Le virage EDM d’Everything Everything
Cultes dans leur pays d’origine mais plutôt confidentiels par ici, les Mancuniens d’Everything Everything ont fêté leur première Orangerie ce mercredi 18 avril. Et ils avaient de la matière puisqu’outre leur quatrième album sorti l’été dernier, ils viennent de publier un EP comprenant deux inédits…
Malgré des températures estivales davantage propices à traîner sur la terrasse, O.R.A., choisis pour assurer le support de la soirée, n’ont pas joué devant une salle vide. Que du contraire, pas mal de curieux s’étaient pressés pour assister à leur baptême du feu au Bota. Articulé autour de nappes synthétiques tantôt vaporeuses tantôt électroniques (le claviériste bidouilleur occupe d’ailleurs une place centrale derrière ses nombreuses machines) et d’un chanteur à la voix captivante, le groupe Bruxellois va prendre son temps pour installer son univers bardé de coolitude et de zenitude.
Curieusement, le guitariste et le bassiste n’ont quasi pas voix au chapitre alors que le batteur ne se met en exergue que par à-coups. Ceci dit, leurs compositions travaillées (incorporant une guitare acoustique sur la fin) combinent la face ambiant imaginaire de Hot Chip et l’esprit fantasque des Flaming Lips. Selon leur page Facebook, les initiales de leur nom correspondent à Organic Random Atmosphere. On n’aurait pas dit mieux…
La dernière fois qu’Everything Everything étaient programmés au Bota, c’était à la Rotonde en novembre 2015 mais le concert avait été reporté pour cause du Brussels Lockdown décrété juste après les attentats de Paris et s’était finalement tenu au Beursschouwburg. Depuis, ils ont enregistré un quatrième album, « A Fever Dream », produit par James Ford (Arctic Monkeys, Florence + The Machine) et dont la teneur politique s’est vue décuplée. Il est vrai qu’entre le Brexit et l’élection de Donald Trump, Jonathan Higgs n’avait que l’embarras du choix pour affuter sa plume.
C’est d’ailleurs avec la plage titulaire de cet album que les choses se mettront gentiment en place avec son intro au piano et sa construction en crescendo, suivi d’un « Desire » qui verra déjà la machine s’emballer. Il faut dire que le falsetto modulable du chanteur (le seul habillé en blanc alors que ses camarades de jeu se produisent en bleu) est tout bonnement impressionnant, à l’instar de sa gestion permanente de la distance entre sa bouche et le micro. Particulièrement décontracté, il occupe parfaitement la scène et donne un coup de décibels supplémentaires lorsqu’il attrape une guitare, comme sur l’avenant « Regret » et le nerveux « Run The Numbers ».
À ses côtés, le guitariste Alex Robertshaw et le bassiste Jeremy Pritchard iront de leur coup de main vocal alors que le batteur Michael Spearman restera concentré sur ses fûts. Un claviériste de tournée parfaitement intégré complète le line-up et n’est pas de trop lorsqu’il s’agit de traduire sur scène les compositions complexes dont ils ont le secret. Mais cela ne marche pas à tous les coups. « Big Game » et « Put Me Together » vont ainsi se montrer moins percutants que le menaçant « The Wheel (Is Turning Now) » ou le surprenant et plus poppy « Good Shot, Good Soldier ».
C’est alors que le concert bascula et finira par nous échapper. En effet, mis à part les plus anciens « Qwerty Finger » et « Kemosabe », fidèles à eux-mêmes, ils vont mettre en avant une nouvelle direction qui doit davantage à Calvin Harris et à l’EDM qu’à Foals et au math rock indie dont ils s’étaient fait une spécialité. « Night Of The Long Knives » déclenchera pourtant une véritable hystérie dans les premiers rangs, au même titre que « Can’t Do », calibré pour les charts.
Une transformation entamée sur l’album précédent avec l’atroce « Spring/Sun/Winter/Dread » et prolongée sur « A Deeper Sea », un EP publié récemment qui comprend notamment un remix d’« Ivory Tower » signé Tom Vek et deux nouveaux titres, dont « Breadwinner » qu’ils joueront en intro des rappels. Des rappels dispensables que l’on dirait inspirés par trop de nuits blanches à Ibiza (le dégoulinant« Distant Past » fait par exemple penser à une collaboration ratée entre David Guetta et Dizzee Rascal). On a dû louper un épisode…