LOKERSE FEESTEN 2011 : PRIMAL SCREAM, 20 ans de Screamadelica
Cela fait quelques années maintenant que les Lokerse Feesten ont évolué du statut de kermesse aux boudins vers celui de festival majeur du milieu de l’été à l’affiche éclectique et de qualité dans une atmosphère bon enfant. La 37e édition ne déroge pas à la règle et proposait en guise de première soirée ce vendredi 29 juillet un melting-pot de styles avec notamment Primal Scream et Goose. Question. Qui de Selah Sue, d’Arsenal ou de Das Pop obtiendra le trophée du plus grand nombre de participations aux festivals durant l’été 2011 ? La question reste posée mais en tout cas, ils ajouteront tous un point à leur tableau de chasse dans les dix prochains jours. Et c’est le groupe gantois qui a eu le privilège d’inaugurer la scène devant un parterre de spectateurs déjà bien garni. Le leader Bent Van Looy, toujours aussi maigrelet, arbore désormais une moustache rétro et porte ce soir un costume jaune et une paire de lunettes à la limite du ridicule. Ceci dit, rien de bien surprenant pour un type qui a joué à l’époque à Werchter en tenue de joueur de tennis des années 70.
Musicalement, on ne peut que tracer un lien direct entre le nom du groupe et la teneur de leurs compositions. Avec la triste impression qu’ils finissent par tourner en rond. Pourtant, on avait craqué sur leur premier album en 2000 et classé « You » dans notre top 10 des singles de l’année 2003. Leur set, largement similaire à celui de Dour voici une quinzaine de jours, a logiquement fait la part belle aux titres du nouvel album (« The Game ») sorti il y a peu. Mais sans nous convaincre réellement. Tout au plus regarderons nous avec amusement les spectateurs faire joujou avec les deux énormes dés à jouer que le chanteur balancera dans le public vers la fin du set. Au Pukkelpop, il y a de grandes chances pour que l’on fasse l’impasse et que l’on aille plutôt applaudir Yuck.
Entre-temps, le nuage sombre qui planait sur Lokeren a laissé s’échapper de grosses gouttes, obligeant qui à ouvrir un parapluie, qui à trouver un refuge pour s’abriter. À notre grand désarroi, la pluie a bien été le dénominateur commun de tous les festivals belges de juillet cette année. L’occasion de nous rapprocher plus facilement de la scène pour nos véritables têtes d’affiche du jour, en l’occurrence Primal Scream. Ils avaient déjà joué ici voici deux ans mais aujourd’hui, le spectacle qu’ils proposent se veut différent puisque cette année, ils commémorent le vingtième anniversaire de la sortie d’un de leurs albums majeurs, « Screamadelica ». Ressorti en édition Deluxe plus tôt dans l’année, c’est aussi sur scène que le groupe de Bobby Gillepsie se replonge dans son passé.
Bien que pas toujours aisé d’accès, il s’agit d’un album majeur du début des années 90. Un album qui, dans la foulée des Stone Roses et autres Happy Mondays, a le mieux réussi à établir le crossover entre le rock et la dance dans tous les sens du terme, y incorporant même les drogues réservées jusque là aux ravers. À ce propos, on a l’intime conviction qu’ils ont joué le jeu à fond en se nourrissant des pilules qui émaillaient leur quotidien il y a vingt ans. En tout cas, Bobby Gillepsie a l’air un rien allumé, lui qui porte une veste couleur aluminium et des cheveux longs comme à l’époque. Les musiciens autour de lui présentent également un état légèrement imbibé (mention au bassiste Mani, ex des précités Stone Roses).
Curieusement, au contraire des Pixies à Forest National (« Doolittle »), de Therapy? à l’AB (« Troublegum ») et plus récemment de Mercury Rev au Cirque Royal (« Deserter’s Songs »), ils ne vont pas jouer l’album dans l’ordre des plages, ni même dans son intégralité. Pourtant, on le pensait puisque le Stonien « Movin’ On Up » a entamé les débats dans une excitation palpable, avant que le très psyché house « Slip Inside This House » ne nous plonge dans leur trip caractéristique et que « Don’t Fight It, Feel It » ne mette en avant les talent vocaux de l’impressionnante choriste black. De son côté, Bobby Gillepsie, peu loquace, va passer une bonne partie du set tout au bord de l’avancée de la scène.
Visuellement, les projections par moment hallucinatoires déclinées au départ de la pochette colorée de l’album permettent de s’évader sans trop forcer et de déceler des directions inexplorées, comme sur les très longs « Higher Than The Sun » et « Come Together », même si ce dernier avait tendance à se perdre en cafouillage au fil des minutes. A côté de cela, leur hit « Loaded » va bien entendu récolter le plus de suffrages, même si le rôle vocal du chanteur est quasiment réduit à sa plus simple expression. La fin du set va prendre une direction radicalement différente du thème initial puisqu’ils vont jouer une sorte de medley nettement plus rock avec « Country Girl » (que l’on n’attendait pas trop) ainsi que les excellents « Jailbird » et « Rocks ». Ceci dit, on aurait plutôt vu un titre comme « Swastika Eyes » ou « Miss Lucifer » pour établir la jonction avec la suite de la soirée…
Une suite de la soirée qui allait d’abord s’avérer sans grand intérêt avec Kelis. La diva r’n’b allait en effet donner un set tout à fait dispensable à un public qui, pourtant, était prêt à faire la fête. Vêtue d’une combinaison moulante en imitation peau de léopard et coiffée d’un haut de forme, elle a tenté tant bien que mal d’occuper un espace bien trop large pour elle. À ses côtés, un batteur et une claviériste fournissent la base mélodique mais ont tendance à en faire un peu trop. De plus, sa voix caractéristique parait bien trop parfaite et on se demande toujours si une partie des vocaux ne serait pas assurée en playback… Elle a aligné les hits (« Trick Me », « Acapella »,…) en ignorant bizarrement « Caught Out There », le titre avec lequel elle s’était révélée en 2000 et pendant lequel elle aurait pu se défouler franchement. À définitivement ranger dans la catégorie concert loupé.
Restait enfin Goose, qui nous avaient déjà bien plu à Werchter et qui n’en finissent pas de se bonifier au fil des concerts. Leur deuxième album, « Synrise », sorti fin d’année dernière, a essuyé pas mal de critiques et ils ont dès lors mis un certain temps avant de pouvoir l’imposer. À leur décharge, il était évidemment très compliqué de succéder à une bombe comme « Bring It On », un premier opus tout simplement parfait. Mais à force de persévérance, de conviction et de prestations live d’une grande intensité, ils ont réussi à inverser la tendance.
D’un point de vue musical d’abord (l’intro tout en crescendo de « Synrise » vaut à elle seule le déplacement et installe d’emblée une atmosphère festive qu’il est difficile de contrer). Mais on se rend surtout compte des perles orientées dancefloors qui ont émaillé leur set (« Can’t Stop Me Now », « As Good As It Gets », « British Mode »,…). D’autant plus que tout est joué en live et qu’une guitare ou une basse (excellente soit dit en passant) rendent une chaleur que l’électronique n’est pas encore prête d’égaler. Visuellement ensuite, avec cette sorte de pyramide composée de tubes néon qui surplombent la batterie et qui s’illuminent de concert avec des effets lasers d’une redoutable efficacité. Quant à « Words » qui a clôturé les rappels, il s’agit peut-être là de l’hymne de la soirée. Finalement, la tête d’affiche de cette première journée n’était peut-être pas là où on l’attendait vraiment…
Pour ce qui est du trophée du « plus grand nombre de participations à des festivals 2011 », c’est bizarre d’oublier Triggerfinger (j’ai l’impression qu’ils sont partout!).