Durbuy Rock 2018: jour 2
Après avoir émergé péniblement d’un sommeil beaucoup trop court, ma journée commence mal puisque notre site bien aimé est hors ligne et qu’il me faut d’abord trouver la solution pour le rendre à nouveau accessible. C’est donc avec retard que je reprends la route pour Bomal-sur-Ourthe. Le soleil est toujours de la partie et il fait même chaud pour cette seconde journée du Durbuy Rock Festival. Les péripéties informatique du matin font que j’arrive seulement en milieu d’après-midi. N’ayant pas assisté à la prestation des groupes Fractal Universe (FR), Dirty Wolfgang (BE), Lethvm (BE) et Vanaheim (NL), il m’est difficile de vous parler de leur performance sur scène. Idem pour les français de Headcharger (FR) dont j’ai à peine vu le dernier morceau… Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me dirige donc vers la scène extérieure pour assister à mon premier décrassage métallique de la journée.
Cette deuxième journée commence donc pour moi avec le groupe de folk metal Grimner, originaire de Motala en Suède et composé de Ted (voix & lead guitare), Martin (Voix & guitare rythmique), David (basse), Kristoffer (claviers), Johan (flûte, mandole, cornemuse) et Henry (batterie). Le groupe, qui souffle cette année ses dix bougies, assure actuellement la promotion de son dernier né, «Vanadrottning», sorti en février dernier. Parmi les morceaux de la setlist, j’ai noté «Vanadrottning»,
«En fallen jätte», «Mörkrets hem»,
«Fafnersbane» et
«Eldhjärta». Une musique métal folk très enjouée et festive, qui n’inspire pas vraiment la mélancolie. Très pittoresques sur scène, les Suédois ne laissent pas le public indifférent. Beaucoup d’ambiance devant la scène extérieure. Une prestation qui laisse comme un goût de trop peu, tant on s’amuse bien avec cette formation qui a su séduire les festivaliers présents en grand nombre.
Retour à l’intérieur où la grande scène accueille à présent la formation helvétique Cellar Darling dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler à plusieurs reprises. Nous restons donc dans le métal folk avec le trio magique composé d’Anna Murphy (chant, roue à vielle, flûte), Ivo Henzi (guitare, basse) et Merlin Sutter (batterie). En tournée intensive, le groupe ne cesse d’améliorer ses prestations scéniques et de monter en puissance. Les festivaliers du Durbuy Rock ont eu l’occasion de prendre toute la mesure du talent du trio en écoutant les titres
«Black Moon», «Hullaballoo»,
«The Hermit»,
«Avalanche»,
«Six Days», «Redemption», «Starcrusher»,
«Challenge» et
«Fire, Wind & Earth». La voix exceptionnelle d’Anna, les sonorités typiquement folk de la roue à vielle, la débauche d’énergie déployée par Merlin à la batterie et l’ambiance incomparable du Durbuy Rock fusionnent pour donner naissance à ce qui restera probablement pour moi la meilleure prestation des deux jours de l’édition 2019. Le public est très en forme et se manifeste de toutes les façons possibles et imaginables : chants, danses, headbanging, crowdsurfing et j’en passe. Le tout dans une ambiance toujours festive et bon enfant. Un grand moment! En espérant les retrouver très rapidement sur scène sous nos latitudes avec leur second album à paraître…
Retour sur la scène extérieure pour accueillir Deepshow, un groupe montois de stoner métal. Cette fine équipe composée de Serge Kraven (voix), Rudy Dumont et Marc Duquesnoy (guitares), Jason C. batterie), Maxime Daubry (basse) nous fait découvrir une musique solide et énergique à travers plusieurs titres extraits du EP (sorti en 2012) et de l’album «The Spleen King» sorti en 2015. J’épinglerais notamment les deux titres qui ont fait l’objet d’une vidéo, à savoir
«As We Are Lost» et
«The Spleen King». C’est bien écrit, bien joué et bien présenté sur scène. Rien à redire…
On enchaîne quasiment sans transition avec un trio suédois composé de Thomas V Jäger (guitare-voix), Esben Willems (batterie) et Mika Häkki (basse). Je veux bien sûr parler du groupe Monolord qui nous propose des compositions stoner/doom bien lourdes et ronflantes. La maîtrise du genre est totale. On sent qu’ils ont le niveau et que leur musique est étudiée jusque dans les moindres détails. Les Suédois comptent déjà trois albums studio à leur actif, dont «Rust» sorti en 2017. Les morceaux sont relativement longs (souvent 6 minutes ou plus), mais sans pourtant susciter aucune impression de longueur chez l’auditeur. Il est clair que les sonorités de Monolord ont un côté envoûtant que je n’avais plus éprouvé depuis les beaux jours de la musique psychédélique. Voici par exemple un de leurs anciens titres :
«Empress Rising» que je trouve particulièrement illustratif. Il s’agit clairement d’un groupe qui a su créer un univers musical et qui en défend les titres avec conviction. Un autre grand moment de la journée.
Alors que j’observe la scène où l’on a installé ce qui ressemble à un matériel de DJ et une batterie, j’ignore encore à ce moment-là que je suis sur le point de vivre un premier choc culturel de la journée. Car avec Igorrr, c’est bel et bien un OVNI musical que je vois débarquer sur la scène extérieure du Durbuy Rock. Aux consoles, un mixeur fou qui nous déverses des tsunamis de sons électros. Sur scène, une femme qui chante de manière assez étonnante de manière tantôt classique, presque baroque, tantôt expérimentale et déstructurée, tandis que son acolyte, grimé comme une créature primitive sortie tout droit d’un film de science-fiction vintage, nous assène des parties de chant parfois violent. Le chant est guttural, parfois déformé comme par un bon vieux vocoder, tantôt extrême, tantôt plus mélodieux. Le tout formant une espèce de tsunami musical avec des moments de frénésie intense, entrecoupés de plages plus calmes et renouant avec la mélodie. La gestique est faite d’une forme de danse contemporaine hypermoderne où certains mouvements sont plus proches de la convulsion que de la figure de danse au sens classique du terme. Bref, une véritable curiosité pour votre serviteur. Ce qui est certain, c’est qu’Igorrr ne laisse en tout cas personne indifférent: on adore ou on déteste. À en croire Wikipédia, Igorrr, de son vrai nom Gautier Serre, est un musicien et compositeur français mélangeant de nombreux courants musicaux, dont le black ou le death metal, la musique baroque, le breakcore, et le trip hop. Igorrr assure actuellement la promotion de son album «Savage Sinusoid». En tout cas, c’est à voir, ne fût-ce que par curiosité. Voici donc pour vous faire une idée, les titres
«ieuD» et
«Opus Brain».
Retour sur la grande scène avec Kadavar, groupe berlinois au style musical plutôt conventionnel, d’inspiration Black Sabbath, Pentagram, Hawkwind et Led Zeppelin. Leur rock d’inspiration seventies est très précis et hyper vitaminé. Sur scène, je suis très impressionné par l’énergie déployée par le batteur Tiger aux côtés de Lupus Lindemann (chant et guitare) et de Simon „Dragon” Bouteloup (basse). Le look du groupe est aussi vintage que son style musical. Une mécanique puissante et hyper-efficace, qui enflamme bien vite le public des festivaliers. Au programme de ce set, j’ai noté «Skeleton Blues»,
«Doomsday Machine», «Pale Blue Eyes»,
«Into the Wormhole»,
«Die Baby Die», «Living in Your Head», «The Old Man», «Black Sun», «Forgotten Past», «Creature of the Demon»,
«Tribulation Nation» et «Purple Sage». Un plaisant retour dans le passé avec un groupe qui ne manque pas de punch. Une autre belle surprise de l’édition 2018 !
Retour au heavy metal avec le groupe londonien Orange Goblin, composé de Ben Ward au chant, Joe Hoare à la guitare, Martyn Millard à la basse et Chris Turner à la batterie. Le groupe propose une musique de style stoner rock classique. Il a d’ailleurs tourné avec des monstres sacrés comme Alice Cooper, Black Sabbath, Clutch, Motorhead, Sex Pistols, Queens Of The Stone Age, Dio, Monster Magnet et bien d’autres. Mais c’est surtout une véritable machine de guerre sur scène. Comment ne pas se laisser séduire par cette musique puissante au style unique, qui se situe au confluent de divers styles tels que le doom, le stoner rock, le classic metal, le heavy rock d’inspiration seventies, la musique punk et le blues. Un set enthousiasmant avec, dans le désordre, «Scorpionica», «The Devil’s Whip», «Sons of Salem», «Saruman’s Wish», «The Filthy & the Few», «Made of Rats», «Turbo Effalunt (Elephant) », «The Fog», «The Wolf Bites Back», «They Come Back (Harvest of Skulls) », «Time Travelling Blues», «Some You Win Some You Lose». Pour faire patienter ses fans avant la sortie du nouvel album The Wolf Bites Back attendu pour la mi-juin 2018, le groupe a posté une vidéo de son passage au
Wacken et qui vous donne une bonne idée de ce que vous avez raté si vous n’étiez pas à Durbuy cette année…
Au tour des Norvégiens d’Enslaved de s’emparer de la scène principale pour proposer aux festivaliers. Quand on sait qu’ils sont originaires de la petite ville côtière de Haugesund et basés aujourd’hui à Bergen, on peut se demander ce qui les motive depuis 1991 à jouer du métal extrême (black metal viking progressif), tant leur musique contraste violemment avec l’ambiance qui règne dans leur région d’origine. Toujours est-il qu’Ivar Bjørnson (guitare), Grutle Kjellson (voix et basse), Ice Dale (guitare), Håkon Vinje (claviers et voix) et Cato Bekkevold (batterie) ont un joli palmarès à leur actif puisqu’ils totalisent déjà 14 albums et plusieurs EP et qu’ils ont remporté une foule de récompenses dans leur pays, contredisant ainsi l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays. Pour le plus grand bonheur des festivaliers, les Norvégiens nous régalent avec une setlist composée notamment des titres
«Storm Son» (extrait du 14e album «E» sorti en 2017),
«Roots of the Mountain»,
«The River’s Mouth», «Convoys to Nothingness», «Vetrarnótt»,
«One Thousand Years of Rain», «Sacred Horse» et
«Isa». Rien à redire. Impressionnant. Magistral.
La tête d’affiche sur la scène extérieure n’est autre que le groupe de post metal/down tempo/hardcore Amenra, phénomène belge encensé par une bonne partie de la critique, dont chaque album est une «messe». Mais rien à voir avec l’imagerie religieuse joyeusement malmenée par des groupes comme Powerwolf. Amenra se prend on ne peut plus au sérieux. Le concert présenté à Bomal est une espèce de cérémonie que l’officiant préside en tournant le dos au public la plupart du temps. Quand il se tourne vers la foule des fidèles, les jeux de lumière font que l’on distingue mal ses traits. Impossible pour les photographes d’obtenir un cliché décent. Musicalement, le groupe est très clivant: on adore ou on déteste. Il n’y a pas de milieu. Côté setlist, je tâtonne car le groupe m’est totalement inconnu. Je pense avoir entendu «Boden», «Plus Près De Toi (Closer To You) », «Razoreater», «Diaken», «Nowena | 9.10», «Terziele», «Am Kreuz» et «Silver Needle. Golden Nail» . La musique des Courtraisiens flirte avec divers genres extrêmes tels que post-metal, sludge metal, post-hardcore, doom metal et hardcore, black metal, folk gothique et post-rock. Malheureusement, je pense ne pas avoir les neurones dans le bon ordre pour savourer la nouveauté et je laisse les fans profiter sereinement de leur eucharistie métallique, préférant me consoler avec une blonde houblonnée au bar…
Pour clôturer la soirée en beauté, les organisateurs ont mis à l’honneur un groupe de musique métal folk Eluveitie, vieil habitué des festivals en tous genres, qui entame à Durbuy une série d’une douzaine de festivals cette année. Il faut dire que je n’ai pas eu l’occasion de revoir la formation helvétique depuis le split et l’arrivée des nouveaux musiciens. Pour rappel, les membres actuels d’Eluveitie sont Alain Ackermann à la batterie, Chrigel Glanzmann au chant, à la mandole et mandoline, flûtes, pipeaux et cornemuse, Michalina Malisz à la vielle à roue, Jonas Wolf et Rafael Salzmann aux guitares, Matteo Sisti au pipeau, à la cornemuse et à la mandoline, Kay Brem à la basse, Nicole Anspenger au violon et Fabienne Erni au chant, à la harpe et à la mandoline. Bref, un concentré de talent. Sur scène, beaucoup de mouvement alors que déferlent sur nous des mélodies de métal folk. Les nouveaux ont l’air bien intégrés dans le groupe et tous les artistes ont une parfaite maîtrise technique de leur voix et/ou de leur(s) instrument(s). Au programme, des extraits de «Rebirth» (2017) ainsi que du back catalogue du groupe:
«Your Gaulish War»,
«King»,
«Nil»,
«Omnos»,
«Lvgvs»,
«Epona», «Otherworld»,
«Thousandfold», «Quoth the Raven»,
«The Call of the Mountains»,
«A Rose for Epona», «Kingdom Come Undone»,
«Havoc»,
«Rebirth» et
«Inis Mona». Sans vouloir paraître passéiste, je trouve que, malgré les nombreux tubes interprétés, la prestation de la formation helvétique manque un peu de ce souffle épique qui m’avait sidéré dans plusieurs concerts passés. Est-ce dû au changement d’effectif ou est-ce le fruit d’une coïncidence? Il me faudra revoir Eluveitie pour en avoir le cœur net. En tout cas, le public ne se pose pas de questions et profite jusqu’à la dernière note de ce headliner qui reste d’un niveau plus qu’honorable.
Et ainsi se termine une édition très réussie du Durbuy Rock, tant en termes d’organsation qu’en termes d’affluence et de programmation musicale. Vivement le printemps prochain qu’on remette ça !
Photos © 2018 Hugues Timmermans