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John Grant au Bota : the show must go on


Comment manifester sobrement son soutien aux victimes de l’attentat du Bataclan ? En assistant à un concert, bien entendu. Et cela faisait du bien de se retrouver dans l’enceinte du Botanique ce mardi 17 novembre. Parmi les trois salles en action, c’est à l’Orangerie que l’on avait rendez-vous avec John Grant. Ceci dit, il s’agissait de montrer patte blanche à l’entrée du complexe où un molosse appliquait à la lettre les consignes de sécurité de circonstance. L’essentiel est qu’il ne nous ait pas retardés car Fufanu, le groupe qui accompagne l’ex-leader des Czars tout au long de sa tournée européenne, a bonne presse actuellement. Et on va instantanément comprendre pourquoi.

Le groupe islandais, dont le premier album (« Few More Days To Go »), sortira chez One Little Indian à la fin du mois (mais qui était déjà disponible au stand merchandising ce soir) est en fait le projet du chanteur Kaktus Einarsson et du guitariste Gulli Einarsson. Ceux-ci, contrairement aux apparences, n’ont aucun lien familial entre eux. Mais ce n’est pas la seule curiosité qui les entoure.


En effet, ils ont débuté en duo techno avant d’enrôler des musiciens (dont un guitariste supplémentaire) et de désormais défendre avec ardeur un indie rock à tendance post-punk qui leur va comme un gant. On n’imagine en tout cas pas le premier nommé se cantonner derrière une console tant il semble né pour devenir le leader d’un groupe. Non seulement sa voix nasillarde habite les compositions mais sa présence et ses déhanchés le rapprochent d’un Iggy Pop ou d’un Brett Anderson, quand il ne rentre pas dans un trip épileptique sautillant. Sur scène, l’environnement tantôt psyché tantôt hypnotique mais toujours sombre permet au groupe de construire patiemment des titres qui se ponctuent par un final explosif du plus bel effet, toutes guitares en avant.

« Grey Tickles, Black Pressure », le troisième album solo de John Grant, a été choisi par le réputé magasin de disques Rough Trade comme album du mois en octobre dernier (pour info, le précédent, « Pale Green Ghosts », avait raflé celui d’album de l’année en 2013). Un rien plus introspectif, il permet au natif du Michigan installé en Islande via l’Allemagne de remiser ses vieux démons et de dévoiler une sagesse relative.


Il va en tout cas débuter sa prestation avec deux des compositions les plus touchantes de cette nouvelle plaque. La plage titulaire, tout d’abord, assis derrière son piano et « Down Here » ensuite, aux influences très Eels, tout devant la scène. Les points communs entre ces deux titres seront un son plus que brouillon d’une part et des lumières tamisées noyées dans les fumigènes d’autre part. Bref, il faudra attendre « Geraldine » pour distinguer quelque chose sur scène et enfin profiter d’une balance correcte.

Le charismatique et attachant chanteur barbu à l’humour affûté aime raconter des histoires et il ne s’en privera pas ce soir, comme celle de l’intégrale d’une série télévisée qu’il trouvera dans un magasin du centre-ville (et qu’il pourra regarder en néerlandais sous-titré en français). Un peu plus tard, il fera une référence aux attentats de Paris, une ville dans laquelle il devait jouer le lendemain du carnage dans le cadre du festival des Inrocks, avant de se lancer dans une magnifique version de « Queen Of Denmark », incontestablement un des sommets de la soirée.


Autour de lui, on retrouve notamment un guitariste discret (si ce n’est son béret et ses grosses lunettes à la Fred Jannin) mais diablement efficace, un pianiste hors pair ainsi qu’un batteur ganté qui joue d’une manière stylée, presque scolaire. Il ne s’agit pas de n’importe qui, puisque Budgie est l’ancien batteur de Siouxsie & The Banshees, ni plus ni moins.

Si l’on connaît John Grant pour ses compositions raffinées, il ne faut pas perdre de vue ses écarts électro qui ont largement contribué au succès de « Pale Green Ghosts ». Ce titre à l’environnement sinistre et aux bidouillages injectés par l’artiste himself sera précédé d’un « Marz » aux atmosphères space rock de circonstance. Mais la partie la plus déroutante sera constituée d’extraits du dernier album, dont « You And Him » et « Guess How I Know » aux solos de guitare prononcés. Toutes proportions gardées, on les rangerait presqu’à côté de Nine Inch Nails, avec un final stroboscopique d’une violence rare.


Les choses se calmeront quelque peu lorsqu’il se lancera dans une version de « Glacier » balisée par un piano omniprésent que complémenteront des parties explosives. Sans surprise, l’impeccable « GMF » (Greatest Mother Fucker) récoltera des suffrages unanimes avant qu’un surprenant « Disappointing » à la groovante guitare wah wah ne mette un terme au set principal. Sans Tracey Thorn (qui chante sur l’album) ni Maria Q (une chanteuse d’Archive qui assure généralement les chœurs). Sans doute la seule chose que l’on pourrait reprocher au bonhomme ce soir.

Ceci dit, la soirée était encore loin d’être terminée car le groupe va revenir sur scène pour un généreux rappel entamé avec un « Voodoo Doll » aux beats enlevés. Mais ce titre sera l’exception puisque la mélancolie prendra le relais via un piano magique derrière lequel l’artiste se placera pour les délicats « Where The Dreams Go To Die » (une requête d’un spectateur) et « Drug » (le seul titre issu du répertoire de son ancien groupe). Quant à « Sigourney Weaver » à l’environnement digne des débuts d’Elton John et le splendide « Caramel », ils méritaient à eux seuls le déplacement. Le genre de soirée qui vous réconcilie avec la vie…

Photos © 2015 Denoual Coatleven

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