YOUNG (Neil) & CRAZY HORSE – Barn
Le monde change, le monde est en perpétuelle ébullition tout le temps mais il y a une chose qui ne change pas : les deux albums annuels de Neil Young. Depuis bien plus d’un demi-siècle, l’ombrageux Canadien aligne les albums, géniaux, excellents, bons, moins bons ou médiocres, avec une régularité d’horloge jurassienne et oblige ses fans à rajouter sans cesse de nouvelles planches dans la discothèque qui lui est consacrée.
Il peut se passer tout et n’importe quoi dans le monde, épidémies, attaques terroristes, invasion de Chinois, guerres mondiales, météorites, reformation de Genesis, toutes les calamités possibles, Neil Young s’en fout. Il est dans son studio, il écrit ses chansons, il y a toujours un calendrier de 1972 affiché au mur. Parfois, il descend dans sa cave pour sortir une vieille caisse en osier pleine d’enregistrements inédits et il ajoute à son nouvel album de l’année un disque d’archives ou un inédit qu’il avait oublié de sortir à l’époque parce que son manager était parti en vacances à ce moment-là.
Ainsi, depuis l’excellent ʺPsychedelic pillʺ de 2012, le bon Neil nous a abreuvé en nouveaux disques avec ʺA letter homeʺ (2014), ʺStorytoneʺ (2014), ʺThe Monsanto yearsʺ (2015), ʺPeace trailʺ (2016), ʺThe visitorʺ (2017), ʺParadoxʺ (2018), ʺColoradoʺ (2019) et ce ʺBarnʺ (2021). On vous épargne les dix albums live, dont neuf d’archives, sortis depuis 2012 et on signale les disques d’archives studio, à savoir ʺHitchhikerʺ (2017), ʺHomegrownʺ (2020) et ʺSummer songsʺ (2021). Voilà. Et pendant ce temps-là, Metallica se gratte la tête pour savoir s’il va sortir le nouvel album que tout le monde attend depuis six ans…
On n’a pas décrit toute la discographie de Neil Young depuis son premier album en 1968, sinon on devrait écrire une chronique à épisodes. Mais il est toutefois utile d’aller vérifier la liste des albums de Neil Young de temps en temps, ça permet de faire le point sur les plus récents qu’on a ratés. Personnellement, je viens de m’apercevoir qu’il m’en manquait encore deux ou trois de ces dernières années.
Mais j’ai attrapé au passage ce dernier album ʺBarnʺ et je me dépêche de le chroniquer avant qu’un nouvel album sorte et le surclasse. Si j’ai pris la peine d’écrire quelques lignes sur cet album, c’est qu’il en vaut finalement la peine et il pourrait bien être le disque le plus convaincant depuis ʺPsychedelic pillʺ. Neil Young a convoqué ses vieux complices du Crazy Horse pour enregistrer quelques chansons en droite ligne de l’inspiration la plus youngienne qui soit. La grosse nouveauté dans cet ensemble est la présence à la guitare de Nils Lofgren à la place de Frank Sampedro. Ce n’est pas trop surprenant quand même, étant donné que Nils Lofgren est un collaborateur régulier de Neil Young, soit dans sa carrière solo, soit dans les rangs de Crazy Horse. Mais pour le reste, les autres membres du Cheval Fou, Ralph Molina (batterie) et Billy Talbot (basse), sont bien fidèles au poste.
Côté compositions, il n’y a pas de grosses surprises mais le charme du disque réside dans le fait que Young et ses hommes savent toujours écrire et interpréter de belles chansons, même si le tout est prévisible à 10 kilomètres à la ronde. La voix chevrotante de Neil Young se promène dans une vision schizophrène des choses, le Neil des champs et le Young des villes se confrontent dans des joutes faisant alterner le paisible harmonica (ʺSong of the seasonsʺ, ʺChange ain’t never gonnaʺ, ʺShape of youʺ, ʺThey might be lostʺ, ʺTumblin’ thru the yearsʺ) et la redoutable guitare surchargée en gros riffs (ʺHeading Westʺ, ʺCanericanʺ, ʺHuman raceʺ). Le groupe tente une sortie en dehors du format des trois ou quatre minutes habituellement disponibles par morceau pour s’aventurer dans un slow blues aride néanmoins riche en beaux effets (ʺWelcome backʺ), avant de finir sur une touche de niaiserie hippie avec ʺDon’t forget loveʺ.
Même si le vieil aigle vole moins haut qu’avant, il garde quand même un beau déploiement d’ailes et il fait encore planer sa vieille carcasse au-dessus de notre monde confus. Quand un type de 76 ans juge encore utile de sortir un album où il nous donne toujours sa vision inamovible des choses, il n’y a qu’une seule chose à faire : l’écouter.
Le groupe :
Neil Young (chant, guitare, piano, harmonica)
Nils Lofgren (guitare, piano)
Billy Talbot (basse et chœurs)
Ralph Molina (batterie et chœurs)
L’album :
ʺSong of the Seasonsʺ (6:04)
ʺHeading Westʺ (3:22)
ʺChange Ain’t Never Gonnaʺ (2:53)
ʺCanericanʺ (3:12)
ʺShape of Youʺ (2:56)
ʺThey Might Be Lostʺ (4:32)
ʺHuman Raceʺ (4:14)
ʺTumblin’ Thru the Yearsʺ (3:20)
ʺWelcome Backʺ (8:28)
ʺDon’t Forget Loveʺ (3:49)
https://www.facebook.com/NeilYoungRepriseRecords
Pays: US/CA
Reprise
Sortie: 2021/11/26