Magnifique raid des RIVAL SONS sur l’Ancienne Belgique
Ils avaient été pour moi une des excellentes révélations du festival de Werchter de 2011. Les Rival Sons reviennent en Belgique pour une entrevue beaucoup plus intime avec quelques centaines de spectateurs à l’Ancienne Belgique ce 9 avril. Il va falloir sortir les pantalons à pattes d’éléphant, les colliers indiens et le patchouli car les Rival Sons, bien que contemporains, sont restés coincés dans une faille spatio-temporelle qui ne dépasse pas 1976 et, surtout, leur gros rock tout en feeling bluesy semble avoir été marqué pour le compte par l’enseignement de Led Zeppelin. Jay Buchanan (chant), Scott Holiday (guitare), Robin Everhart (basse) et Michael Miley (batterie) ne sont cependant pas à prendre comme des clones du Zep car ils ont su développer sur leurs deux premiers albums un style qui continue plus la musique héritée du groupe de Robert Plant et Jimmy Page qu’il ne la reproduit sans âme.
Les Rival Sons dans une salle de la dimension de l’Ancienne Belgique, c’est un peu comme si les Foo Fighters venaient jouer dans votre garage : l’ambiance va être garantie. La première partie est assurée par un intéressant groupe belge du nom de Horses On Fire. Devant un parterre clairsemé de 80 spectateurs, le groupe flamand entame son show. Le quatuor a une demi-heure pour convaincre et s’en tire très bien. Il attaque direct sur du mid-tempo velouté taillé à chaud. Il faut dire que, côté guitares, le trio de Gibson d’époque est là pour assurer cette sonorité massive et vintage qui sied si bien au hard rock seventies des Horses On Fire : basse Thunderbird guitares Firebird et ES 335, que voulez-vous de plus ? Le chanteur porte un petit blouson de cuir et affiche une tronche d’aide-comptable, mais l’habit ne fait pas le moine. C’est lui qui anime le show, servi par trois sbires en retrait mais à qui on ne la fait pas. Parce qu’en matière de rock de bûcheron, Horses On Fire a la tronçonneuse facile. Le batteur s’aventure dans des tempos vicieux et fouette ses cymbales comme un automate obsédé. Le groupe monte la sauce peu à peu avec des morceaux de plus en plus rapides. De riffs hargneux en accords puissants, Horses On Fire parvient peu à peu à imposer son rock fort au public. Voici un bon groupe qui fait honnêtement son boulot de chauffeur de salle et qui donne tout ce qu’il a. La set list révélera quelques morceaux laissés sur le côté afin de respecter le carcan temporel de la demi-heure.
Les Rival Sons font irruption sur scène à 21 heures tapantes. Sous les vivats d’une foule réduite à 700 personnes en configuration box (les balcons sont fermés), les Californiens entament un set qui va laisser tout le monde pantois. Le groupe a concocté une set list qui fait la part belle au nouvel album « Pressure and time » (sept titres) mais qui n’oublie pas non plus le premier album « Before the fire » (trois titres) et surtout le magnifique EP « Rival Sons » (quatre titres sur six, mais sans l’incroyable « Radio », malheureusement). Sur scène, le matos en dit long sur les obsessions d’authenticité seventies du groupe : colonnes d’amplis Orange, guitare Fender Jazzmaster, basse Fender Precision qui a connu Billy Cox, et également une Gibson Firebird bleu acier qui va ordonnancer la majeure partie du show, entre les mains du redoutable Scott Holiday. Et n’oublions pas la batterie Aquarian orange qui va subir les coups colossaux d’un Michael Miley en forme toujours olympique après plus d’un mois de tournée en Europe.
Les Rival Sons en sont en effet à leur avant-dernier concert de leur tournée européenne débutée il y a un mois en Grande-Bretagne. Après avoir écumé jusqu’au dernier hameau anglais, le groupe est allé faire valoir ses droits en Scandinavie avant de soumettre les Pays-Bas, puis la Belgique et enfin la France. Après ce périple, force est de constater que le groupe tient toujours une forme de gymnaste roumain copieusement traité à l’EPO. J’ai devant moi, pile en face, un Jay Buchanan qui semble être né d’un improbable mélange entre le Ozzy Osbourne de 1970 (pour l’apparence générale), un Jim Morrison pas encore abruti aux drogues (pour le visage de face) et un Robert Plant au mieux de sa forme (pour les mimiques gestuelles). L’œil vague (est-il stoned ?), carburant au vin rouge et ne quittant pas sa veste en cuir estampillée 1972, l’homme chante en tenant son micro éloigné, conscient des performances de sa formidable voix. À ses côtés, le guitariste Scott Holiday exécute des solos aberrants à la slide, habillé de son petit costard à rayures qui lui donne l’air d’un mafieux hippie ou d’un membre de ces légendaires groupes psychédéliques américains des Sixties, Left Banke ou Strawberry Alarm Clocks en tête. Le bassiste, habillé comme un plouc du Dakota du Nord, assure une rythmique aussi solide que le cours de la Livre Sterling et le batteur se rue sur ses fûts en se tenant droit comme un i, aussi fier que Ben-Hur sur son char.
Au cours de ce show magistral, les Rival Sons vont revisiter leurs meilleurs morceaux en leur donnant un aspect encore plus fabuleux qu’en studio. « Tell me something » est absolument énorme, révélant un Scott Holiday furieux sur le manche, multipliant les glissandos terrifiants à grandes rasades de bottleneck. Mais ce n’est pas tout. Au fur et à mesure que l’on avance dans le show, les Rival Sons sortent de leurs poches des atouts de plus en plus imbattables. « Sleepwalker » et « Get what’s coming » viennent passer des savons électriques et psychédéliques imparables. « Pressure and time » (et son riff qui rappelle immanquablement le « Out on the tiles » de Led Zeppelin) est littéralement biblique. Quant à « Soul », c’est un condensé ultime de ce que peut donner le groupe dans la grandeur blues et soul. Là-dessus, le chant de Jay Buchanan laisse remonter de temps à autre des bouts du fantôme de Janis Joplin qui lui franchissent le larynx. Les solos anthologiques et les interactions surhumaines entre la voix et les instruments terminent de faire de ce morceau un des clous du spectacle.
Mais on ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Le final du show des Rival Sons est tout simplement dantesque. Le groupe attaque « I want more », qui ne tarde pas à glisser vers une improvisation déverrouillant les canaux blues et laissant affluer des reprises zoroastriennes de « Baby please don’t go » des Them et du souverain « Oh well » de Fleetwood Mac. Cette razzia sur les classiques du blues anglais subit les contre-attaques des propres compositions des Rival Sons. « Save me » intervient et aplatit le public encore une fois, avant que « I want more » ne revienne achever une performance aux côtés de laquelle un rappel ferait bien pâle figure. C’est ainsi que les Rival Sons terminent un concert aussi puissant que cylindré, aussi massif que fabuleux. Mes pensées vont à tous ceux qui n’étaient pas à l’Ancienne Belgique ce soir, puissent-ils quand même trouver le réconfort.
Set list : Torture / Burn down Los Angeles / Gypsy heart / Face of light / Tell me something / Sleepwalker / Get what’s coming / On my way / All over the road / Young love / Pressure and time / Soul / I want more / Baby please don’t go / Oh well / Save me / I want more (reprise)
De tout mes concerts depuis mes 14 ans (j en ai 50) Les Doctor Feelgood et Rivaval Sons tiennent le haut du pavé
On ressent dans ce groupe une bonne base de blues
Votre article est tres bon