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Anna Calvi s’émancipe à l’AB


Rappelez-vous, en 2011, un petit bout de femme défrayait la chronique avec un excellent premier album autant inspiré par Nick Cave que PJ Harvey. Si aujourd’hui la hype autour d’Anna Calvi est quelque peu retombée, la grande salle de l’AB était néanmoins presque sold out pour la voir présenter « One Breath », son second opus. Pour deux dates seulement (ce soir et le lendemain à Cologne), elle avait convié les étrangement nommés We Were Evergreen à ouvrir le bal. Ce trio Français installé à Londres va présenter sans complexe des compositions aux multiples influences qui font la part belle à une instrumentation riche. Xylophone, ukulélé, trompette et nappes de synthé vont ainsi se succéder dans une atmosphère rappelant autant We Have Band que Vampire Weekend.

Mais ce qui surprend le plus, c’est la direction qu’ils donnent à certains de leurs titres, surtout lorsqu’ils s’engouffrent dans un trip jazzy, tropical ou expérimental avec des loops et des percussions. Tout un programme… Leur premier album, « Towards », arrive au mois de mai et on sera curieux d’en découvrir sa teneur.

Depuis son passage triomphal dans cette même salle en octobre 2011, Anna Calvi a adopté un profil bas, préférant rester discrète et digérer le succès de son premier disque (qui a notamment été nominé au prestigieux Mercury Music Prize après avoir récolté des critiques dithyrambiques). « One Breath », son deuxième effort, est arrivé à l’automne et avec lui une nouvelle artiste.

Si l’écoute de cette plaque ne permet pas vraiment de remarquer une évolution notoire, il en sera tout autrement de sa prestation scénique. En effet, elle a développé une incroyable assurance qui va mettre à mal le titre de notre article de l’époque (
un talent statique, mais réel
). Si le talent est toujours bien là, elle occupe désormais largement la scène et focalise l’attention pour une autre raison que son physique.

« Suzanne & I », le titre d’intro, servira de rampe de lancement et nous permettra de retrouver avec plaisir ce charme naturel et cette chevelure bouclée qui lui va à ravir. Devant un décor sobre, aride et nuageux, elle et ses musiciens (un claviériste, un batteur droit comme un i et une multi instrumentiste qui fera sensation en utilisant notamment une cymbale en forme de serpentin) vont installer progressivement une atmosphère captivante.

Le prenant « Eliza » et surtout « Sing To Me » vont ensuite mettre sa solide voix bien en avant mais c’est à partir de « Cry » que l’on va remarquer une différence notoire par rapport à sa tournée précédente. Elle va en effet complètement se lâcher et prendre son pied en décochant des riffs incendiaires avec sa guitare. Mais toujours avec une délicatesse et une sensualité qui vont laisser courir notre imagination quant à la relation indécente que pourrait avoir un artiste avec son instrument.

Ceci dit, sa vision de guitar hero va peut-être parfois un peu trop loin, surtout lorsqu’elle use et abuse de sa dextérité (« Rider To The Sea »). On pourrait lui reprocher également quelques longueurs (les vocalises de « Carry Me Over » en tête, « Bleed Into Me ») mais ce seront les seuls points faibles de sa prestation.

En revanche, le doublé composé des excellents « First We Kiss » et « I’ll Be Your Man » va apparaître comme un des moments forts, au même titre que les rêveurs « Piece By Piece » et « Suddenly ». Les brusques variations de ton vont en saisir quelques uns, comme sur « Love Of My Life » lorsque sa voix angélique prendra une tournure rugueuse l’instant d’après. On appréciera également son interprétation langoureuse du « Surrender » d’Elvis Presley et celle, dépouillée, du « Fire » de Bruce Springsteen. Un peu plus tard, la fausse jam session que ponctuera « Love Won’t Be Leaving » clôturera le set principal avant qu’elle ne salue poliment la foule.

Si les rappels débuteront avec « A Kiss To Your Twin » (la face B d’« Eliza »), c’est « Blackout » qui va leur donner une saveur particulière, surtout que la version proposée ce soir sera pleine de hargne. Tout se terminera avec une nouvelle cover, celle du « Jezebel » de Frankie Laine à la vibe sixties bien assumée.

A ce propos, la centaine de spectateurs qui ont eu la chance d’assister à l’after show au Huis 23 ont eu droit à une volée d’autres reprises (Leonard Cohen, TV On The Radio, Jimi Hendrix,…) toutes plus réussies les unes que les autres. Il n’y a pas à dire, Anna Calvi a grandi, mûri et atteint une stature que l’on n’aurait pas imaginée en entrant dans la salle trois heures plus tôt.

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