Glasvegas au Depot, le noir leur va si bien…
Lorsque les Ecossais de Glasvegas se sont fait remercier par Sony Music suite à l’accueil mitigé de leur deuxième album, on ne donnait pas cher de leur avenir. C’était sans compter sur l’abnégation de James Allan et de ses compères qui ont mis en boîte « Later… When The Tv Turns To Static » avant de conclure un nouveau deal avec une major (BMG). Le quatuor était au Depot de Leuven ce vendredi 6 décembre pour le présenter au public belge.
Saint-Nicolas ou pas, on ne peut en tout cas pas dire que ce dernier ait répondu présent ce soir. Une cinquantaine de spectateurs à peine se pressaient en effet dans la salle délimitée par un immense rideau noir placé juste devant les fauteuils lorsque The Love Compartment, le groupe choisi pour assurer la première partie, est monté sur les planches. Articulés autour du chanteur guitariste Tom Van de Goor, ces locaux vont démontrer que malgré une carrière encore assez courte (ils se sont formés en 2011 et n’ont que deux singles à leur actif), ils sont déjà bien au point.
Une voix mûre et assurée, des arrangements entêtants, des mélodies pop, des envolées calculées, tout est réuni pour faire un carton sur les ondes de Studio Brussel. Le hic, c’est que Milow, Arid ou Absynthe Minded les ont précédés et que dès lors, on risque de les considérer comme des suiveurs plutôt que des précurseurs. Pour le moment en tout cas…
La dernière fois que Glasvegas a joué en Belgique, c’était sur la grande scène du Pukkelpop en 2011, deux heures à peine avant que la tristement célèbre tempête ne dévaste tout sur son passage. A cette occasion, le leader James Allan était tout de blanc vêtu, en parfaite contradiction avec l’atmosphère de ses compositions et de son accoutrement lors de la tournée précédente où il se produisait en noir de la tête aux pieds.
On s’attendait secrètement à le voir débarquer en rose ou déguisé en Grand Saint mais la réalité nous a bien vite rattrapés. Sans surprise, c’est le noir qui a de nouveau sa préférence (même si le marcel ne l’avantage pas). Curieusement, des bandelettes fluo sont collées sur les amplis, rappelant au passage les vagues saccadées qui ornent en filigrane la pochette sobre de « Later… When The Tv Turns To Static », un troisième album au spleen toujours omniprésent, mais au succès tout relatif (il a échoué aux portes du top 40 britannique).
Cela ne signifie pas qu’il soit mauvais pour autant, loin de là… C’est d’ailleurs avec la très réussie plage titulaire de ce nouvel opus que les choses vont se mettre en place, dans un univers sombre timidement agrémenté de jeux de lumière réduits à leur plus simple expression. L’occasion de se focaliser sur la voix de James Allan, délicieusement plaintive et déjà chaleureusement affutée. Une deuxième nouvelle composition (« Youngblood ») enlevée à souhait, va servir de décor sonore initial à des projections en noir et blanc basées sur des loops qui vont intelligemment égayer la prestation du groupe. A ce moment, le public, plus nombreux sans pour autant être massivement présent, n’a pas l’air très emballé.
Le chanteur va malgré tout parler abondamment entre les morceaux, s’excusant de traîner un rhume qui aurait pu mettre à mal la date. Il s’exprime d’ailleurs d’une manière très douce par rapport aux pics atteints lors de certains titres. A ses côtés, le guitariste Rab Allan continue de soigner son look, le bassiste Paul Donoghue a toujours une incisive en moins alors que la batteuse Jonna Löfgren persiste à jouer debout derrière un instrument transparent qu’elle a peut-être bien récupéré dans le local de répétition de White Lies.
Si « It’s My Own Cheating Heart That Makes Me Cry » va sortir le public de sa torpeur, ce sont les extraits du sous-estimé Euphoric/// Heartbreak » qui vont se dévoiler sous un autre jour. Les puissants « Euphoria, Take My Hand » et « Dream Dream Dreaming » vont nous rappeler qu’une éclaircie avait illuminé le ciel du groupe à l’époque alors que l’excellent « The World Is Yours » à la basse chantante a tout d’un tube, même si l’atmosphère reste délibérément pesante.
L’exploration de la nouvelle plaque passera encore par le curieux « If » dont certains passages renvoient au « Road To Nowhere » des Talking Heads et le particulièrement réussi « Secret Truth », prenant à souhait. On regrettera toutefois le manque de confiance du groupe qui limitera son exploration au minimum syndical. « Choices » et « All I Want Is My Baby » auraient pourtant mérité une petite place sur la set-list. Mais c’est « Geraldine » et le très viril « Go Square Go » (version kop de supporters) qui termineront le set principal, inexplicablement entrecoupés d’un « Ice Cream Van » ennuyeux à mourir.
Heureusement, les rappels vont rattraper ce moment de flottement. James Allan remontera sur scène sans ses lunettes de soleil et, comme par magie, il apparaîtra beaucoup plus humain que lors des soixante minutes précédentes. Tout débutera avec un excellent inédit datant du tout début de leur carrière, « Whitey », interprété d’une manière hasardeuse en duo acoustique avec Rab Allan mais à la spontanéité réellement attachante. Ils garderont la main le temps d’une autre rareté, « Cruel Moon », une beauté rare extraite de leur EP de Noël datant de 2008 (« A Snowflake Fell (And It Felt Like A Kiss) »).
Il gratifiera également l’assistance d’une touche d’humour peu courante dans son chef, en affirmant que le récent « I’d Rather Be Dead (Than Be With You) » est sans doute la chanson la plus drôle qu’ils aient écrite. Interprété avec Jonna au piano qui va ajouter de la mélancolie à l’ensemble, on hésite à lui donner tort. Surtout que le classique « Daddy’s Gone » va poursuivre dans le mélodramatique, un style qui leur convient à merveille, même si « Lots Sometimes », déballé en crescendo va démontrer qu’il ne s’agit pas exclusivement de leur fonds de commerce. Si l’étoile de Glasvegas a pâli dans le cœur des critiques, ce ne sont certainement pas leurs prestations scéniques qui sont à remettre en cause…