Les étincelles de Sophia à l’AB
Après avoir présenté « As We Make Our Way (Unknown Harbours) » en toute intimité à la Rotonde du Botanique au printemps dernier, Robin Proper-Sheppard alias Sophia se produisait à l’Ancienne Belgique ce vendredi 21 octobre pour définitivement asseoir la réputation de son excellent dernier album.
L’avant-veille du concert, Nico Kennes ne s’imaginait jamais, même dans son rêve le plus fou, assurer la première partie de la soirée. C’était sans compter sur le flair de Robin himself qui a invité le bonhomme à se produire avec son projet Barely Autumn. Un conte de fées que l’auteur-compositeur allait bien vite transformer en opportunité.
En plein enregistrement de son premier album, il a rameuté ses musiciens (dont un claviériste absorbé par une tablette sous ses yeux) pour mettre en place un set live qui le verra présenter des compositions déjà bien abouties, sobres et gentiment nerveuses, à l’image du répertoire d’Arid par exemple. D’ailleurs, bien que forcées, certaines intonations du leader renvoient à Jasper Steverlinck alors que les riffs de guitare pourraient être décochés par un certain David De Pré. Gageons que leur personnalité continuera à se développer.
La dernière fois que Robin Proper-Sheppard a foulé les planches de l’AB, c’était il y a plus de sept ans, lors de la sortie de « There Are No Goodbyes », le cinquième album de Sophia. Depuis, sa fille a grandi, il a contourné un avis d’expulsion du territoire, a déniché Oscar & The Wolf et enregistré « As We Make Our Way (Unknown Harbours) », un nouvel album qui non seulement tient toutes ses promesses mais renoue surtout avec les meilleurs moments du collectif créé voici un peu plus de vingt ans.
La clé de ce renouveau n’a sans doute rien à voir avec sa participation à l’album « Atomic » de Mogwai (il joue de la gratte sur « Tzar »). En revanche, les jeunes loups à l’énergie débordante qui l’accompagnent désormais peuvent se targuer de lui avoir redonné une pêche qui avait tendance à lui manquer depuis une bonne dizaine d’années.
Ensemble, ils vont s’appliquer à donner une lecture rugueuse aux dix titres qui composent la nouvelle plaque, interpretés dans l’ordre du tracklisting, confirmant la confiance aveugle que le leader place dans les compositions en question. Pour preuve, ce « Resisting » entamé d’emblée avec trois guitares. À ce propos, le guitariste à la gauche de la scène aura tendance à en faire un peu trop, jouant parfois d’une manière théâtrale appuyée à la limite du ridicule.
Robin arbore désormais une coiffure mi longue qui a pour effet de lui donner un look rajeuni. On le sent gonflé à bloc et concentré. Il ne va pas se confier au public comme il avait l’habitude de le faire jusqu’alors, préférant donner priorité aux mélodies imparables de « The Drifter » (dommage, cette voix au seconde plan), au texte écorché de « Don’t Ask » (on ne se refait pas) et à l’atmosphère poppy juste ce qu’il faut de « California ».
Si l’on se délectera du mur du son infernal ornant « St. Tropez / The Hustle », on se demande toujours ce que cette mini chorale est venue faire pendant un « You Say It’s Alright » qui se suffit à lui-même. Un tristounet « Baby Hold On » suivi d’un toujours aussi prenant « It’s Easy To Be Lonely » au final apocalyptique refermeront la première partie de la soirée, entraînant la décrispation d’un leader qui commencera à dialoguer, mais de manière retenue. Il reparlera ainsi des débuts du groupe, coïncidant avec la fin de l’aventure The God Machine, consécutive au décès inopiné du bassiste Jimmy Fernandez, avant de se lancer dans un « So Slow » bourré d’émotion et « Another Friend », deux extraits du premier album de Sophia en 1996 (« Fixed Water »).
Bien que moins évidente qu’attendue, la fin du set va permettre au groupe de laisser son trop-plein d’énergie éclabousser l’Ancienne Belgique. Un « Bastards » hyper intense rivalisera avec un « Desert Song no.2 » particulièrement puissant. Quant à « The River Song », on vous laisse imaginer ce qu’il peut donner lorsque le boss laisse ses recrues s’amuser à leur guise, au détriment de sa propre voix…
Avec tout cela, le couvre-feu (strict à l’AB, rappelons-le) était déjà dépassé. Robin est tout de même remonté sur scène pour s’excuser de ne pas pouvoir aller plus loin. Petite déception en découvrant la set-list puisqu’« I Left You » et « Oh My Love » étaient encore au programme. Rendez-vous avant sept ans de préférence…