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LOKERSE FEESTEN 2013 : des B-52’s grabataires et un Daan exemplaire


Neuvième et avant-dernière journée des Lokerse Feesten ce samedi 10 août avec au programme un groupe en plein boom (Balthazar) et un artiste qui avait une conduite à se racheter (Daan). Mais c’est avant tout une des rares apparitions des B-52’s qui a drainé la toute grande foule dans la bourgade flamande.

Avant tout ce beau monde, les programmateurs avaient invités les Courtraisiens de SX pour lancer la soirée. Un choix judicieux puisque le trio défend avec ardeur et conviction son premier album sorti en fin d’année dernière, « Arche ». Un album hanté par la voix soul de Stefanie Callebaut qui fleure bon l’électro pop aux sonorités new wave synthétiques subtiles.

Sur scène, l’organe vocal de la grande blonde bouclée à la tenue affriolante se révèle encore plus puissant et les vocalises qu’elle place en début de certains titres (à l’instar de « Gold », l’excellente intro du concert) la rendent unique. Habitée et expressive, elle parait de plus montée sur ressort et vit à fond les compositions élaborées avec son compère le guitariste Benjamin Desmet, qui se trouve à sa droite et qui tapote en parallèle sur un clavier. Le batteur Jeroen Termote complète le line-up.

Malgré une prestation débutée avec le soleil dans la figure (ce qui va réduire à néant les jeux de lumière), le groupe va tirer son épingle du jeu en proposant des versions retravaillées de leurs titres (« Graffiti », « Black Video » et « Pearls » en tête) dont l’évolution laisse pantois, alors que « The Future » (qui terminera le set) boosté par une voix à la Kate Bush va laisser entrevoir une facette expérimentale qui leur convient assez bien.

Les mauvaises langues prétendront que l’on voit Balthazar à l’affiche de pratiquement tous les festivals cette année et ils n’ont pas tout à fait tort. Sauf qu’à Dour, par exemple, ils avaient été invités en dernière minute pour pallier à la défection des Klaxons. Et que ce n’est pas tous les jours qu’un groupe belge joue à Sziget et aux mythiques Reading & Leeds festivals, entre autres événements de renommée internationale. Il faut dire que le deuxième album du groupe, « Rats », est d’une beauté rare et n’en finit pas de se dévoiler au fur et à mesure des écoutes.

Le style peu conventionnel imaginé par les deux génies que sont Maarten Devoldere (qui porte sa guitare à hauteur des épaules) et Jinte Deprez marque en tout cas les esprits et porte indéniablement la griffe du groupe dont tous les membres, à l’exception du batteur, jouent de front. N’oublions pas non plus de mentionner la violoniste Patricia Vanneste qui parsème les compositions de sons et d’effets que l’on n’attend généralement pas d’un tel instrument (même si le rêveur « Any Suggestion » viendra plus tard contrecarrer cette affirmation).

Ils entameront leur set avec deux excellents nouveaux titres, « Lions’s Mouth (Daniel) » et « Later » qui vont installer l’ambiance dans laquelle ils vont évoluer une heure durant. Si les extraits du premier album gardent une approche pop plus évidente (« The Boatman », « Fifteen Floors »), ce sont les structures particulières des récents « The Man Who Owns The Place » et « The Oldest Of Sisters » qui confirmeront la place à part occupée par Balthazar.

Ils n’hésitent en effet jamais à arrêter la machine pour y insérer des breaks a capella ou d’adopter une voix désintéressée qui prend tout son sens à l’écoute des orchestrations. Si cela peut perturber de prime abord, on ne peut qu’adhérer au bout de quelques écoutes. D’autant que « Blood Like Wine » et son final en communion avec le public permettra de franchir un palier que « Morning » et sa basse claquante caractéristique feront exploser. Le tout se terminera ensuite dans la douceur au son du très mélodieux « Do Not Claim Them Anymore » avec la certitude d’avoir assisté à un moment. La première partie de la tournée européenne d’Editors à l’automne devrait leur permettre de confirmer leur statut envieux.

Chaque année, les Lokerse Feesten parviennent à attirer de vieilles gloires et les B-52’s font clairement partie de cette catégorie. Leur dernier album en date, « Funplex », est sorti en 2008 dans l’indifférence quasi générale et leur dernier réel fait d’arme se situe en 1994 lorsqu’ils avaient enregistré la B.O. du film The Flinstones. On était dès lors surpris de les voir à l’affiche et curieux de découvrir ce qu’ils avaient encore à proposer.

Ceci dit, la plaine était noire de monde et la moyenne d’âge un peu plus élevée que certains autres jours pour accueillir à grand renfort de cris stridents les premières notes de « Planet Claire ». Très futuristes à l’époque (ils ont tout de même baptisé leur compilation de 1998 « Time Capsule – Songs For A Future Generation »), ils vont en tout cas démontrer qu’ils n’ont pas trouvé l’élixir de jouvence. Le poids des années se traduit via les nombreuses rides de Cindy Wilson (à moins que ce ne soit l’abus de chirurgie esthétique) et le bedon de Fred Schneider, dont la ressemblance avec Michel Serrault surprend quelque peu.

Celui-ci n’a en tout cas pas peur du ridicule puisqu’il se produit avec un veston orange vif digne d’un chef de chantier et un pantalon noir déchiré à hauteur des genoux. Sa voix si caractéristique fait désormais de temps à autre penser à celle de John Lydon, au contraire des deux filles dont la tessiture est restée intacte (« Private Idaho » et surtout « Lava » nous le confirmeront). Finalement, seule Kate Pierson (pourtant la plus âgée sur scène avec ses 65 ans) paraît ne pas avoir trop souffert du temps (était-ce sa coiffure 60’s à la Brigitte Bardot, sa ligne svelte ou sa robe mauve à paillettes, on vous laissera seuls juge).

L’espace de trois titres en milieu de set, Fred Schneider disparaîtra de la scène en laissant les filles assurer le spectacle. On retiendra notamment leur duo de voix sur « Roam » et une impressionnante version de « The Girl From Ipanema Goes To Greenland » signée Cindy Wilson. Il sera ensuite de retour mais l’impression qui nous avait effleuré l’esprit en début du set ne fera que se confirmer. On est davantage en train d’assister à un condensé entre une pièce de théâtre et un spectacle de danse coloré plutôt qu’à un concert. La faute à des chorégraphies improvisées à la limite du ridicule. Il est parfois préférable de fermer les yeux et de se concentrer sur la musique.

En effet, des titres comme « Is That You Mo-Dean » et « 6060-842 » n’ont rien perdu de leur superbe alors que « Love Shack » mettra sans surprise tout le monde d’accord, après que le leader ait sobrement introduit les musiciens. Le point final d’un concert qu’on appréciera en fonction de son humeur viendra avec un autre de leurs tubes, « Rock Lobster ». Seraient-ils mûrs pour figurer au musée du rock ?

L’artiste qui allait terminer la soirée, Daan, a fait l’actualité la semaine dernière, mais pas que pour de bonnes raisons. Pour rappel, lors de sa prestation au festival Linkerwoofer à Anvers, il était complètement saoul au point d’oublier ses textes et d’irriter ses musiciens qui ont finalement décidé de quitter la scène après une demi-heure de concert, laissant le chanteur dans l’embarras et contraint de couper court à sa prestation.

Le ton du communiqué paru en début de semaine nous montrait combien il en avait sur la patate et il allait ce soir faire pas mal d’allusions à cet événement, mais avec tout l’humour qui le caractérise. Ainsi, il arrivera seul sur scène avec sa guitare et interprétera « Parfaits Mensonges » avant de se retourner à la fin du morceau pour se rendre compte que son groupe n’est toujours pas là. Suivront des salves d’applaudissement lorsque les cinq musiciens feront leur apparition avant d’entamer en force « Everglades ». Un peu plus tard, à la fin de « Mes Etats Unis », il changera la fin des paroles, passant de « Trente treize ans et t’as rien compris » en « Trente treize ans et j’ai tout compris ». Chapeau bas.

Il est vrai qu’il a l’air confus, l’ami Stuyvens. Au point de tourner le dos à son look facial négligé en se présentant rasé de près, mais toujours sapé comme un prince et arborant ses légendaires lunettes de soleil. Il va toutefois terminer le concert en chemise, s’effeuillant au fur et à mesure de l’avancement d’un set moins basé sur son dernier album (le très recommandable « Le Franc Belge ») que lors de ses récentes dates en salle. On aura bien entendu droit aux excellents « La Vraie Décadence » et « La Crise » alors que la version café théâtre de « Mélodies Paroles » paraîtra un rien too much aux oreilles des néerlandophones présents qui constituaient tout de même la majorité du public.

Son band est toujours admirablement pro et aucun n’est à mettre en exergue, si ce n’est peut-être la batteuse Isolde Lasoen, vu qu’elle est souvent mise à contribution pour seconder la voix du maître. A leurs côtés, le (contre)bassiste Jean-François Assy est pareil à lui-même, le trompettiste Jo Hermans apporte une touche cuivrée d’une incroyable précision, le claviériste Jeroen Swinnen adoucit les mœurs alors que l’excellent guitariste Geoffrey Burton profite pleinement de son trip.

Au rayon des titres qui ont le mieux fonctionné ce soir, citons le toujours très Johnny Cash « Icon », le particulièrement enlevé « Chemical » (tiré du répertoire de son ancien groupe, Dead Man Ray) et le rare « Jamais Neutral » que ne renierait pas Vive La Fête. D’ailleurs, la période électro du bonhomme a eu la cote, de « Victory » à un énergique « Protocol » en passant par le désormais classique « Swedish Designer Drugs », même si ce dernier n’a pas entièrement profité de la performance d’Isolde.

Au terme de « Housewife » qui a vu Daan se tenir fièrement sur l’ampli à l’arrière de la batterie, le groupe visiblement plus soudé que jamais est venu, bras dessus bras dessous, saluer le public. Quelque chose nous dit que la mésaventure de la semaine dernière leur a fait du bien…

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