XIU XIU – Ignore grief
On retrouve le chemin tourmenté de Xiu Xiu, combo post-électro avant-gardiste, noisy et bruitiste dont les idées révolutionnaires proviennent du cerveau légèrement agité de Jamie Stewart. Ce Californien qui vient de fêter ses 45 ans vient d’une famille de musiciens. Son père, Michael Stewart (1945-2002) a notamment joué dans des groupes psychédéliques, folk et country dans les années 60, chez We Five ou West, principalement. Son oncle John Stewart (1939-2008) était aussi un folkeux, ayant eu une longue carrière à partir de 1968. Jamie Stewart a participé à de nombreux projets depuis une vingtaine d’années, comme le noise rock de 7 Year Rabbit Cycle, l’avant-folk de Blue Water White Death en 2010, l’éphémère groupe de synthpop Former Ghosts en 2009-2011, le dark ambient de HEXA, l’indie rock d’IBOPA (dissous en 1999), la poésie sonore de Sal Mineo, l’expérimental de Teen Plaque, le court combo expérimental Ten In The Sweat Jar au début du siècle ou l’association avec les Italiens de XXL, avec Angela Seo, qui figure dans Xiu Xiu.
Avec Xiu Xiu, Jamie Stewart a un rythme de stakhanoviste. Les albums sortent à la cadence d’un ou deux par an, avec toutes sortes de points de vue, des remixes ou du spoken word se rajoutant sur des œuvres déjà existantes. Suivre la carrière de Jamie Stewart et de Xiu Xiu nécessite quasiment une équipe de recherche payée à plein temps. De notre côté, nous avons eu l’occasion de déjà chroniquer les albums ʺForgetʺ (2017) et ʺGirl with basket of fruitʺ (2019).
La formation actuelle de Xiu Xiu se monte à trois personnes, avec l’arrivée à la batterie de David Kendrick, qui s’est fait un petit nom dans la profession. Ce garçon participe à plusieurs groupes pop et new wave dans les années 1980, dont The Continental Miniatures (1979), The Breakers (un single en 1981), les Gleaming Spires (trois albums new wave entre 1981 et 1985) ou les Visiting Kids (un album pop en 1990). Mais c’est sans doute avec Devo qu’il participe au combo le plus fameux de sa carrière. C’est par le biais de Bob Mothersbaugh, frère de Mark et Jim qui ont fondé Devo, que David Kendrick arrive chez les post-punks de l’Ohio en 1987 pour y rester comme batteur jusqu’en 1990.
La présence d’un vétéran des années 80 dans un groupe comme Xiu Xiu continue de donner du cachet authentique à ce groupe qui ne recule devant rien pour expérimenter des sons aventureux. Le nouvel album ʺIgnore griefʺ ne déroge pas à la tradition et se pose en cheminement complexe et tortueux au pays du son avant-gardiste. Dès le premier morceau ʺThe real chaos cha cha chaʺ, l’ambiance est posée, avec des flashs électroniques et des bruits divers illustrant une tonalité dramatique et le chant pleureur d’Angela Seo, qui dégouline en une longue plainte funéraire. ʺ666 photos of nothingʺ, au titre clair, met en œuvre des grandes orgues en mode anarchique et pourrait être une parfaite musique de films d’épouvante dont le réalisateur serait devenu fou. Il ne faut pas chercher à comprendre la signification de certains titres, comme ʺEsquerita, Little Richardʺ, qui n’a bien sûr rien à voir avec une reprise de Little Richard mais donne plutôt dans la respiration haletante d’une musique électronique inquiétante et angoissante. ʺTarsier, Tarsier Tarsier, Tarsierʺ possède aussi un titre bien louf et délivre une musique toute aussi dérangée, avec un chant délicat touché par une grâce morbide qui refilerait la frousse à un sergent-chef des commandos de l’armée nord-coréenne. De nombreux invités s’affairent autour de violons, violoncelles, piano, saxophone, contrebasse ou flûte pour complexifier davantage des compositions déjà bien difficiles à suivre.
L’ambiance décalée et futuriste occupe donc cet album assez dramatique dans son esprit et est difficilement discernable si on est un fan de Lynyrd Skynyrd ou de Beyoncé. Les amateurs de choses musicales se tenant en dehors de la normalité sauront toutefois trouver du charme à cette œuvre tourmentée.
Le groupe :
Jamie Stewart (chant, guitare, synthétiseurs, programmation)
Angela Seo (synthétiseurs, claviers, percussions)
David Kendrick (paroles, percussion, batterie)
L’album :
ʺThe Real Chaos Cha Cha Chaʺ (5:17)
ʺ666 Photos of Nothingʺ (3:51)
ʺEsquerita, Little Richardʺ (3:33)
ʺMaybae Baebyʺ (3:20)
ʺTarsier, Tarsier, Tarsier, Tarsierʺ (4:23)
ʺPahrumpʺ (4:21)
ʺBorder Factoryʺ (3:00)
ʺDracula Parrot, Moon Mothʺ (3:06)
ʺBrothel Creeperʺ (2:57)
ʺFor M.ʺ (8:18)
https://xiuxiu.bandcamp.com/album/ignore-grief
https://www.facebook.com/xiuxiuforlife
Pays: US
Polyvinyl Records
Sortie: 2023/03/03