La [PIAS] Nite de Bloc Party à la Madeleine
Cette année, les [PIAS] Nites ont fait peau neuve. Plutôt qu’un festival dans le sens strict du terme, ce sont plusieurs événements isolés mais complémentaires qui ont eu lieu le week-end dernier entre Bruxelles et Liège. Parmi ceux-ci, les Londoniens de Bloc Party qui se produisaient ce samedi 5 mars dans une salle de la Madeleine flambant neuve. Inaugurée tout récemment et rénovée avec goût, elle est désormais prête à renouer avec son glorieux passé culturel. Ceci dit, le tapis qui orne le sol ne colle pas vraiment avec le caractère indie rock de la soirée (les sauvages de Fat White Family, la veille, ont dû être surpris). Ce détail n’a toutefois pas empêché Warhola de débuter leur set avec beaucoup de conviction et un volume sonore à la limite de l’entendement.
Les Anversois ont remporté le Humo Rock Rally en 2014 et s’apprêtent à sortir leur premier EP (« Aura » sera disponible fin mars). Dans la lignée d’Oscar & The Wolf avec de légères touches électro et une voix trafiquée mais sans l’extravagance de Max Colombie, ils s’appliquent à présenter des compositions pop accessibles sans être formatées. Bien qu’ils aient la particularité de se produire avec deux batteurs, l’attention se focalise davantage sur la voix aux intonations r’n’b du chanteur Oliver Symons, qui donne par moments une direction surprenante à des titres qui doivent encore se développer.
C’était ensuite à l’attachant Oscar de nous enchanter les tympans au travers de ses comptines colorées qui nous avaient déjà séduits lors de son passage en première partie de Gengahr à la Rotonde du Botanique en octobre dernier. Entre-temps, il a bouclé l’enregistrement de son premier album (« Cut And Paste ») dont la sortie, d’abord annoncé en février, a été reportée au 13 mai.
Entamé avec l’entêtant « Beautiful Words », son set sera un rien brouillon alors que, paradoxalement, c’est la face (un peu trop) pop qui sera mise en valeur ce soir. Le bonhomme arbore son éternel t-shirt à l’effigie de Mickey et sa voix grave tranche avec la chaleur de certains titres (« Daffodil Days », « Breaking My Phone »). On pense beaucoup à un mélange entre Dodgy (l’immédiateté des compositions) et Gene (la mélancolie de la voix), deux groupes phares du milieu des nineties. Il clôturera sa prestation avec son nouveau single, « Sometimes », aux contours sonores proches des Dandy Warhols (toutes proportions gardées). Il nous étonnera toujours, cet Oscar Scheller…
L’histoire récente de Bloc Party est loin d’avoir ressemblé à un long fleuve tranquille. Le batteur Matt Tong a ainsi quitté le navire au beau milieu de la tournée promotionnelle de « Four » (on l’a aperçu récemment derrière les fûts d’Algiers à l’AB), imité un peu plus tard par le bassiste Gordon Moakes. Puisque le leader Kele Okereke a dans la foulée enregistré un deuxième album solo (« Trick ») plus orienté dancefloor, on ne donnait plus cher de l’avenir du groupe.
Jusqu’à ce que ce dernier et le guitariste Russell Lissack (les deux membres fondateurs) aient estimé qu’il était encore trop tôt pour mettre un terme définitif à l’aventure. Ils ont donc recruté le bassiste Justin Harris (la moitié de Menomena – l’autre, Brent Knopf, officie pour l’instant au sein de El Vy avec Matt Berninger de The National) ainsi qu’une toute jeune batteuse dotée d’une sacrée expérience malgré ses 21 ans, Louise Bartle.
Ensemble (ou presque puisque cette dernière est arrivée tardivement), ils ont enregistré « Hymns », un cinquième album que l’on n’attendait plus dont ils sont venus présenter quelques extraits au Cirque Royal en décembre dernier, avant d’assurer la tête d’affiche du NME Awards Tour. C’est donc un groupe en pleine possession de ses moyens qui est monté sur la scène de la Madeleine ce samedi soir avant d’entamer « Only He Can Heal Me », un premier nouveau titre sur un mode mineur qu’un uptempo « Octopus » va instantanément relever.
Si le t-shirt hawaïen de Kele ne le met pas vraiment en valeur, sa voix caractéristique et modulable reste la marque de fabrique du groupe, bien plus que les riffs de guitare de Russell à sa droite. Les deux petits nouveaux, plus en retrait, font le boulot, avec une mention à la batteuse qui, malgré un gabarit frêle assure le tempo avec rigueur.
Ceci dit, il manque quelque chose. Est-ce la relative nonchalance affichée par le leader ou des titres pas encore tout à fait maîtrisés, nul ne le sait, mais le set tarde à décoller et « Waiting For The 7:18 » va déjà laisser nos esprits vagabonder quant au choix de notre after party… Heureusement, le triptyque suivant, tout en crescendo, allait changer la donne, en tout cas momentanément. « Song For Clay (Disappear Here) » va intelligemment se mixer à un « Banquet » de derrière les fagots alors que « One More Chance » et son clavier house old school va enfin permettre au public de se dandiner.
Mais l’euphorie sera de courte durée. En cause, deux nouveaux titres qui, bien que travaillés sur disque, passent assez mal le stade de la scène. À moins que la transition avec le très soft « My True Name » ne soit pas opportune, à l’instar de la voix plaintive de Kele sur « Into The Earth ». Finalement, les seuls nouveaux extraits à nous avoir convaincus étaient « Virtue » et sa basse à la New Order en tout début de concert et le dansant « The Love Within » en guise de dernier titre du set principal, précédé d’un impeccable « She’s Hearing Voices » à l’agencement parfait.
Il faut dire que le premier album du groupe, « Silent Alarm » avait atteint un tel niveau que, d’office, ils allaient éternellement y être comparés. On en aura une fois encore la preuve lors des rappels puisque « Helicopter » et ses riffs incendiaires allaient faire trembler la Madeleine sur ses bases. On allait aussi y mettre dans la même catégorie « Two More Years », le single isolé d’une incroyable intensité. Les deux autres titres (« Signs » au clavier et un curieux « Ratchet » avec des intonations rap) seront plus anecdotiques. Un concert en dents de scie mais une soirée digne des meilleures [PIAS] Nites.