ATOMIC BITCHWAX, Naam, Quest For Fire, Mirror Queen, 4 groupes du label Tee Pee Records en tournée
Tee Pee Records est un label américain spécialisé dans le stoner. À ce titre, il a déjà édité quelques belles pointures de la profession, dont Nebula, High On Fire, Witch ou Karma to Burn. L’un des groupes les plus représentatifs de cette maison est Atomic Bitchwax, formation du New Jersey qui usine un stoner agile et athlétique depuis maintenant presque une vingtaine d’années. À l’occasion de la sortie du cinquième album d’Atomic Bitchwax, «
The local fuzz« (qui se contente d’afficher un seul morceau instrumental de 42 minutes, accrochez-vous), le label Tee Pee a assemblé une armée de quatre groupes en partance pour une tournée européenne : Mirror Queen, Quest For Fire, Naam et bien sûr l’Atomic Bitchwax. Ces chahuteurs de riffs fumants ont donc débarqué sur le vieux continent début avril et ont visité l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, les Pays-Bas, la France, l’Italie sans oublier la Belgique, qui voit arriver la caravane en fin de parcours après trois semaines de route bien remplies.
Les choses se déroulent le 26 avril à Anvers, dans le club du Trix, qui affiche une capacité de 432 personnes (comme c’est écrit à l’entrée) mais qui se retrouve pour l’occasion réduit de moitié par la présence d’une cloison qui va amener la capacité d’accueil à tout juste 80 personnes. Ici, le stoner rock garde son côté underground, n’attirant que le strict minimum de connaisseurs, ceux qui ont compris que le salut du monde est dans la musique et non dans le football. Avant le concert, nous avons eu l’occasion de rencontrer Chris Kosnik, leader d’Atomic Bitchwax, qui a bien voulu nous accorder une interview dont on pourra découvrir le contenu dans un très proche avenir. Cette sympathique discussion nous permet quand même de retrouver la scène du Trix alors que le concert du premier groupe Mirror Queen bat toujours son plein, le concert ayant débuté à 19h45.
Mirror Queen est né des restes du groupe Kreisor, dirigé par Kenny Kreisor, un natif de New York ayant passé son enfance sous les berceuses de Deep Purple, Blue Oyster Cult et Hawkwind, groupes dont on retrouve nettement les influences sur «
From Earth below« , premier album du groupe.
Sur scène, il faut cependant admettre que le groupe est moins percutant que sur album. Les musiciens restent statiques, déroulant leur show à une allure bonhomme, sans pousser le bouchon trop loin. Kenny Kreisor est un petit guitariste brun jovial tandis que le guitariste rythmique Steve Austin est un grand blond taciturne. Les morceaux de leur premier album servent d’apéritif au petit attroupement de spectateurs présents et le groupe termine avec une reprise du « Mesmerization eclipse » de Captain Beyond transformée en ode psychédélique.
On monte un petit cran avec Quest For Fire, qui aborde la scène à 20h55. Ce groupe canadien issu du défunt combo The Deadly Snakes est formé autour d’Andrew Moszynski (guitare), Chad Ross (guitare, chant), Mike Maxymuik (batterie) et Josh Bauman (basse). Le credo de Quest For Fire, c’est le psychédélisme à forte puissance électrique, que l’on pourrait situer entre les Red Sparowes et Black Mountain, petits maîtres de l’underground canadien pour qui Quest For Fire a d’ailleurs fait quelques premières parties.
Ce que l’on entend sur scène est la juste reproduction des propos du premier album « Quest for fire », alternance réussie entre langueurs telluriques et bravades électriques cinglantes. Sur scène, le groupe vole doucement autour de cratères qu’il réveille parfois avec de puissantes accélérations aériennes. Le bassiste est un chauve à la barbe façon ZZ Top qui manipule une Gibson EB3 qui a connu Jimi Hendrix. Le batteur agite les bras de façon étrange mais sa frappe contient tout ce qu’il faut de protéines pour taper là où ça fait mal. Quest For Fire se révèle plus convaincant, plus volatile et plus zoroastrien que Mirror Queen, en tout cas sur scène.
Nouvelle poussée de manette vers le niveau supérieur, lorsque Naam fait son apparition à 21h50. Ce trio vient de Brooklyn, comme c’est écrit sur les amplis et les housses des guitares du groupe. Naam donne dans le rock psychédélique lourd et le message qu’il a inscrit sur son site internet est des plus parlants : « Dégoûtés par le manque de rock ‘n’ roll psychédélique lourd, nous délivrons notre sermon assourdissant pour apporter une nouvelle aube à la civilisation. Les vastes mers ne peuvent nous noyer, les cavernes les plus sombres ne peuvent nous enfermer. Nous conquerrons d’insurmontables ennemis. Nous sommes la guerre, nous sommes la paix, nous sommes le temps et l’espace. Nous sommes infinis, nous sommes Naam ». Bon, très bien, on le note. Mais derrière ces sauveurs de la civilisation, qui trouvons-nous ? Un petit bassiste hirsute directement sorti d’un chapitre de bikers du sud californien, un batteur malingre et sauvage à la beauté issue du croisement entre Lemmy Kilmister et Vincent Cassel et un guitariste au front bombé, sosie de Vincent Crane.
Cette troupe au look interlope va enterrer le public sous un show abrasif, mélange de psychédélisme rugueux et de métal cosmique. Les titres de leur premier album sont débités au petit trot et se révèlent tout à fait convaincants. Le bassiste exécute une danse de la pluie agitée en faisant rugir son instrument comme les canons de Navarone. Le guitariste manipule une superbe Stratocaster blanche dont il sort des sonorités métalliques planantes. Le batteur bétonne des rythmiques cosmiques et mécaniques. On est ici proche des mythiques Blue Cheer par la puissance du son et les envolées psychédéliques redorées à la testostérone. Au fur et à mesure que le show se déroule, on s’aperçoit que Naam nous concocte de la sidérurgie tantrique en coulée continue. Le dernier titre du show est une montée vers l’Everest exécutée par des bonzes chargés d’électricité spirituelle. Incontestablement la révélation de la soirée.
Et le mot de la fin revient à Atomic Bitchwax qui a fait ses petits branchements et est en mesure de commencer son show à 23h10. Chris Kosnik (basse et chant), Finn Ryan (guitare et chant) et Bob Pantella (batterie), sont des vieux routiers du stoner de la Côte Est. Kosnik était dans Godspeed au début des années 1990 avant qu’il ne fonde le Bitchwax en 1993 avec Ed Mundell, ancien guitariste de Daisycutter qui tenait aussi le manche dans Monster Magnet, qu’il rejoint définitivement en 2002. Kosnik était également en charge de son projet parallèle Black Nasa avec qui il grave deux albums en 2002 et 2004. On trouve Finn Ryan dans Core, avant qu’il ne remplace Ed Mundell en 2002. Quant à Bob Pantella, c’est également un membre de Monster Magnet qui partage son temps entre Atomic Bitchwax et le mythique groupe de Dave Wyndorf. Avec de tels CV, il ne faut pas s’étonner de voir dans les membres du Wax de véritables tailladeurs de riffs et des princes consorts de la rythmique nourrie aux amphétamines. Après un quatrième album plutôt mélodique, voire pop en 2009, Atomic Bitchwax a retrouvé ses instincts carnassiers avec « The local fuzz », un invraisemblable album composé purement et simplement d’une seul titre de 42 minutes, articulé autour d’une cinquantaine de riffs différents. Ce genre de prouesse est un exercice apprécié des musiciens stoner. Pour preuve, souvenons-nous du titre « Jerusalem » du groupe Sleep, qui alignait en 2000 un morceau de 52 minutes tout en doom massif et inquiétant. Et je ne vous parle pas de Sunn (((O))) et de ses riffs monolithiques étendus sur plusieurs dizaines de minutes.
Bref, on retrouve ici tous les ingrédients qui font d’un show d’Atomic Bitchwax un grand moment d’éclate et de fun débridé. Les choses démarrent en trombe avec « Stork theme », premier morceau du premier album de 1999. Et ensuite, c’est le grand huit électrique qui nous tombe dessus. Les hommes du Wax jouent vite, très vite. Finn Ryan sort des ondulations électriques imparables tandis que les doigts de Chris Kosnik galopent sur les cordes de sa désormais légendaire basse bleue. Pantella est souverain derrière les fûts, rafalant sans pitié, toujours sur la brèche, à l’affût de la moindre occasion de pilonner peaux et cymbales dans des attaques nerveuses et rapides. Le public est conquis d’office, les premiers rangs délirent en headbanguant comme des maudits sur les amplis de retour. À un moment donné, Chris Kosnik invite sur scène des membres des autres groupes Naam, Quest For Fire et Mirror Queen pour une version anthologique de « Hope you die », encore un morceau du premier album. Question setlist justement, le groupe offre un mélange équilibré de ses quatre albums, avec en final un « extrait » de « The local fuzz », soit les vingt premières minutes jouées à bride abattue et dans un élan marathonien. Après une heure de show pied au plancher, le groupe revient pour un rappel basé sur la reprise de « Pigs » de Pink Floyd (que l’on trouve sur l’album « Animals » de 1977, un disque à redécouvrir). Voilà un autre aspect de l’Atomic Bitchwax qui est assez intéressant : ce groupe aime rendre hommage à ses illustres prédécesseurs. Il a repris AC/DC, Aerosmith, Deep Purple et Pink Floyd sur ses différents albums.
À l’issue de ces 70 minutes de concert bien trempé et à la fin de cette soirée mémorable consacrée au stoner ricain de la Côte Est, il n’y a plus qu’à tirer une conclusion très simple : le riff, c’est la santé.
Tout pour l’atome.
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Photos © 2011 Bernard Hulet