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Dour Festival 2016 (Jour 4) : Le Labo, the place to be


Quatrième étape de notre séjour annuel au Dour Festival ce samedi 16 juillet avec une affiche qui, en plus d’être généreuse, promettait de nous confronter à une kyrielle de dilemmes. Plus que jamais, choisir allait s’apparenter à renoncer en cette belle journée ensoleillée. Une journée qui allait débuter en force sous la Cannibal Stage puisque les chevelus barbus de KomaH étaient déjà en train de faire chauffer leurs amplis. L’air féroce et compilant les clichés du metal hardcore (les poses et les cheveux tourbillonnants notamment), ils vont déballer leurs compositions efficaces à défaut d’être subtiles. Mention au son impeccable et au manche lumineux de l’instrument du guitariste à gauche de la scène.


La semaine dernière aux Ardentes, les Bruxellois de Moaning Cities nous avaient conquis avec leur rock psyché qui renvoie par moments aux débuts des Dandy Warhols mais avec nettement plus de maîtrise (et de sobriété). Encore que, les guitares glaciales qui accompagnent le dernier titre font voler toute comparaison en éclats, d’autant que la richesse orchestrale sous des airs rugueux rend leur style tout à fait singulier. Quoi qu’il en soit, ils ont captivé leur auditoire, une prouesse dans la moiteur du Labo.


Un peu plus loin, la programmation de la Petite Maison dans la Prairie débutait avec The Scrap Dealers. Nettement plus british dans la démarche, les Liégeois construisent un mur du son teinté de shoegaze à l’aide de trois guitares tout en n’omettant pas d’y inclure quelques mélodies (on pense aux Charlatans du début des années 90). Tout cela est très bien joué mais il manque un truc. Une question d’image et d’attitude plus que de matière première qui nous fait lâcher prise à un certain moment. Dommage car le potentiel se trouve bel et bien dans leurs gènes.


Après l’indie pop proprette de Fews, direction le Labo pour JC Satàn dont la réputation commence sérieusement à dépasser les frontières de l’Hexagone. Le quintet Bordelais a sorti l’an dernier son album le plus abouti à ce jour et va se donner à fond sur scène. Crasseux sans être brouillon, le son du groupe est mis en valeur par une chanteuse possédée alors que la batterie simplifiée accentue le caractère brut de compositions qui puisent leurs influences dans la première moitié des nineties.

On a ensuite dû choisir entre le punk tatoué de Frank Carter & The Rattlesnakes et la pop californienne des Allah-Las. Ce sont finalement les seconds nommés qui ont eu nos faveurs mais avec le recul et selon les commentaires d’après festival, on a loupé quelque chose. Pourtant, l’ancien chanteur de Gallows et de Pure Love n’avait pas l’habitude de faire dans la dentelle. Enfin, soit. Les Allah-Las, donc, qui sont venus présenter des extraits de leur futur troisième album (« Calico Review » arrive à la rentrée). Gentiment psyché et ensoleillée, leur prestation a cependant manqué d’un chouia de conviction. Pour peu, dans le même style, on aurait presque préféré les Bruxellois de Mountain Bike


On a laissé de côté le carnaval coloré de King Khan & The Shrines pour poursuivre le va-et-vient entre La Petite Maison dans la Prairie et le Labo avec le set de Protomartyr. Auteurs de trois albums d’excellente facture en quatre ans, les natifs de Detroit prennent un malin plaisir à bombarder de leurs compositions franches et directes un public subjugué et dévolu. Comme à sa bonne habitude et malgré la température tropicale, le nonchalant leader Joe Casey se produit en costume et porte des lunettes de soleil. Sa voix sinistre emprunte des chemins chaotiques balisés par les riffs de son compère Greg Ahee qui, lui, va droit à l’essentiel. Les hymnes post punk défilent sans répit (15 titres en une heure tout de même) : « Want Remover », « I Forgive You », « Scum, Rise! »,… dans un chapiteau dégoulinant de sueur.


Un nouveau dilemme se présentera à nous par après. Donner une seconde chance à Django Django après leur concert en demi-teinte de
l’AB
ou se plonger dans une des révélations du Pukkelpop de l’année dernière par l’entremise de The Soft Moon ? Le tout en n’oubliant pas d’intercaler un petit remontant pour notre estomac. Et à ce propos, il est tout à fait possible de se restaurer sainement à Dour. Prenez ce savoureux hamburger dont la viande cuite sous vos yeux est fourrée dans un pain sésame de luxe avec des crudités et de la succulente sauce maison. 6 tickets, s’il vous plaît… La qualité a un prix. Mais quel délice… Bon, et The Soft Moon dans tout cela ? Un excellent set aux influences eighties obscures, sorte de new wave extrapolée aux guitares glaciales et aux contours hypnotiques. Le projet de Luis Vasquez n’a absolument rien à voir avec le soleil de sa Californie natale.


Le temps de traverser la plaine qui grouillait de monde (le pic d’affluence, à savoir 53.000 personnes, a été atteint ce samedi) et on s’est retrouvés devant la Last Arena pour un des gros noms du festival, et même un des premiers à avoir été annoncé fin d’année dernière. Le retour scénique des Islandais de Sigur Rós était au moins aussi attendu que les matches de leur équipe nationale lors du récent Euro. Nettement plus délicats que des Vikings à l’abordage sur une pelouse, Jónsi et ses compagnons ont séduit un public clairement présent dans le but de rêvasser au son de leurs envolées lyriques. La voix d’un autre monde du chanteur qui triture les cordes de sa guitare avec un archet fait partie d’un décor magnifié par des effets lumineux divins mais ce sont surtout les nappes cotonneuses auxquelles succèdent des pics orageux qui en font un groupe à part. Il suffit de fermer les yeux et de se laisser emporter…

Le réveil sera brutal au Labo avec les demi-dingues de Fat White Family. Auteurs d’un carnage l’année dernière à la
Rotonde
du Botanique, ils ont depuis sorti un deuxième album au titre satirique, « Songs For Our Mothers ». Ceci dit, à voir la tête du rachitique leader Lias Saoudi, sa progénitrice ne pouvait être que rock ‘n’ roll et lui a sans doute donné le biberon au son des Clash, des Sex Pistols et de la vague punk de la fin des seventies. Sur scène, on navigue entre bordel sonore, voix approximative et exhibitionnisme primaire (on ne pense pas avoir vu le chanteur autrement que torse nu et il finira en boxer ce soir). L’esprit DIY a encore de beaux jours devant lui.


Après The Prodigy jeudi, un autre groupe majeur des années 90 version électro-dance se produisait sur la Last Arena, Underworld. Cela fait tout juste vingt ans que leur tube interplanétaire « Born Slippy » a accompagné le succès tout aussi retentissant du film Trainspotting. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, le succès s’est amoindri jusqu’à ce qu’une vague nostalgique ne les remette en selle avec la tournée anniversaire de leur premier album au titre imprononçable (« Dubnobasswithmyheadman ») avec laquelle ils rempliront deux fois l’AB. Leur dernière plaque en date, « Barbara, Barbara, We Face A Shining Future », a été publiée au printemps avec à la clé un retour dans le top 10 britannique. Mais cela ne suffira pas à rendre leur prestation de ce soir mémorable. Au contraire, elle mettra beaucoup de temps à démarrer et paraîtra assez datée (la voix de Karl Hyde, linéaire, finira par lasser). Bref, il était temps d’aller se reposer…

Photos © 2016 Olivier Bourgi

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