Haim, un esprit de famille très rock ‘n’ roll
Si les trois sœurs de Haim ont pris le temps de peaufiner l’enregistrement de leur premier album (au point d’annuler leur passage au Club de l’AB en avril dernier), on ne peut certainement pas leur reprocher de lésiner sur la promotion qu’elles lui réservent. Elles se produisaient enfin dans la salle du boulevard Anspach ce lundi 24 février.
Déroutantes comme souvent, elles avaient invité un certain Sway Clarke II à ouvrir pour elles. Ce Canadien basé à Berlin au pseudo de monarque qui officie plutôt dans une catégorie r’n’b a commencé par surprendre un auditoire déjà nombreux et essentiellement féminin. Physiquement, avec ses lunettes stylées et sa coiffure géométrique, il ressemble à Bobby Brown période fin des années 80 alors que sa présence scénique et sa voix dominante le rendent presqu’attachant.
Il se fait accompagner sur scène par un bassiste et un geek touche-à-tout qui va notamment assurer la rythmique en lieu et place d’un batteur tombé malade plus tôt dans la tournée. Sa reprise du « If I Ruled The World » de Nas (ou alors un titre qui en est largement inspiré) entamée en acoustique sera le point d’orgue de sa prestation mais la guitare généreuse du morceau suivant rappelant en filigrane le « Everybody Hurts » de R.E.M. ne sera pas dénuée d’intérêt non plus. Seulement voilà, on est tout de même loin du scope de votre webzine favori.
Heureusement, les choses allaient prendre une tournure nettement plus consistante avec les stars de la soirée. Il est vrai que la réputation de Haim n’est plus à démontrer et que leur nom est sur toutes les lèvres depuis un certain temps déjà. Lauréates du célèbre BBC Sound Of… (qui prédit avec une quasi certitude les artistes qui vont exploser dans l’année) en 2013, elles obtiendront un numéro un anglais avec leur premier album, « Days Are Gone », quelques mois plus tard.
Pourtant, comme ceux qui étaient à Werchter et au Pukkelpop l’an dernier peuvent en témoigner, le son léché et produit qui émaille la plaque n’a rien à voir avec ce qu’elles proposent sur scène. Par rapport aux festivals précités, elles ont embauché un claviériste de tournée en plus de leur fidèle batteur. Deux musiciens qui passeront clairement au second plan tant les trois frangines captent l’attention.
Evidemment, l’aspect physique n’y est pas étranger mais la dextérité avec laquelle elles manient leurs instruments, leur évidente complémentarité vocale et leur aisance de communication contribueront à la réussite de la soirée. Bon, d’accord, on ne s’attardera pas sur les grimaces d’Este et sur la bouche ouverte en permanence d’Alana. C’est finalement Danielle, qui occupe la position centrale sur scène, qui semble la plus sage (ou la plus pro, c’est selon). Pour la petite histoire, elle a joué dans le backing band de Julian Casablancas (le chanteur des Strokes) lors de sa tournée solo en 2010.
Tout débutera en force avec « Falling » qui mettra en place le son live du groupe, essentiellement basé sur des riffs de guitares incendiaires et des parties de percussions soutenues, comme sur leur désormais célèbre cover de Fleetwood Mac (« Oh Well »), dont la puissante version faussement jam session laisserait Peter Green bouche bée et lors de laquelle elles prendront un plaisir non dissimulé.
Si « If I Could Change Your Mind » embrasse une vision pop à la Five Star et « Honey & I » ou « Go Slow » renvoient aux délicates harmonies vocales de Wilson Phillips ou des Corrs, elles parviennent systématiquement à faire voler en éclat la moindre comparaison grâce à un background rugueux qui apparaît spontanément à un moment où l’on ne s’y attend pas nécessairement, à l’instar du déstructuré mais efficace « My Song 5 ».
Après avoir pris possession de petites attentions (essentiellement sous la forme de friandises) de la part de leurs fans, elles vont se lancer dans une version incendiaire de « Don’t Save Me » alors que les breaks de « Forever » vont en faire un véritable tube qui va déjà terminer le set principal. Déjà, car avec un peu moins de quarante-cinq minutes, elles ont joué moins longtemps que lors des festivals.
Après un coup de peigne, un nuage de déo et une retouche de rouge à lèvres, elles seront de retour pour un rappel plus que bienvenu, entamé avec un « Running If You Call My Name » dépouillé (en tout cas au début car la suite allait de nouveau voler dans les décibels). La vibe country de « The Wire » aux trois voix distinctes sera un régal pour les oreilles avant que la messe ne se termine au son d’un « Let Me Go » de toute grande classe, presque classic rock à la ZZ Top, agrémenté d’une rythmique de percussions soutenue digne des Tambours du Bronx. Quand on vous disait que ces nanas sont beaucoup moins sages qu’il n’y paraît…