DOUR FESTIVAL 2012 (jour 4) : des marécages pour FLAMING LIPS, RAPTURE et SUBWAYS
Bienvenue à GlastonDoury! C’est la pensée qui a traversé notre esprit au moment de fouler la plaine à l’occasion de la quatrième et dernière journée du Dour Festival ce dimanche 15 juillet, en référence au célèbre festival anglais. En effet, on a pénétré sur un site désormais marécageux qui imposait le port de bottes au risque de s’embourber ou de perdre l’équilibre. Mais c’est ce qui fait également le charme des festivals… Ceci dit, pas sûr que les courageux campeurs l’aient pris avec autant de philosophie que nous. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs repartis avant la fin des festivités, dégoûtés par les éléments incontrôlables et parfois même en abandonnant leur matériel derrière eux…
Notre première escale de la journée se déroulait sous La Petite Maison Dans La Prairie où les Américains de Red Fang venaient de débuter leur set musclé. Musclé, comme le batteur massif qui donne le tempo ou le trip des deux guitaristes dont les instruments se percutent en permanence. On pense aux Deftones mais les Eagles Of Death Metal ne sont pas très loin lorsque la seconde voix, plus rocailleuse, se met en action. D’ailleurs, l’association des deux donne quelque chose de très captivant. On en oublie même de remarquer que la pluie a cessé de tomber…
Le temps de traverser le site avec Sexion d’Assaut dans les oreilles (enfin, sur la Last Arena…), et une décision importante sera prise. Celle de rester fidèle au ClubCircuit Marquee jusqu’à la fin de la soirée. Un endroit stratégique, bien au sec, à côté du bar et des urinoirs, mais surtout théâtre d’une des programmations les plus intéressantes de l’ensemble du festival. À ce moment, Givers terminaient leur set avec ce hit improbable et coloré qu’est « Up Up Up ». On avait déjà eu l’occasion de les découvrir à la Rotonde l’an dernier mais le peu que l’on en a vu cet après-midi montre qu’ils ont gagné en assurance et qu’il faudra surveiller de près la prochaine visite de Tiffany Lamson et de ses acolytes.
Autre chanteuse et claviériste agréable à regarder, Caroline Polachek, leader bien malgré elle de Chairlift. Il faut dire que son français impeccable lui permet de communiquer aisément avec le public local. Eux aussi ont joué récemment à la Rotonde, à l’occasion de la sortie de leur deuxième album, « Something ». La production de celui-ci (assurée par Dan Carey) ne souffre d’aucune faiblesse. Mais lorsqu’il s’agit de le faire vivre en live, on se rend compte de la tâche plus ardue qui les attend.
Le son, assez mal réglé, ne met pas du tout la voix en valeur et les basses viennent tout gâcher en surplombant l’ensemble. Pourtant, les compositions sont bien ficelées (« Sidewalk Safari », « Wrong Opinion ») mais elles ont vraiment du mal à passer le cap du studio. Si l’on excepte le final imprononçable (« Amanaemonesia ») de très bonne facture, les titres les plus réussis seront les deux hits du premier album, « Evident Utensil » dans une version presque dance pendant laquelle la basse fera des merveilles (comme quoi…) et l’impeccable « Bruises », utilisé à l’époque dans une publicité pour la marque à la pomme. La conclusion s’impose d’elle-même : Chairlift n’est pas encore devenu un groupe de scène…
Baxter Dury, après avoir mis le feu lors des récentes Nuits du Bota, entendait bien remettre le couvert sur la plaine de la machine à feu. Grâce à « Happy Soup », son dernier album en date unanimement accueilli par la critique, il a enfin réussi à se forger un prénom (rappelons qu’il est le fils du célèbre et regretté Ian Dury). Impeccablement sapé et toujours souriant, ce type respire la classe, un peu comme Jarvis Cocker la dégage naturellement. De plus, son petit accent british et sa voix devenue inimitable en font un personnage attachant.
Musicalement, on est dans un registre pop malgré tout, mais construite d’une manière intelligente et de toute façon pas destinée à charmer les hit-parades. Pourtant, dans un monde parfait, il serait sans doute sur le podium, grâce aux subtiles nappes de synthé mais surtout aux chœurs féminins qui apportent un plus indéniable à des compositions déjà très en verve. La majorité de la set-list sera sans surprise piochée dans « Happy Soup », avec une préférence à « Leak At The Disco », « Claire » et « Picnic On The Edge ». Un moment de pur bonheur pour entamer la soirée.
Une soirée qui allait s’enflammer avec les Subways, qui venaient assurer leur set de festival belge annuel en alternance avec les Ardentes depuis 2009. Sauf qu’ils ont désormais sorti un troisième album, « Money And Celebrity ». N’ayons pas peur des mots, il est d’une qualité toute relative et en tout cas infiniment moins accrocheur que leur classique de 2005, « Young For Eternity ». Parlons-en, justement, de groupes qui composent un premier album parfait et qui ensuite peinent à retrouver cet état de grâce lors des échéances suivantes : Bloc Party, White Lies, Franz Ferdinand, Hard-Fi pour n’en citer que quelques-uns. L’accueil généralement réservé aux titres plus récents ressemble bien souvent à de l’indifférence.
Mais les Subways parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et à combler cette lacune par une énergie hors du commun sur scène. Il y a d’abord Billy Lunn, le leader hyperactif qui chante comme s’il s’agissait de sa dernière prestation et qui termine chaque concert dans la foule (il aurait toutefois pu se faire mal ce soir en plongeant du haut d’un des pylônes du chapiteau). La ravissante Charlotte Cooper, véritable sauterelle, n’en finit pas de trimbaler sa basse dans tous les coins de la scène. Et puis, il y aussi le batteur Josh Morgan qui se déglingue les épaules pour être à la hauteur de ses deux camarades de jeu.
Entre « Oh Yeah » et « It’s A Party », pendant une heure, ils ne vont laisser que peu de répit à des spectateurs clairement venus pour célébrer le moment, et la générosité du groupe va faire le reste. « Rock & Roll Queen », « I Want To Hear What You Have Got To Say », « Shake! Shake! », autant de bombes qui vont illuminer le ClubCircuit Marquee. Et même les titres les plus faibles (« Celebrity », « Kiss Kiss Bang Bang ») vont se retrouver transcendés par la conviction de l’ami Billy, qui va ponctuer chacune des chansons en hurlant spontanément un « mirci beaucouww » qui ne fera qu’enflammer davantage le public. Les Subways sont bel et bien une valeur sûre du circuit festivalier et il était d’ailleurs bizarre de ne pas les retrouver sur la grande scène.
Et justement, sur la Last Arena, se produisaient les Flaming Lips, grosse tête d’affiche de cette édition du Dour Festival. Mais le site presque impraticable nous a refroidis, surtout que le dernier album du groupe date de 2009 (« Embryonic ») et que leur set excessivement bien rôdé a déjà été présenté à de nombreuses reprises en Belgique. Bien sûr, c’est toujours agréable d’admirer Wayne Coyne marcher sur le public enfermé dans son énorme ballon transparent, ou voir de petits lutins danser de part et d’autre de la scène ou encore de se faire bombarder de serpentins et de confettis, voire de regarder en gros-plan la tête du chanteur grâce à la caméra qui se trouve au-dessus de son micro, mais non, pas ce soir. De loin, « Yoshimi Battles The Pink Robots » et « See The Leaves » nous ont permis de patienter lorsqu’il était l’heure de se restaurer…
C’est donc avec The Rapture que notre festival allait se terminer. Régulièrement de passage en Belgique ces derniers mois (au Trix et deux fois au Botanique) en support de leur dernier album (« In The Grace Of Your Love »), ils ont réussi à revenir au premier plan, alors qu’on les avait quasi enterrés après un décevant « Pieces Of The People We Love » en 2006. Et leur prestation de ce soir ne sera qu’une confirmation de l’excellent état d’esprit qui anime le charismatique gringalet à la voix enlevée Luke Jenner et ses potes, (dont le batteur se déplace ce soir en béquilles).
Débuté de manière langoureuse par la plage titulaire de leur dernier opus, ils ne vont pas tarder à emballer la machine en rendant leur prestation progressivement groovy, comme leur mentor d’origine (James Murphy de LCD Soundsystem) sait si bien le faire (« Get Myself To It » et sa trompette infernale, « The Devil ») alors que « Whoo! Alright Yeah… Uh Huh » va introduire parfaitement leur hit mondial « House Of Jealous Lovers » qui va retourner le ClubCircuit Marquee. Bizarrement, pour nous, il ne s’agira pas du moment le plus mémorable de leur set. Que du contraire, même. « Olio » ou « Sail Away », voire l’excellent final « How Deep Is Your Love? » bourré de cuivres et de percussions vont davantage nous faire frissonner. On n’est pas près de se lasser de leur genre inimitable faisant se confronter une multitude de courants mais avec un seul but avoué, celui d’affoler les dancefloors.
C’est donc sur une note plus que positive que notre Dour Festival s’est achevé. Les circonstances ont fait que la météo a été le sujet de prédilection des médias pendant ces quatre jours. Mais musicalement, l’affiche était à la hauteur, comme chaque année. Rendez-vous l’an prochain pour fêter un premier quart de siècle dans la bonne humeur. Et sous la canicule, s’il vous plaît…
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Photos © 2012 Olivier Bourgi