The National chez eux à Forest
Si les membres de The National ont dû patienter jusqu’en 2005 et la sortie de leur troisième album avant de goûter à un début de reconnaissance, leur carrière a depuis suivi une courbe ascendante qui leur permet de profiter pleinement d’un succès cent fois mérité. Ce samedi 16 novembre, ils ont aisément rempli leur deuxième Forest National.
En effet, ils avaient déjà réalisé pareille performance voici deux ans en support de « High Violet », l’album qui les a vus exploser auprès du grand public tout en séduisant une nouvelle fois la critique. Leur dernière livraison, « Trouble Will Find Me », est un disque qui poursuit dans la lignée de son prédécesseur, tout aussi riche bien que nettement moins évident à cerner lors des premières écoutes.
Mais avant de découvrir la teneur scénique de leurs compositions les plus récentes, place à ceux qui les accompagnent aux quatre coins de l’Europe, This Is The Kit. Il s’agit du projet de Kate Stables, une chanteuse qui partage sa vie entre Bristol et Paris (d’où son français impeccable) et dont le premier album a été produit en 2008 par John Parish, ni plus ni moins. Avec une référence pareille, on s’attendait à voir débarquer un nième clone de PJ Harvey, mais à notre grande surprise, sa douce voix renvoie plutôt à celle de Natasha Khan (Bat For Lashes), l’univers enchanté en moins.
On est plutôt ici dans un environnement à tendance folk qui se décline régulièrement dans une veine énergique toutes guitares en avant (par moments trois six cordes sont en action). Plaisant sans être transcendant, le groupe (dont fait également partie son compagnon Jesse D Vernon, ex-membre des Moonflowers avec Parish) devrait se dévoiler d’une manière beaucoup plus captivante dans un endroit confiné comme la Rotonde ou l’AB Club par exemple. Mentionnons tout de même la sortie un peu loupée de la chanteuse qui va se prendre le micro dans la figure avant de quitter stoïquement la scène.
Il s’agit déjà de la troisième fois que The National se produisent en Belgique cette année, après le Cirque Royal fin juin pour un échauffement consécutif à la sortie de « Trouble Will Find Me » (où les tickets se sont arrachés en quelques minutes) et le festival de Werchter quelques jours plus tard. Depuis, l’album en question a mûri et ses recoins se dévoilent avantageusement, même si c’est avec l’évident « Don’t Swallow The Cap », qu’ils vont entamer leur set. Le public, lui, est déjà bien en transe depuis qu’une caméra diffuse des images du groupe dans les coulisses sur le point de monter sur scène.
Les effets visuels sur l’immense écran à l’arrière de la scène vont d’ailleurs activement contribuer à la réussite du show. Très colorés, limite psyché et incorporant des captations live des musiciens en plein effort, il marque une volonté de faire de cette tournée un événement à la hauteur de leur nouvelle réputation. Cerise sur le gâteau, le son est impeccablement réglé, ce qui ne gâche rien et qui clouera au passage le bec aux détracteurs du temple bruxellois.
Si l’on excepte un plus léger « I Should Live In Salt », le début du concert sera tout simplement fantastique. « Anyone’s Ghost » montera la température d’un cran, « Bloodbuzz Ohio » sera le théâtre des premières envolées alors que l’enchaînement des particulièrement prenants « Afraid Of Anyone » et « Conversation 16 » va tout simplement nous donner la chair de poule. Tout ceci avant que le leader ne s’arrache déjà la voix sur « Squalor Victoria ».
Parlons-en, justement, de Matt Berninger, dont les lunettes et le costume le vieillissent davantage qu’ils le rendent sérieux. A moins que ce ne soient les verres de vin rouge qu’il va s’enfiler tout au long du concert (quand ce n’est pas directement au goulot de la bouteille). Il doit sans doute prendre dans le divin breuvage l’énergie qui le poussera plus tard à se fondre dans le public pour des bains de foule répétés. A ses côtés, les jumeaux guitaristes Aaron et Bryce Dessner paraissent appliqués et sages comme des images, à l’instar de l’autre paire de twins Bryan (le batteur) et Scott (le bassiste) Devendorf. Mentionnons encore un duo de cuivres diablement inspiré sur « I Need My Girl ».
A ce propos, à l’instar d’Arctic Monkeys une semaine auparavant au même endroit, c’est la dernière plaque du groupe qui va être abondamment visitée. Et l’on remarquera combien la douceur de titres comme « Demons », « Hard To Find » ou « Pink Rabbits » va se révéler à fleur de peau. Les surprenants chœurs judicieusement disposés vont donner un autre visage au final de « This Is The Last Time » alors que la version très réussie de l’excellent « Sea Of Love » est à ranger directement dans la catégorie des classiques du groupe.
La seconde partie du concert les verra se pencher davantage sur leur back catalogue en ignorant une nouvelle fois les deux premiers albums. D’accord, on est toujours ravis d’entendre la version métamorphosée de « Slow Show », la rudesse vocale de « Abel » ou encore la délicatesse de « Fake Empire » (qui terminera d’ailleurs le set) mais on serait tout de même curieux de découvrir la direction que prendraient dix and plus tard des compositions comme « Available » et « Lucky You » par exemple.
Les rappels vont nous réserver une seule surprise avec l’interprétation du tout chaud « Lean » à l’atmosphère délicieusement pesante, composé pour la BO du deuxième volet de Hunger Games. Car pour le reste, on se doutait que Matt Berninger allait se faire « Mr. November » en s’égosillant au beau milieu du public et qu’il allait terminer le concert en chantant sans amplification aucune « Vanderlyle Crybaby Geeks ». Même si, entre les deux, on aura droit à un convaincant « Terrible Love » et à l’explosion de son verre à vin après l’avoir jeté en l’air…
Si The National ont à nouveau conquis un public belge qu’ils gâtent volontiers depuis de nombreuses années, on pourrait toutefois leur reprocher de ne prendre qu’un minimum de risques. Et pour les fidèles, un légitime air de déjà vu se profile tout doucement à l’horizon. Pour le reste, tout était parfait…