Steven Wilson, génie du rock prog
L’AB est peut-être la salle bruxelloise qui brille le plus par l’éclectisme de sa programmation. Nous en avons encore eu la preuve tout récemment puisque la salle bruxelloise s’est transformée le 23 janvier dernier en temple de la musique progressive en accueillant le génialissime Steve Wilson. Deux jours plus tard, le lieu se métamorphosait en club country folk avec la venue de l’excellente Lucinda Williams. Deux styles très différents qui ont en commun un cheminement artistique en dehors des sentiers balisés de la musique commerciale.
Son concert avait été annoncé avec sobriété et presque dans la discrétion. Pourtant, quand j’arrive à l’AB pour le concert de Steve Wilson, la salle est pleine à craquer. Il faut bien dire que dans le monde des amateurs de musique prog, Steve Wilson est une véritable icone, pour ne pas dire une légende vivante. Sa renommée, il la doit en partie à son groupe de rock progressif Porcupine Tree. Mais l’artiste a plus d’une corde à son arc et poursuit aussi une carrière solo. Son travail actuel s’oriente vers une forme d’art plus globale, alliant le son et l’image. Le concert de ce soir s’inscrit dans le cadre de la promotion de son 4e album intitulé «4 ½». Cet album assez court (37 minutes de musique seulement) contient quatre titres inédits remontant à la session d’enregistrement de l’album «Hand. Cannot. Erase.», un titre écrit durant l’enregistrement de l’album «The Raven That Refused to Sing», et une version presque entièrement live de «Don’t Hate Me».
Plutôt que de prévoir une première partie, cet artiste aux multiples talents a choisi de monopoliser la scène pendant toute la soirée en proposant un spectacle en deux parties, pour le plus grand bonheur de ses adeptes venus nombreux. La première partie est entièrement consacrée à l’album «Hand. Cannot. Erase.» de 2015 qui est interprété ici dans son intégralité:
1. «First Regret»
2. «3 Years Older»
3. «Hand Cannot Erase»
4. «Perfect Life»
5. «Routine»
6. «Home Invasion»
7. «Regret #9»
8. «Transience»
9. «Ancestral»
10. «Happy Returns»
11. «Ascendant Here On…»
Alors qu’à l’entrée, les photographes avaient été prévenus qu’ils ne pourraient officier que pendant 2 chansons, grande fut ma frustration lorsque la sécurité nous fit quitter le pit à la fin du premier morceau dont le titre «First Regret» prenait du coup tout son sens… Passée cette première frustration liée à l’arithmétique défaillante de la sécurité, je dois bien reconnaître que l’ambiance musicale est délectable. Dès avant l’entrée en scène des artistes, un film est projeté à l’arrière-plan, apportant une illustration visuelle au concert. Sur scène, Steven Wilson affiche une grande simplicité: pas de tenue chatoyante ni d’accoutrement tape-à-l’oeil. Il préfère la sobriété d’une tenue décontractée et se promène pieds nus.
Steve Wilson est de ces artistes hors normes qui bouscule vos certitudes en vous faisant découvrir un univers tellement différent de tout ce que l’on peut entendre par ailleurs. Il y a bien sûr quelques points de repère: certains titres ont des accents floydiens et je distingue aussi un lien de parenté évident avec Peter Gabriel dans certains backing vocals et certaines lignes de percussion. Mais c’est surtout très innovant. Musicien complet, il n’hésite pas à changer plusieurs fois de guitare au cours d’un même morceau. Sa musique est peut être qualifiée de rock prog pur par la durée des plages, par la diversité des thèmes exploités, par des phrases musicales pour ainsi dire proustiennes. Tout est parfaitement millimétré. C’est un summum de virtuosité. En revanche, le personnage manque un peu de chaleur humaine.
La deuxième partie de soirée est un set plus tonique qui revisite la carrière de l’artiste. Il commence par une reprise de son projet Storm Corrosion de 2012 avec le titre «Drag Ropes» et enchaîne avec «Open Car» de Porcupine Tree ( de l’album «Deadwing» sorti en 2005). Place à l’actualité ensuite avec «My Book of Regrets» («4 ½», 2016).
Après un détour par l’album «Grace For Drowning» de 2011 avec le titre «Index», Steven Wilson rend hommage à David Bowie à qui il dédie le morceau «Lazarus», extrait de l’album «Deadwing» de Porcupine Tree. On reste dans le répertoire du groupe avec «Don’t Hate Me» avant de revenir à un titre du nouvel album: «Vermillioncore». Le set se termine avec le classique «Sleep Together» de Porcupine Tree.
Comme le public en veut encore et encore, Steve Wilson revient sur scène pour deux rappels avec «The Sound of Muzak» de Porcupine Tree et «The Raven That Refused to Sing».
Le deuxième set me paraît plus punchy et se caractérise par des constructions sonores d’une grande sophistication technique, parfois au détriment de la mélodie. Certains passages ont un côté psychédélique électro. Mon seul reproche: les parties plus rythmées sont trop cérébrales et trop tortueuses à mon goût. Au bout de plus de 2h30 de musique de très haut niveau, le public acclame comme il se doit le héros de cette soirée exceptionnelle.
Photos © 2016 Hugues Timmermans