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Un soir au Domino Festival avec Rain Machine et Fool’s Gold

Evénement avant-gardiste par excellence, le Domino Festival respecte aujourd’hui plus que jamais la ligne de conduite que ses organisateurs se sont imposées depuis les origines, en proposant la découverte de groupes au profil pas encore tout à fait établi mais qui méritent clairement le détour. Ainsi, après quasi quinze ans, on peut faire confiance à leur flair, comme le démontre l’affiche pointue de ce samedi 10 avril, avec Rain Machine, Fool’s Gold et The Strange Boys… En principe, tout aurait même dû débuter un peu plus tôt car le bidouilleur électro Kelpe était également invité mais il a été contraint de décliner l’invitation en dernière minute pour raisons familiales. Dommage, car ses beats softs intelligemment distillés et ses atmosphères planantes auraient constitué la rampe de lancement idéale de ce début de soirée. A la place, les haut-parleurs diffusaient le futur album de Jamie Lidell

C’est donc The Strange Boys qui a eu le plaisir d’entamer les débats. Quatre bonhommes pas bizarre pour un sou, et même parfaitement en forme alors qu’ils avaient passé plusieurs heures dans les embouteillages entre Rotterdam et Bruxelles, leur laissant peu de temps pour se restaurer et peaufiner les soundchecks. Le chanteur a le physique d’un Peter Doherty sobre, ainsi que sa voix écorchée légèrement saccadée lorsque le tempo se ralentit. En revanche, sur les compositions plus nerveuses, on a l’impression d’entendre Caleb Followill des Kings Of Leon.

Bien heureusement, leur style musical se trouve à mille lieues du quatuor de Nashville car ici, on est dans du folk country rock travaillé et limpide à l’oreille. Les titres courts, précis et entraînants se suffisent à eux-mêmes et l’utilisation sporadique d’un harmonica amplifie encore un peu plus la sensation de se retrouver au beau milieu des grands espaces américains. C’est tout à la fin du set qu’ils ont annoncé leurs origines: Austin, Texas. Bin oui, cela semblait évident et tout a directement pris un sens…

La suite allait se révéler radicalement différente et surtout particulièrement excellente, avec Fool’s Gold, un groupe de Los Angeles qui commence à sérieusement faire parler de lui. Contrairement à ce que son nom laisse supposer, il ne s’agit en rien d’un hommage aux Stone Roses. Bien au contraire, si on devait résumer le résultat en quelques mots, on opterait pour Vampire Weekend qui aurait écouté du raï plutôt que les productions du label Real World. Cela dit, cette description tout à fait incomplète ne laisse absolument pas imaginer la puissance dansante des compositions du groupe, qui prennent tout leur sens sur une scène. En effet, les versions en live se retrouvent allongées, réarrangées et bonifiées par rapport à celles qui se trouvent sur leur premier album éponyme.

A six sur scène (apparemment, ils sont déjà montés à douze pour un concert à Paris), ils utilisent des instruments exotiques (maracas, marimbas, tam-tam,…) mais également un saxophone ou une flûte traversière pour un mélange d’influences aussi efficace qu’inattendu. On a l’impression de parfois assister à une jam session à la différence près que cela ne dérape jamais, même si le chanteur adopte des intonations orientales et chante régulièrement en hébreu (« Ha Dvash »). Leur single « Surprise Hotel » a mis le feu et encouragé le public à se dandiner franchement, à l’image de leur claviériste, véritable homme élastique qui se bouge un peu à la manière de Johnny Clegg dans les années 80. Un très bon moment, donc, surtout que tout est joué en live et que l’on pourrait, après les avoir vus sur scène, les comparer à du LCD Soundsystem afro-tropical.

Et en parlant d’afro, la coiffure de Kyp Malone, le chanteur de TV On The Radio qui était présent avec son projet parallèle Rain Machine, n’est pas mal dans le genre non plus. Tout comme sa longue barbe entre ZZ Top et le Père Noël qui masque complètement sa bouche. Un Kyp Malone tellement massif que sa guitare paraît minuscule entre ses bras. Il est en fait l’initiateur du projet et a enregistré presque tout seul le premier album (« Rain Machine ») alors que son groupe principal mettait momentanément un terme à son activité.

Pour les concerts, il s’entoure donc de musiciens choisis sur le volet. Eux aussi se produisent à six, dont une violoncelliste à l’archet envoûtant et une claviériste à l’accoutrement péruvien qui assure les chœurs d’une manière impressionnante, comme sur le morceau d’intro, « Desperate Bitch ». La marque de fabrique de Rain Machine, ce sont des morceaux (très) longs qui finissent par lasser sur disque de temps à autre, mais qui prennent une telle intensité en live qu’il est presqu’impossible de s’ennuyer. Sauf l’interminable « Winter Song » qui clôturera le set et qui verra partir bon nombre de spectateurs ne supportant plus le désagréable final stroboscopique. Mais exception faite de ce titre, le reste prend une tournure nettement plus nerveuse et les parties de guitares sont légion et on voit les musiciens prendre leur pied à chaque fois que les décibels s’emballent, comme sur le surprenant « Leave The Lights On » à tendance très rock, ou sur le bordélique « Give Blood ».

On retrouve bien entendu ce qui fait la force de Kyp Malone, c’est-à-dire sa voix modulable à souhait et avec laquelle il joue sans arrêt. Une voix qui peut prendre une tournure calme et gospel pour ensuite devenir agressive et à la limite de l’explosion, le tout en quelques secondes et au sein de la même composition. Mais malgré toutes ces références, il manque le petit quelque chose, la magie qui fait que les concerts de TV On The Radio s’apparentent à des prestations mémorables. Et que Rain Machine n’a pas. Ou pas encore. Seul l’avenir nous l’apprendra…

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