Le lumineux côté obscur de The Veils
Avec leur cinquième album, le bien nommé « Total Depravity », les Néo-Zélandais de The Veils ont exploré une face nettement plus sombre que sur leurs productions précédentes. La dernière date de leur tournée s’est déroulée ce vendredi 25 novembre à l’Orangerie du Botanique. Le support de la soirée avait été confié à Marlin Waves, groupe d’un seul homme dont le visage et la voix ne sont pas inconnus des amateurs de rock made in Brussels. En effet, Aurelio Matern a fait les beaux jours de Lucy Lucy et de Faon notamment. Il s’agissait de sa première fois à l’Orangerie avec son nouveau projet que l’on pourrait comparer de prime abord à Villagers (les atmosphères et… son pull en laine).
Seul à la guitare mais accompagné de discrètes rythmiques préenregistrées, il va présenter des compositions délicates rehaussées de sa voix cotonneuse. Imaginez le chanteur de Phoenix qui prendrait son pied sur des mélodies signées Girls In Hawaii. On a en tout cas l’impression que le bonhomme a mûri et est en train de s’épanouir. On est curieux de voir où cela le mènera.
L’écoute du dernier album de The Veils a de quoi surprendre. En effet, « Total Depravity » met en avant des ambiances tendues qui tranchent radicalement avec les compositions légères qui ornaient « The Runaway Found », leur premier opus de 2004 (à peine abordé ce soir et encore, en version acoustique lors des rappels). Il faut dire qu’ils ont confié une partie de la production à El-P, un des génies du duo Run The Jewels, ce qui peut en partie expliquer cela.
C’est justement avec deux de ces titres qu’ils vont débuter leur prestation, « Here Come The Dead » et l’imprononçable « Axolotl » qui verront le leader Finn Andrews déjà bien énervé s’égosiller et jouer de la guitare dans toutes les positions (même dans le dos). Coiffé de son inamovible chapeau, il va captiver l’auditoire avec un charisme dingue. Expressif, on ne voit en effet que lui sur scène, à tel point que ses camarades, dont une bassiste toute maigrichonne, un claviériste androgyne ainsi qu’un batteur et un guitariste passent quasiment inaperçus.
Lorsque que l’on analyse la discographie du groupe, on se rend compte que l’album qui se rapproche le plus du petit dernier est « Nux Vomica », celui qui en avait déjà surpris plus d’un à sa sortie voici dix ans. Pas étonnant que sa plage titulaire et « Not Yet » en crescendo se soient aussi bien intégrés à la set-list de ce soir. Pour peu, les insouciants « The Pearl » et « Birds », rescapés de « Time Stays, We Go » (2013) faisaient office d’intrus plus que d’intermèdes.
Le groupe va piocher abondamment dans son nouvel album qui prend clairement une autre dimension sur scène. Passé l’effet de surprise, on se surprend en effet à rentrer complètement dans des titres comme le psyché coloré « Low Lays The Devil », l’intense « A Bit On The Side » ou le prenant « Swimming With Crocodiles » avec une délicieuse slide guitar. Mais le sommet sera atteint avec cette version rêveuse de « Total Depravity » dont on était loin d’avoir saisi toutes les subtilités sur disque, quelque part entre The Dears et Editors. En fin de set principal, un surprenant « King Of Chrome », presque digne d’Underworld, laissera les spectateurs pantois.
Les rappels seront entamés en toute délicatesse par Finn Andrews seul à la guitare pour une poignée de titres acoustiques qui feront perdre la tête à la gent féminine (nombreuses sont celles qui s’imaginaient le voir jouer pour elles dans leur salon devant la cheminée, un verre de vin à la main…). Il interprètera notamment les deux seuls extraits de la soirée de leur première plaque, « The Wild Son » et « The Tide That Left And Never Came Back ». Ce type a plus qu’une voix, c’est une évidence. La fête se terminera sur un triptyque de « Nux Vomica », dont un poppy « Advice For Young Mothers To Be » et un « Jesus For The Jugular » au final démoniaque. Une bonne claque dans la figure, ce concert de The Veils…