Dour Festival 2015 (Jour 5) : pour terminer en beauté…
Dimanche 19 juillet, cinquième et dernier jour du Dour Festival. Le final d’un sacré marathon qui allait nous voir gambader d’une scène à l’autre aujourd’hui encore avec une affiche qui, sur papier en tout cas, n’était pas loin d’être la plus intéressante du week-end prolongé. Cela a débuté au Labo (c’est devenu une habitude) avec les déjantés Spagguetta Orghasmmond, le penchant carolo des Gauff’ au Suc’, qui nous avaient déjà fait mourir de rire aux dernières Nuits du Bota lors de la 62TV Label Night. Comprenant en son sein un des programmateurs du Rockerill (méconnaissable derrière son déguisement de rital), ils n’ont qu’un objectif, celui de partager leurs délires avec leur publico entre humour à prendre au troisième degré et compositions délibérément barakies, basées sur un orgue dégoulinant à la Charlie Oleg. Ils vont même jusqu’à interpréter une cover des Ramones en italien et à inviter el padre de La Louvière, le chanteur de Romano Nervoso, à les rejoindre, dans un costume de chicho. Sur scène, c’est la foire entre distribution d’autocollants, match de golf (!) et ode à l’Italie, le tout devant des vidéos flairant bon les années 70 diffusées sur l’écran géant derrière eux. Et ils terminent avec leur tube « L’amour à Charleroi » (sic) à la mélodie entêtante. Un dimanche qui ne pouvait mieux commencer…
Bref, impossible de quitter la tente avant la dernière note, ce qui nous a fait louper le set de Raketkanon à la Cannibal Stage. Une Cannibal Stage qui allait constituer notre endroit favori de la journée puisque les sinistres (dans la musique en tout cas) Eagulls allaient ensuite prendre le relais. Ils nous avaient bien plu l’an dernier à
l’AB Club mais on restera sur notre faim cet après-midi. Peut-être était-il trop tôt dans la journée (le chanteur, aux lunettes à la Mark King, le leader de Level 42, entamera son set avec un good evening…). Toujours est-il que les guitares post punk et les atmosphères glaciales qui jalonnent leur excellent premier album éponyme étaient aux abonnés absents. On pensait que le hit en puissance « Nerve Endings » allait faire office de déclic mais ce ne sera pas le cas. Un set trop mou et sans conviction qu’ils clôtureront comme ils l’avaient débuté, sans grand fracas…
Place ensuite à Circa Waves, les petits frères des Wombats et des Kooks qui ont récemment remplacé au pied levé Jessie J à Rock Werchter. Leur single « T-shirt Weather » squatte les premières places du Afrekening de Studio Brussel et passe abondamment sur la bande FM, ce qui a eu pour effet d’attirer pas mal de monde sous la Cannibal Stage (à la programmation peu agressive ce dimanche). Pour on ne sait quelle raison, ils ont recouvert un ampli d’un drapeau de la Juventus (ils ont peut-être sympathisé avec les Spagguetta backstage…). Comme prédit par nos soins au terme de leur visite à
l’AB Club en avril dernier, ils ont fait l’unanimité auprès d’un public jeune mais fervent avec leur pop rock nerveuse (mention à « Good For Me » et « Fossils ») mais tout de même un peu légère.
On a donc été à la recherche de décibels sous la Petite Maison dans la Prairie avec les Irlandais d’And So I Watch You From Afar, qui allaient débuter leur set pied au plancher. À l’exception de rares onomatopées, leurs compositions exclusivement instrumentales sont à ranger dans la catégorie post rock aux guitares cinglantes (les riffs renvoient parfois même au hard rock). Imaginez le point de rencontre entre la puissance de Mogwai (en moins prenant toutefois), les mélodies de My Vitriol et la fibre électro de 65daysofstatic. Les breaks sont légion et entraînent une réaction chaleureuse d’un public toujours prêt à vibrer malgré quatre jours de festival dans les pattes.
Au même moment, sous la Cannibal Stage, The Bohicas entamaient la seconde partie de leur set. Très grungy mais en plus poppy, les Anglais qui s’apprêtent à sortir leur premier album ont fait l’étalage de leurs influences disparates (surf pop, noisy, garage, sixties,…). Ceci dit, ils n’ont pas encore vraiment de personnalité, ce qui devient préjudiciable à la longue. Peut-être auront-ils réussi à concentrer leurs efforts lors de leur passage au Botanique le 22 octobre.
Sur la Last Arena finalement pas encore très fréquentée en ce début de soirée, les Strypes poursuivaient leur visite des festivals belges (ils ont joué à Rock Werchter et au Pukkelpop l’an dernier). La différence, c’est qu’ils ont un nouvel album sous le bras (« Little Victories » sort ces jours-ci), supposé les faire quitter le moule sixties analogique dans lequel ils se sont enfermés avec « Snapshot », leur première plaque. En découvrant les quelques nouveaux titres joués ce soir, on se rend compte qu’ils y parviennent en partie, mais que l’influence des Arctic Monkeys a pris le dessus (ils avaient notamment assuré la première partie de ces derniers à
Forest National en novembre 2013). Pas négatif en soi, mais il leur manque tout de même un petit quelque chose pour se démarquer. Ceci dit, ils jouent toujours admirablement bien (rappelons que certains d’entre eux n’ont pas encore atteint la vingtaine). En revanche, leur capital sympathie frôle le zéro (ils font toujours autant les malins et oublient souvent de sourire).
D’autres énergumènes qui ont tendance à oublier qu’artiste ne rime pas nécessairement avec suffisance, ce sont les Palma Violets. À l’instar de Peace, le quatuor londonien squatte les premières pages des magazines spécialisés britanniques depuis 2012 mais on se demande toujours ce que ces journalistes leur trouvent de spécial. Ils chantent à moitié faux, adoptent un esprit pseudo rebelle et tiennent en Chilli Jesson le bassiste le plus insupportable de sa génération (on est franchement désolés pour le pauvre roadie qui a dû subir ses foudres en permanence et ramasser son pied de micro à de nombreuses reprises). Pour les définir, on hésite encore entre une nième déclinaison des Clash sans le génie de ces derniers ou un groupe de pub rock sans grande imagination. Et ceci même si « Best Of Friends » (le single de l’année 2012 selon le NME) reste un fichu bon morceau. Outre le fait d’avoir commencé en retard et terminé avant l’heure, on pourrait encore leur reprocher le mauvais goût de mixer « 14 » avec la reprise de Bob Dylan, « Death Is Not The End » le week-end où le fils de Nick Cave a trouvé la mort.
Des revenants officiaient ensuite sous la Cannibal Stage. La Muerte, le légendaire groupe punk rock Bruxellois a repris du service à l’occasion de son trentième anniversaire. L’environnement sataniste (des cierges brûlent autour d’un crâne déposé sur un calice) tranche quelque peu avec la puissance démesurée des compositions hurlées par un chanteur qui portera un sac de jute sur la tête du début à la fin du set (il a dû souffrir, à l’instar du batteur à la frappe infernale qui avait en permanence deux spots braqués sur lui). Si d’un point de vue prestation scénique, le concert était réussi, la maigre assistance a quelque peu refroidi les protagonistes.
Surtout qu’à quelques mètres de là, Hudson Mohawke faisait le plein de la Boombox avec de l’électro certes mélodieuse mais pas fondamentalement différente des artistes qui officient sous les chapiteaux à partir de la fin de la soirée. Il faut malheureusement se rendre à l’évidence, le rock ne fait plus recette à Dour. Il reste à espérer qu’il s’agit simplement d’un cycle et que pour l’instant, la courbe est à son minimum.
Ceci dit, il nous restait un phénomène à observer avant de plier bagage. Non, pas Snoop Dogg, qui, soit dit en passant a drainé un nombre impressionnant de spectateurs sur la Last Arena mais Little Big, des Russes complètement frappadingues, baptisés de cette manière car ils comptent en leur rang un mec immense (vêtu d’un training rouge) et une nana minuscule (en costume traditionnel de poupée russe). Inspirés autant par Atari Teenage Riot que par Die Antwoord, ils vont assurer le spectacle en se démenant comme des beaux diables devant des vidéos déjantées. Derrière eux, un DJ lance des beats désuets inspirés de l’euro-dance commerciale du début des années 90 mais c’est tellement gros que cela fonctionne et le public va devenir complètement fou. Tout à coup, un quatrième larron (Mr. Clown) va débouler sur scène et rejoindre leur trip qui va atteindre son paroxysme lorsque le géant (qui officie torse nu depuis le deuxième titre) va déboucher une bouteille de vodka et la vider dans les gosiers des spectateurs du premier rang.
Une dernière expérience qui mettra un terme à notre Dour Festival de manière festive. Rendez-vous du 13 au 17 juillet 2016 pour la prochaine édition. Si celle-ci comportera quatre ou cinq jours est encore un mystère. La seule certitude, c’est que l’on sera au poste…
Photos © 2015 Olivier Bourgi