Viet Cong à l’AB Club : eight points
Non, tout le monde ne se trouvait pas devant son écran de télévision ce samedi 23 mai en train de regarder l’Eurovision. L’Ancienne Belgique débordait même de tous les côtés avec Roisin Murphy dans la grande salle et surtout Viet Cong au Club. Ces derniers connaissent bien l’endroit pour y avoir donné un set exemplaire en novembre dernier en support de leurs compatriotes Ought. Ce soir, ils jouent en tête d’affiche et dans le rôle de la première partie, ce sont des Anglais en provenance de Brighton, The Soft Walls. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne vont pas y aller par quatre chemins pour marquer leur territoire en démarrant au quart de tour.
Leur recette se base sur un son brut aux accords entêtants et aux riffs incisifs, le tout balisé par une basse souveraine exécutée par un musicien massif que l’on pourrait confondre avec un roadie. À sa gauche, le chanteur Dan Reeves (également actif au sein de Cold Pumas, autre groupe issu de la ville portuaire britannique), donne une impulsion énergique bien que sa voix soit souvent noyée dans la masse.
Parallèlement, sa guitare complémente parfaitement celle de son collègue de l’autre côté de la scène. Et quand il la troque contre un clavier, l’environnement ne se retrouve pas moins puissant pour la cause. Sombre et par moments glacial, on pense de temps à autre à Suicide alors que le dernier morceau (« Never Come Back ») au jeu épileptique et au final frappadingue façonné via des bidouillages de pédales à effets va placer la barre assez haut pour la suite.
Outre leur set ici même, Viet Cong ont également joué au Witloof Bar du Botanique en février dernier, alors que leur premier album éponyme venait d’être publié. Un set qui nous avait quelque peu laissés sur notre faim. De par la configuration d’un lieu quasi overbooké tout d’abord, d’un point de vue qualité sonore ensuite. Aucune excuse ce soir, l’AB Club représente pour ainsi dire la salle parfaite.
Entamée avec « Throw It Away et « Unconscious Melody », deux extraits de leur premier EP (« Cassette ») de 2013, leur prestation va commencer par étaler des influences post punk très New-Yorkaises (on pense beaucoup à Television ou, plus récemment, à Parquet Courts). Un retour aux sources qui va permettre de switcher aisément vers un son plus arrondi tout en restant délibérément glacial.
Autour du chanteur bassiste Matt Flegel (un grand barbu qui n’a pas trop la tête de l’emploi), on retrouve deux guitaristes (Scott Munro, particulièrement doué à la douze cordes et Daniel Christiansen, qui joue les yeux mi-clos) ainsi que Mike Wallace, un énergique batteur blond décoloré à la cogne redoutable. Malgré la noirceur ambiante, ils ne sont pas dénués d’humour, notamment lorsque le leader va se payer la tête du guitariste à sa droite car il porte un pantalon blanc ou lorsque l’autre guitariste va se lancer dans une impro en entendant son boss parler du Jazz Marathon en cours à Bruxelles.
Ceci dit, c’est via leurs compositions que l’osmose opère, comme sur l’hypnotique « Bunker Buster » agrémenté d’effets stéréo du plus bel effet. Ou sur leur hit single « Continental Shelf », très new wave dans la démarche et finalement assez atypique par rapport au reste de la set-list. Surtout qu’ils vont enchaîner juste après avec un « Death » d’un quart d’heure à la construction en crescendo qui mettra le jeu du batteur en exergue (il doit perdre un paquet de calories sur ce titre…) alors que la voix du chanteur montrera ses limites, compensée par un environnement à la puissance démentielle qui renverra les spectateurs les plus imprudents vers leur ORL.
C’est ainsi et sans rappel que se clôturera une prestation plus convaincante qu’au Bota, certes, mais sans pour autant atteindre l’intensité qui avait fait d’eux une révélation live de 2014. Ceci dit, ces deux groupes valaient très largement l’ensemble des prétendants à la succession de Conchita Wurtz…