Eurorock 2015 : chronique d’une débacle
Arrivé en retard sur le site de l’Eurorock grâce à un camion qui avait eu la délicieuse idée de se coucher sur le flan sur le Ring de Bruxelles, j’arrive finalement au parking du festival. Première mauvaise surprise : 10 euros pour garer sa voiture dans un champ… J’accélère le pas par crainte de manquer mon premier concert de la journée et quand j’arrive sous le chapiteau, j’apprends que le festival est interrompu depuis plus d’une heure et demie… Tout s’annonçait pourtant pour le mieux. L’Eurorock renaissait de ses cendres après 12 ans d’absence et proposait une très belle affiche ciblant les publics gothique et new wavers. La présence de noms comme Xandria, Anathema, Fields Of The Nephilim, Therion, Killing Joke et bien d’autres m’avait incité à demander un photopass pour couvrir la journée du samedi.
À mon arrivée sur place, la météo n’est pas de la partie. Il tombe une agaçante petite bruine incessante. Alors que le site officiel de l’événement annonçait que toutes les 6000 places avaient été vendues et que 2000 places supplémentaires avaient dû être mises en vente pour satisfaire la demande, je me demande où tous ces festivaliers ont bien pu passer car le public me paraît assez peu nombreux. La presse avance le chiffre de 3000 personnes tout au plus alors que les organisateurs en attendaient plus du double. De quoi entraîner un sérieux manque à gagner.
Après un petit moment, quelqu’un annonce au micro qu’une somme importante (la rumeur parle de 80.000 euros) avait été dérobée et que les groupes ne pouvaient pas être payés. L’organisateur avait fait un malaise cardiaque et avait dû être hospitalisé en urgence. Un groupe de bénévoles a alors décidé de tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être et de négocier avec les groupes pour les convaincre de jouer en dépit des circonstances.
Au bout de quelques minutes d’attente supplémentaires, nous avons vu la scène s’animer et le groupe Lacrimas Profundere est finalement arrivé sur scène. L’ambiance était proche du zéro absolu et le groupe a eu le mérite de livrer une prestation très correcte qui a réussi à réinsuffler un minimum de vie dans le public. Rob Vitacca ne s’est pas privé de dire que le groupe jouait pour rien et le public s’est montré reconnaissant. Parmi les morceaux proposés, les fans auront reconnu Antiadore extrait de l’album éponyme. Du rock/métal gothique pour commencer l’après-midi en douceur. De quoi mettre un peu de baume au cœur des festivaliers très patients face à la tournure des événements.
Après une parenthèse électro-indus-new wave sur la scène « Heaven » de l’autre côté du chapiteau, tout se met en place pour le second groupe de métal de l’après-midi : Xandria. Toujours en promotion pour son album «Sacrificium», le groupe vient aussi de boucler l’enregistrement d’un EP qui sortira en juillet. Dès son entrée en scène, le groupe fait déferler sur le public un son métal gothique à caractère épique. Les tubes se succèdent : «Nightfall», «Blood on My Hands», «Dreamkeeper», «Forevermore», «Cursed», «Stardust» et «Valentine». La talentueuse soprano Dianne Van Giersbergen est parfaitement bien intégrée dans le groupe et a une réelle présence scénique. L’entente avec ses comparses est visiblement excellente. Le groupe prend plaisir à se produire sur scène malgré les circonstances et cela se ressent dans la qualité de leur show. Le public a l’air de bien apprécier cet agréable moment musical.
Alors que les organisateurs annoncent qu’ils sont toujours en tractation avec les groupes, la rumeur circule que plusieurs têtes d’affiche se sont désistées, dont Front 242. Les musiciens ne sont apparemment pas les seuls à n’avoir pas été payés. Le catering, la sécurité, la société chargée des moyens techniques… Un véritable gouffre financier.
Après un petit temps d’attente, c’est au tour de Peter Hook (Joy Division, New Order) d’entrer en scène avec ses musiciens. Les nostalgiques de l’ère New Wave peuvent alors s’en donner à cœur joie. Hommages à Ian Curtis, l’ancien chanteur de Joy Division, ainsi qu’à BB King, mais aussi quelques grands standards de ces deux grands groupes cultes que sont Joy Division et New Order. L’ambiance dans le public a monté de quelques crans. Les festivaliers ont manifestement retrouvé avec beaucoup de plaisir des mélodies comme le célèbre «Love Will Tear Us Apart» qui avaient bercé leur adolescence.
Dépité par l’incertitude concernant les groupes qui allaient (peut-être) encore se produire, par la pluie et le froid, je décide vers 19h00 de jeter le gant et de ne pas risquer une pneumonie pour pas grand-chose. Anathema, Therion et Killing Joke joueront finalement malgré tout. Une page se referme sur un festival qui risque fort de passer à la trappe pour cause de faillite de l’organisateur…
Photos © 2014 Hugues Timmermans