Raismes Fest 2017 – Jour 2 : la théorie du complot !
Juillet 1947. Roswell, Nouveau-Mexique. L’armée américaine s’empare de toutes les photos prises sur les lieux du crash d’un OVNI, faisant ainsi disparaitre toutes les preuves de la présence d’extra-terrestres sur le territoire américain… Septembre 2017, Raismes, Département du Nord. Les chasseurs d’images qui devait accompagner votre serviteur sur les lieux de l’atterrissage d’UFO se désistent un à un et privent le monde de clichés attestant du passage de petits hommes verts au pays des Cht’is. Coïncidence ? Je ne crois pas ! Note préliminaire : Partant du principe que certains mystères, comme ceux du Monstre du Loch Ness et du Bigfoot, par exemple, ont été révélés au monde par des photos floues et imprécises, j’ai pris le parti d’illustrer le récit de cette étrange journée à l’aide de clichés amateurs, volés à l’arrache à l’aide d’un téléphone portable.
Dimanche 10 septembre 2017. 12h45. Le rayon de soleil qui illumine Raismes remet en question tout ce que nous a enseigné Dany Boon au sujet de la météorologie nordiste. Car s’il pleut un peu partout ailleurs, din ch’nord, i fait fin biau ! Après une fouille en règle menée par de suspicieux – mais sympathiques – Men In Black aux doigts agiles, je reçois l’autorisation de fouler à nouveau les terres de la Princesse d’Arenberg. Des événements qui se sont déroulés ici, la veille, il ne reste plus vraiment de traces (NDR : si ce n’est l’odeur prégnante d’urine macérée qui émane des antiques pissoires de pierre que certains invités de la princesse continuent à préférer aux toilettes provisoires immaculées plantées à l’autre bout du parc du château) !
Un petit tour d’horizon me laisse sur une sensation étrange; une impression de vide indéfinissable que je mets quelques minutes à identifier. Pourtant, l’environnement est familier : le mini camping sauvage à gauche de l’entrée, le bar circulaire un peu plus loin… autours du parc, je reconnais les habituels dealers de frites, de pizzas et de kebabs entourés par les visages bien connus des nombreux négociants de décibels en rondelle. Collée à la façade du château, la grande scène grouille de roadies qui s’affèrent aux derniers préparatifs tandis qu’en face, la scène découv…eh ! Mais où est passée la Scène Découvertes ? Disparue ! Qu’est elle devenue ? Essaierait-on de nous cacher d’ intéressantes découvertes ? Décidément, le mystère reste entier.
13h00. Le speaker du festival (NDR : que certains désignent affectueusement sous le patronyme de Bébert) s’empare du micro pour rameuter la foule des Raismois d’un jour et lui présenter Fools Pardise ; des petits gars de Dunkerque, élevés au rollmops et au Heavy Metal Classique. Si le côté rollmops (NDR : la spécialité culinaire de la grande ville côtière du nord, d’après ce qu’affirme la toile) n’est pas franchement évident, la filiation du quintette nordiste avec un groupe tel qu’Iron Maiden est absolument indéniable. Début de festival oblige, le public n’est pas encore tout à fait dans le bain et hormis les quelques inconditionnels qui s’en donnent à cœur joie au premier rang, c’est plutôt le calme plat sur la pelouse du château. Ceci n’empêche le groupe de se donner à fond et d’offrir à mon aventure un très agréable prologue.
14h00. UFO est encore à quelques années lumières de Raismes mais, en ce début d’après midi, ce sont les Arrageois de Hycks qui font office d’O.V.N.I. sur les planches du Festival. Avec son Rock Alternatif très inspiré par Rage Against The Machine, le quatuor sort un peu du cadre musical de cette journée qui, sans lui, serait uniquement consacrée Hard Rock des Seventies et Heavy Metal des Eighties. Le groupe, qui semble plutôt sympathique, se trouve un public parmi la frange la plus ‘verte’ des Rockers du Raismes Fest. Les vieux cons, dont je fais incontestablement partie, préfèrent observer la créature hybride à une distance raisonnable. Celle qui sépare le bar de la scène semble idéale !
15h00. Retour sur terre. Pour les trente minutes qui viennent, l’ami Bébert, abandonne l’uniforme de maitre de cérémonie du festival pour endosser celui de frontman d’Abbygail. Le gaillard est habitué à rameuter les foules et son bagout est, sans conteste, l’un des atouts majeurs de la formation nordiste. « L’un des », mais pas le seul puisque le groupe abrite également l’imposant guitariste Luke Debruyne, que les festivaliers ont déjà pu voir sur les planches du Raismes, hier, avec les Black River Sons. Avec son Classic Hard Rock burné, truffé de refrains accrocheur et de soli gorgés de feeling, Abbygail s’intègre à la perfection à l’affiche du jour. Un bar quasi désert en est la preuve. Dans la foule, ça « rocke » et « ça rolle » de bonheur ! Beau succès. Amplement mérité.
Bien que manifestement prophètes en leur pays Yann Armellino (un guitariste virtuose qui a cinq albums instrumentaux à son actif et El Butcho (qui a posé son chant sur cinq albums du groupe Watcha) sont, pour le Belge que je suis, deux illustres inconnus. Les deux musiciens, qui ont, semble t’il, décidé d’unir leur forces sur un album intitulé « Better Ways », se produisent sous le nom (légèrement égocentrique) de Yann Armellino & El Butcho. Contrairement à ce que laisse supposer son patronyme de bandit mexicain, El Butcho est un gentil et le concert du jour sera à son image : gentil et sympathique. La musique est largement inspirée par le Metal Mélodique américain des Eighties. Armellino y distille de jolis soli de guitare tout en évitant les démonstration inutiles. On pense beaucoup à Dokken et Stryper (le côté bigot en moins). Si El Butcho fait l’essentiel du travail en s’adressant au public de Raismes comme s’il discutait avec des amis, Yann Armellino, lui, reste légèrement en retrait, n’affichant un sourire discret que lorsqu’il est visé par les objectifs des squatteurs du pit à photographes. Musicalement irréprochable, Yann Armellino & El Butcho (& leur section rythmique) ne nous offrent pas le spectacle le plus visuel de la journée. Ceci explique probablement la réponse mitigée du public.
Vous l’avez probablement compris, cette seconde journée de Raismes Fest est largement placée sous le signe du voyage interplanétaire et chacun semble avoir sa propre méthode pour explorer les espaces intersidéraux. Wolvespirit, lui, semble préférer l’usage du champignon magique et de la cigarette qui fait rire à celui d’encombrants vaisseaux stellaires. Basé en à Würzburg en Allemagne, le quintette est un véritable arc-en-ciel capillaire international puisqu’il se compose d’une vocaliste américaine rousse appelée Debby Craft et de deux fratries, l’une blonde (d’origine teutonne probablement) à la basse et à la batterie, l’autre brune (d’origine mexicaine) à la guitare et à l’orgue Hammond. Malgré leurs origines diverses, les cinq musiciens ont tous en commun l’œil brillant et le sourire béat qui résulte de l’utilisation du moyen de transport particulier que j’évoquais plus haut, ainsi qu’un goût prononcé pour le Hard Rock psychédélique de la fin des sixties et du début des eighties.
La prestation de Wolvespirit sera pour moi, comme pour beaucoup d’autres apparemment, l’un des coups de cœur de la journée. Difficile de ne pas apprécier la candeur et les chorégraphies suggestives de Debby Craft qui, de sa voix criarde et chevrotante (NDR : qui rappelle parfois Janis Joplin) ne cesse de balancer de sulfureuses déclarations d’amour au public du Raismes Fest. Impossible également de ne pas tomber d’extase en inhalant les volutes solitaires qui émanent de la guitare enfumée de Rio Eberlein et de l’Hammond vintage de son frère Olivier. Superbe.
18h45. Les Tygers Of Pan Tang sont dans la place. Nous le savons depuis longtemps puisque les membres du groupe se sont balladés dans la foule toute l’après-midi. Le ciel de Raismes acceuille les héros de la NWOBHM dans la plus pure tradition nordiste : avec un léger crachin, qui ramollit les frites tout en humidifiant la bière. La tension monte lorsque résonnent les premières note du « What’s New Pussycat » de Tom Jones. Micky Crystal (guitare) et Craig Ellis (batterie) sont les premiers à monter sur scène, suivis de près le bassiste Gavin Gray. Robb Weir (le dernier membre de la formation originale de 1978) et le chanteur italien Jacopo Meille attendent les premières notes du fédérateur « Living The Edge « (qui ouvre l’album éponyme sorti l’année dernière) pour faire leur entrée. Dans la foule, le bonheur est immédiat ! Bravant l’humidité ambiante, tous les visiteurs (ou presque) du château de la Princesse d’Arenberg délaissent le bar, la friterie et le metal market pour assister au retour du Tygre ! Car s’ils se produisent relativement souvent en Belgique (NDR : deux fois par an en moyenne depuis cinq ans) les Tygers Of Pan Tang ont un peu boudé la France au cours des dernières années et ils y sont manifestement très attendus. « Love Don’t Stay », le premier classique de la soirée, déclenche une salve de sourires sur tous les visages qui m’entourent. Des classiques ! Le Raismes veut des classiques. Cela tombe bien, la discographie des Anglais en comporte des dizaines et le groupe n’hésite pas à y piocher à de nombreuses reprises : « Gangland », « Do It Good », « Euthanasia », « Don’t Stop By », rien que des joyaux extraits des trois premiers opus (« Wild Cat » (1980), « Spellbound » (1981) et « Crazy Nights » (1981)).
Comme toujours, Jacopo Meille impressionne par qualité de son chant et la facilité apparente avec laquelle il s’approprie les titres des anciennes plaques. Les albums plus récents, à l’enregistrement desquels il a participé, ne sont pas oubliés puisque nous avons droit à quelques perles de l’« Ambush » de 2012 (NDR : comme ce furieux « Keeping Me Alive » qui pourrait très bien devenir le nouveau classique du groupe) et plusieurs extraits du « Tygers Of Pan Tang » de 2016 (NDR : comme, entre autres, le surprenant « Glad Rags » et son break gospel repris en chœur par le public enthousiaste du Raismes Fest).
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Tygers Of Pan Tang, je ne cesse de le répéter à qui veut l’entendre, est l’un des meilleurs groupes ‘Live’ de la scène Heavy Metal Old School ressuscitée. Chez eux, tout le monde assure le show et donne le meilleur de lui même. Nul besoin de masques, de maquillage ou de pyrotechnie pour mettre le Raismes à genoux. Les Tygers se battent à l’ancienne et ils font mal ! Gavin Gray promène sa basse d’un bout à l’autre de la scène. Craig Ellis multiplie les grimaces amusantes derrière son kit de batterie. Rob Weir perpétue avec art tous les clichés métalliques les plus incontournables (NDR : 59 bougies au gâteau et il headbange toujours avec le sourire). Quant à Micky Crystal, le cadet de la bande qui n’a intégré le groupe qu’en 2013, c’est une véritable bête de scène ; un guitar hero en puisssance dont le jeu n’a absolument rien envier à celui des illustres guitaristes qui l’ont précédé dans le groupe. Le temps de balancer une dernière paire de classiques « Suzie Smiled » (du premier opus de 1980) et « Love Potion N° 9 » (le seul extrait de l’album « The Cage » de 1982 qui a été joué ce soir) et le groupe au grand complet vient nous saluer à l’avant de la scène ! Une heure et quart de musique, c’est vraiment trop court pour un tel groupe !
21h00. La nuit est tombée sur le parc du château. Les nuages, cependant, nous cachent les étoiles. À cause, sans doute, de cette absence de points de repères célestes, l’OVNI a pris un peu de retard et Raismes s’impatiente. Sur la piste d’atterrissage, les roadies s’affairent aux derniers réglages sonores (et jouent quelques extraits du « Mob Rules » de Black Sabbath pour tester les guitares). Le court concert donné par UFO à l’Alcatraz le mois dernier m’a laissé sur ma faim et j’attends l’arrivée des anglais avec une certaine impatience. Ceux-ci débarquent sur les planches du Raismes sans tambours ni trompettes et entament sans attendre l’hymnique « We Belong To The Night » (NDR : un clin d’œil à l’Alcatraz qui avait fait jouer le groupe à midi ?) extrait de l’album « Mechanix » de 1982. Phil Mogg est fringant dans son costume noir ultraserré. Contrairement à ce qu’il avait fait à l’Alcatraz, le vocaliste ne porte pas de couvre-chef et avec son crâne chauve étincelant, il ressemble un peu à l’un de ces extra-terrestres qui ont fait la fortune de Steven Spielberg.
Avant de continuer plus loin dans le récit de ce concert, je voudrais revenir un instant à la théorie de la conspiration extraterrestre qui avait motivé l’introduction mon article et vous proposer un sujet de réflexion :
Phil Mogg est né en Avril 1948, soit neuf mois (à quelques jours près) après le crash supposé de l’OVNI de Roswell ! Coïncidence ? Je ne crois pas !
Toujours est-il que Mogg et ses compères Andy Parker (batterie, 65 ans) et Paul Raymond (claviers, guitares, 71 ans) affichent aujourd’hui encore une jeunesse quasi-miraculeuse et je donnerais cher pour pouvoir vérifier si leur piscine ne contient pas quelques énormes cocons fluorescents.
Comme pour confirmer mes soupçons, le groupe enchaine avec « Run Boy Run « , un titre extrait de son dernier album en date…. « A Conspiracy Of Stars » (NDR : après ils vont dire que j’invente). Le guitar-hero Vinnie Moore, qui à rejoint le groupe en 2003, en profite pour nous balancer l’un des superbes soli dont il a le secret. Si la ballade « Ain’t No Baby « casse un peu l’ambiance, le tonitruant « Lights Out « (1977) est accueilli avec joie par le Raismes Fest. Le son est phénoménal et les hits s’enchainent : le « Only You Can Rock Me » de ’78 transforme le parterre en une immense chorale ; le « Too Hot To Handle » de ’77 incite la foule à sautiller en cadence. Sur l’envoutant « Burn The House Down » (tiré du « Seven Deadly » de 2012), Mogg démontre qu’il est toujours l’une des plus belles voix du Hard Rock Britannique.
Comme toujours, le vocaliste tente de divertir la foule entre les titres en charriant Andy Parker ou en racontant de petites anecdotes (qui ne font pas toujours mouche), comme, par exemple, lorsqu’il nous présente « Stella », l’une de ses meilleurs amies, en brandissant fièrement une bouteille décapsulée de Stella Artois. (NDR : peut-être devrait il commencer à surveiller ses fréquentations et ne pas sympathiser avec l’immonde Pils louvaniste alors qu’au Raismes Fest sa délicieuse petite sœur (NDR : la Cuvée des Trolls) coule à flots !).
Durant l’heure et demie qui est allouée au groupe, les bons moments succèdent à d’autres bon moments et il est impossible de tous les décrire. Au nombre de ceux-ci, je citerai quand même la géniale version ‘allongée’ de « Love To Love » ; l’un des plus beaux titres composés par UFO avec sa magnifique intro au piano, son riff accrocheur au possible et, en bonus du jour, les fantastiques circonvolutions de la guitare magique de Vinnie Moore. Un tout grand moment !
Après un rappel (véritable) durant lequel Raismes réclame à corps et à cris le retour de ses héros, nous aurons encore droit à l’inévitable « Doctor Doctor » et à l’entrainant « Shoot Shoot ».
Le Raismes Fest 2017 a vécu. Comme toujours, l’accueil de l’équipe de bénévoles était parfait et il a fait bon vivre chez les Cht’is. Si je n’ai pas trouvé toutes les réponses aux mystères qui entourent la disparition de mes photographes préférés (Alain Boucly et Hugues Timmermans), je reviens quand même en Belgique avec une certitude : l’année prochaine, c’est le vingtième anniversaire du Raismes Fest et je ne manquerai cela pour rien au monde !
Merci à la Princesse, à Phil et toute l’équipe pour leur sympathique invitation !