où il commence à être pris au sérieux malgré un succès critique relatif. Si quatre ans passeront avant la signature avec un label et la constitution d’un vrai groupe, le statut de l’album, lui, ne cessera de s’affirmer au fil du temps.
C’est une des raisons qui le pousseront à le revisiter de fond en comble sous le titre « Twin Fantasy (Face To Face) », fruit d’une vision plus large et moins bricolée puisque mise en boîte avec ses camarades de jeu. Ceci dit, ils surprendront tout le monde ce soir en balançant d’emblée « Waves Of Fear », une cover de Lou Reed qu’ils s’approprient d’admirable manière. Celle-ci succédera à une intro kilométrique pendant laquelle on reconnaîtra, aux côtés du bassiste et du batteur habituels, les gaillards de Naked Giants : deux aux guitares et le troisième en électron libre, de temps en temps derrière un synthé et une demi-batterie.
« Bodys » et ses guitares entêtantes, premier extrait du nouveau « Twin Fantasy » et surtout « Fill In The Blank » feront ensuite grimper l’intensité d’un coup de baguette magique et les premiers rangs en profiteront pour déjà jouer des coudes. Assez incroyable lorsque l’on voit l’ami Will Toledo plutôt sobre et réservé au centre de la scène, lunettes intello sur le nez. Impassible même lorsqu’il s’agit de souhaiter un bon anniversaire à une spectatrice, il ne prendra d’ailleurs la parole qu’à de très rares occasions…
Ceci dit, ses talents de compositeur ne font plus l’ombre d’un doute et les hymnes extraits de « Teens Of Denial », l’album avec lequel il a véritablement explosé en 2016 feront une nouvelle fois sensation, le très Weezer (ne fut-ce que par la voix) « Destroyed By Hippie Powers » et le délirant « Drugs With Friends » aux paroles reprises en chœur par le public en tête. Sans oublier l’excellent « Drunk Drivers » qui mettra tout le monde d’accord un peu plus tard.
Curieusement, mis à part un surprenant « America (Never Been) » construit à la manière d’LCD Soundsystem, ils attendront la fin du concert pour s’immerger dans l’album qu’ils étaient venus présenter. Aux côtés d’un très indie « Cute Thing », la plage titulaire intelligemment mixée à une sinueuse version du « Do What You Gotta Do » de Jimmy Webb précédera un déstructuré mais efficace « Nervous Young Inhumans » agrémenté de pas de danse maladroits en guise de final du set principal.
Les rappels se dérouleront dans le même contexte « Twin Fantasy » même si on pourrait se permettre de reprocher à Naked Giants d’avoir entamé leur prestation avec un retard conséquent. En effet, couvre-feu de l’AB aidant, le décalage limitera les rappels à un excellent « Sober To Death » en crescendo et au sage « Stop Smoking (We Love You) » à l’humour pince-sans-rire. Alors que la set-list mentionnait « Beach Life-in-Death », véritable pièce d’anthologie d’une quinzaine de minutes. Pourtant, on était à l’heure…