Alcatraz Hard Rock & Metal Festival 2014 jour 2 : we’re not gonna take it !
Avec une grisaille atmosphérique persistante et des prestations scéniques allant du moyennement bon au carrément médiocre, la première journée d’Alcatraz Hard Rock & Metal Festival 2014 fut une petite déception. Cependant, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. La preuve : nous sommes samedi matin et le soleil pointe déjà le bout du nez. C’est surement un signe ! Affiche alléchante ou effet du bon temps ? Difficile à dire. Toujours est-il que la population carcérale qui déambule sur les pelouses de l’Alcatraz a doublé de volume depuis l’évasion subite de Manson. Il est à peine midi et pourtant la foule qui se presse face à la scène pour inhaler le Thrash de Toxik est déjà plus conséquente que celle qui se vautrait hier soir devant l’atroce Marilyn. L’antique formation New Yorkaise distille un set sympathique, quoi que pas franchement transcendant. Si le chant mélodique de Mike Sanders est toujours aussi convaincant, la prestation de ses compagnons de route souffre d’une légère carence en énergie.
Comme Toxik, Xentrix est un ‘second couteau’ de la vague Thrash des eighties. Originaire du Royaume Uni, le groupe n’a pas vraiment atteint un niveau de popularité égal à celui de ses compatriotes Thrashers d’Onslaught ou de Sabbat. Sa prestation du jour est pourtant des plus convaincantes. Moins mélodiques, mais beaucoup plus remuants que leurs prédécesseurs, ils apportent à notre estomac l’énergie qui lui est nécessaire pour entamer la digestion d’un petit déjeuner festivalier composé de succulentes frites à la sauce samurai et d’une saucisse pas assez cuite.
Prong est le premier ‘grand’ nom du jour. Tommy Victor et ses deux acolytes déboulent sur scène avec cette assurance typique des formations yankee et nous balancent un « Beg To Differ » des familles. Contrairement aux prestations des deux ‘semi-amateurs’ auxquelles nous venons d’assister, la performance de Prong est ultra-professionnelle et réglée au milimètre près. Le groupe égraine ses classiques (« Unconditional », « Rude Awakening », « Whose Fist Is This Anyway », etc.) pour le plaisir d’un parterre conquis d’avance. Excellent !
Il est 16h20 et notre ami Bernie débarque sur le site, attiré par l’envie de tirer de jolies… photos. Car 16h20, c’est aussi l’heure où Arch Enemy investit les planches pour présenter sa nouvelle et très jolie chanteuse au public belge. Si, vocalement, je préfère – et de loin – le charme brutalement teutonique de la terrible Angela Gossow, je dois bien admettre qu’Alissa White-Gluz a beaucoup de chien et que sa prestation est détonnante. Tout comme votre serviteur, la population mâle de l’Alcatraz a les yeux rivés sur la remuante donzelle et oublie de prêter attention aux guitares virevoltantes de Michael Amott. Il est vrai que la chevelure, pourtant flamboyante, du six-cordiste n’attire pas autant les regards que le bleu lumineux de la crinière ébouriffée de la belle Alissa. Les autres membres du groupe semblent profiter de l’attention constante portée à leur frontwoman pour tourner en pilote automatique et fournir le minimum légal. Pas mal, mais aurait pu mieux faire !
La prestation de Sacred Reich remporte tous les suffrages. Comme Prong, la formation Thrash investit les planches avec une attitude qui ne laisse planer aucun doute sur ses origines américaines. Cependant, les membres de Sacred Reich se la jouent beaucoup plus cool que leurs compatriotes. Affichant un sourire permanent et traitant le public d’égal à égal (NDR : ce qui n’était pas vraiment le cas de Victor & Co), ils s’assurent un capital de sympathie instantané auprès des festivaliers. Des brûlots tels qu’« Independent », « Ignorance » ou « Death Squad » génèrent quelques sérieux mouvements de foule. Quant à la reprise tonitruante du classique « War Pigs » de Black Sabbath, elle fait encore et toujours son petit effet. En fin de set, le fédérateur « Surf Nicaragua » offre aux plus téméraires (suis-je le seul a avoir vu deux Power Rangers dans la foule ?) une dernière occasion de sillonner les foules. Bluffant et sympathique, l’un des meilleurs concerts de la journée, tout simplement !
Channel Zero est manifestement l’un des groupes les plus attendus du festival. Le groupe nous la joue ‘émotion’ en démarrant sa prestation par un vibrant hommage à son batteur originel. Phil Baheux, tout le monde s’en souvient, est décédé l’année dernière alors qu’il se préparait à jouer, ici même, sur les planches de l’Alcatraz 2013. La minute de silence qui précède le premier riff est plutôt prenante ; bien plus en tout cas que celle qui nous avait été imposée hier par une Mina Caputo un peu trop ‘Peace & Love’ pour être honnête. La suite du concert est convaincante. Malgré un pied de micro un peu ridicule, Franky DSVD assure parfaitement son rôle de superstar nationale. Le vocaliste n’hésite pas à sillonner la foule pour aller saluer les personnes à mobilité réduite sur leur podium ou à prendre un gamin (aux anges) sur les épaules pour lui faire faire un tour d’honneur. Tino DeMartino (basse) et Mike Doling (guitare), quant à eux, offrent le meilleur de ce qu’ils ont dans les trippes pour démontrer à l’Alcatraz que, malgré les galères, Channel Zero à encore de beaux jours devant lui. Seven Antonopoulos (ex-Leaves Eyes) a hérité du poste le plus difficile à gérer; celui de remplacer Phil B. derrière les fûts ; une charge plutôt lourde dont il s’acquitte cependant avec un certain brio. Très bon concert.
Les rumeurs persistantes au sujet de l’ego surdimensionné de Blackie Lawless nous avaient fait craindre le pire. Bernie et moi avions prévenu nos familles respectives de ne pas trop s’inquiéter si, d’aventure, nous étions deux ou trois heures en retard sur l’horaire prévu. Balivernes que tout cela ! Celles et ceux qui ont colporté de telles fadaises après avoir assisté aux récents concerts de W.A.S.P. sont manifestement de mauvaises langues puisque le grand Blackie entre en scène à l’heure prévue – et avec un sourire en prime – pour nous balancer à la face un cocktail Molotov composé d’un tiers d’« On Your Knees », un tiers de « The Torture Never Stops » et un dernier tiers de « The Real Me ». Si Lawless (NDR : qui fêtera ses 58 ans en septembre prochain) a triplé de volume en 32 ans de carrière, son organe vocal, en tout cas, n’a rien perdu de sa superbe. Le look, bien sur, en a pris un léger coup de vieux. La tonne de mascara et les bottes à froufrou ne sont plus vraiment nécessaires au troisième millénaire. Mais il faut supposer que tout cela fait partie du charme du personnage. Je ne vais pas, en tout cas, bouder le plaisir de l’entendre réinterpréter « Wild Child », « I Wanna Be Somebody », « Blind In Texas » ou « The Idol » pour un détail aussi futile. Car je l’avoue sans honte, j’ai pris un sacré pied en écoutant le quasi sexagénaire faire revivre toutes ces jolies chansons de mon passé ! Un petit regret cependant : nous n’avons pas eu droit au poétique « I Fuck Like A Beast », qui, j’en suis pourtant persuadé, aurait enchanté les nombreux romantiques présents ce soir.
Nous ne sommes que le 9 aout, mais pour le fan de Hard Rock’n’roll, c’est déjà Noël ! Car pour clore son édition 2014 en beauté, l’Alcatraz Hard Rock & Metal Festival ne nous offre rien de moins qu’un concert des fantastiques Twisted Sister !
Il est un peu plus de 22h40 et les pulsations rythmiques du « It’s A Long Way To The Top » d’AC/DC chauffent les membranes des haut-parleurs. La vibration gagne la foule et, autours de nous, les ‘Twisted ‘Fuckin’ Sister’ fusent de toutes parts. Une explosion de lumière dévoile la crinière ondulée de Dee Snider et balaie en quelques secondes toutes les frustrations de la soirée d’hier. Du haut de ses 59 printemps, le vocaliste tient toujours une forme d’enfer. Contrairement à Manson (45 balais à peine, faut il le rappeler ?) ou à l’ami Blackie, le New Yorkais qui nous fait face n’a pas pris un seul gramme de gras. Cette redoutable condition physique lui permettra d’ailleurs de jouer les haricots sauteurs durant toute la soirée.
Ce soir, les ‘Sœurs Tordues’ nous ont invités à fêter le trentième anniversaire de leur troisième bébé : « Stay Hungry » (mai 1984) et c’est donc tout naturellement avec le titre éponyme de ce classique intemporel que débute le show. Le line-up des Sisters n’a pas changé depuis la sortie du premier album « Under The Blade » en 1982. Aux côtés de Snider, nous retrouvons donc, le guitariste Eddie ‘Fingers’ Ojeda, le batteur A.J. Pero, le bassiste Mark ‘The Animal’ Mendoza et l’indéboulonnable Jay Jay French (NDR : le guitariste est le véritable leader du groupe puisqu’il a fondé Twisted Sister en 1972 alors que Snider n’a été intégré qu’en 1976).
La setlist est un Best Of incontournable. Outre les huit titres extraits de « Stay Hungry », nous avons droit aux fédérateurs « The Kids Are Back » et « You Can’t Stop Rock’n’Roll » tirés de l’album du même nom, à « Shoot’Em Down » et « Under The Blade » extraits du premier album ainsi qu’aux « The Fire Still Burns » et « I Believe In Rock’n’Roll » de l’album « Come Out And Play ». Toute la discographie postérieure à 1985 est oubliée. Tant mieux, après tout.
Le concert dans son intégralité n’est qu’une suite de moments forts qu’il serait impossible d’énumérer sans paraitre un peu longuet. Entre les amusants discours de Jay Jay French et le solo de batterie bluffant de Pero, nous prenons plaisir à voir Mendosa martyriser le manche de sa quatre-cordes à coups de poings velus. Snider, comme chacun le sait, est la bête de scène ultime et, surtout, un incroyable manipulateur de foules. Son discours d’ouverture à propos de Mère Nature et de la manière dont elle à gâché son plaisir de jouer au Graspop l’année dernière et la description de la revanche qu’il compte bien prendre sur cette ‘sal..pe’ aujourd’hui restera sans doute longtemps dans les anales de l’Alcatraz. On le verra plus tard, le refrain de l’hymnique « We’re Not Gonna Take It », utilisé pour nous faire chanter en chœur, marquera les esprits de manière indélébile. Pour l’ultra-heavy « Burn In Hell », Snider réapparait torse nu, le ventre plat et les muscles saillants; le visage barré d’un rictus bien plus terrifiant que toutes les grimaces débiles du grand décérébré qui le précédait sur les mêmes planches un jour plus tôt. Probablement l’un des moments les plus prenants de la prestation. « I Wanna Rock » qui clôt le set, sert de prétexte à un nouveau délire : sur une suggestion d’Animal Mendoza, Snider propose à la foule de remplacer le refrain par un superbe « I Wanna Fuck ». Le résultat, repris par des milliers de voix, est tellement probant que les musiciens se promettent, entre deux fous-rires, d’en faire leur prochain single.
Les Sisters quittent la scène après un bref au revoir. Vous vous en doutez, nous ne l’entendons pas de cette oreille. Cependant, en lieu et place du traditionnel ‘We Want More’ nous préférons entonner le fameux « We’re Not Gonna Take It » que l’on nous avait déjà fait chanter plus tôt. Le groupe, amusé par la chose, revient en scène instruments à la main pour continuer ce que nous avions démarré et l’enchainer avec un « S.M.F. » on ne peut plus destructeur. Avant de quitter définitivement les lieux, Jay Jay French invite encore le staff et les roadies à rejoindre le groupe sur scène pour reprendre avec nous une fois encore ce qui, à n’en pas, douter restera à tout jamais l’hymne des détenus d’Alcatraz : « We’re Not Gonna Take It » !
Photos © 2014 Bernard Hulet