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URAL UMBO – Roomer

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On prévient amicalement : mieux vaut avoir suivi trois semaines de psychanalyse ou avoir effectué un stage de yoga au fin fond du Tibet pour aborder sereinement cet album. Car les esprits qui ne sont pas préparés risquent de se retrouver vite fait bien fait évacués à coups de civière vers l’hôpital psychiatrique le plus proche. Ce qui suit, en effet, n’a rien de rationnel ni d’apaisant, c’est un voyage dans les profondeurs de l’inconscient ou une visite gratuite au musée des horreurs, c’est selon. Mais ça n’a rien d’anodin et ça ne peut laisser indifférent. Après écoute, des gens vont se ruer sur l’album pour le chérir encore et encore en ricanant sourdement et d’autres vont se jeter par la fenêtre ou incendier leur auditorium au lance-flammes tout en prenant leur carte d’adhérent à l’Armée du Salut pour le restant de leurs jours. Il n’y a pas de milieu.

Il fallait bien venir de contrées non conformistes pour réaliser ce genre d’œuvre sonore. Ça tombe bien, Reto Mäder et Marko Neuman viennent respectivement de Suisse et de Finlande. Et ils n’en sont pas à leur coup d’essai avec ce projet Ural Umbo qui signe ici son cinquième album depuis 2010. Ural Umbo a été vite en besogne pour éditer ses quatre premiers disques, puisque tout se passe entre 2010 et 2012. Et après, c’est le silence, sans doute en raison des agendas chargés de Reto Mäder et Marko Neuman, qui s’occupent aussi de projets tels que Sum Of R, JeGong, RM74, Dark Buddha Rising, Waste Of Space Orchestra ou Convocation, qui sont des espaces où les deux musiciens expriment leurs préoccupations envers le drone, le dark ambient, le sludge métal atmosphérique. Dans les temps précédents, Ural Umbo avait aussi vu passer par ses rangs un certain Steven Hess (Pan American, Locrian), qui officiait à la batterie mais qui n’est plus repris dans les effectifs aujourd’hui.

Restant à deux, Reto Mäder et Marko Neuman ne se laissent pas démonter pour autant et fournissent ici un résultat touffu, dense mais également puissamment déconcertant et angoissant. Le label belge Consouling Sounds a eu la bonne idée d’attraper le projet dans ses filets pour en proposer une édition qui correspond tout à fait à son credo expérimental et avant-gardiste.

Le début de l’album, c’est un peu comme la campagne de Russie : ça commence avec relativement peu d’inquiétude envers l’avenir mais ça ne tarde pas à prendre des proportions effrayantes. On pénètre dans le disque avec une oreille intriguée en écoutant les instrumentaux ʺDance of dualityʺ et ʺNon formʺ. Mais à partir du troisième titre ʺHow I got thereʺ, les lamentations vocales commencent et on se pose précisément la question contenue dans le titre : comment suis-arrivé là ? La succession des titres ne fait que nous enfoncer un peu plus davantage dans des aberrations sonores où les voix grincent, où les nappes synthétiques épaisses et hypnotiques sèment une terreur lancinante. Cet album pourrait être la bande-son d’un film d’horreur cybernétique, impression rehaussée par les orgues étranges et le tintinnabulement de la batterie sur ʺThe proximity of traumaʺ, qui fait penser aux vieux films d’horreur des années 1920, comme le fameux ʺHäxanʺ, du Danois Benjamin Christensen. Les sorciers et les bonnes sœurs qui s’ébattent dans les messes noires de ce film pourraient réapparaître sous les sollicitations musicales de Reto Mäder et Marko Neuman, qui suggèrent toujours plus l’horreur avant de remonter peu à peu vers les lumières de la contemplation à partir de la seconde moitié du disque.

Notre mental n’en est pas sauvé pour autant, car les expérimentations saugrenues se poursuivent et l’angoisse est toujours présente, face aux halètements furieux ou aux miaulements hystériques qui surgissent de ci de là (ʺLandmarks and tearsʺ). L’album compte treize morceaux et chemin faisant, on a toujours l’impression que la fin du disque est imminente mais un titre supplémentaire vient allonger la notion du temps. Bruitisme et atonalité règnent en maître et tout se joue sur les ambiances, les rythmes déconstruits et les incantations lointaines.

Il est conseillé d’écouter cet album dans le calme nocturne et dans l’obscurité. On en saisit que mieux les nuances déroutantes et les atmosphères oppressantes. Ural Umbo signe ici un retour gagnant mais il est clair que son album aurait eu tout intérêt à sortir au moment d’Halloween plutôt qu’au seuil des vacances d’été, question d’ambiance…

Le groupe :

Reto Mäder (voix, électronique)
Marko Neuman (voix, électronique, batterie)

L’album :

ʺDance of Dualityʺ (05:25)
ʺNon-Formʺ (05:40)
ʺHow I Got There?ʺ (06:02)
ʺA Shape of Noiseʺ (04:39)
ʺProcess of Transformationʺ (06:16)
ʺThe Proximity to Traumaʺ (05:41)
ʺLandmarks and Tearsʺ (04:30)
ʺAgainst Our Understandingʺ (05:47)
ʺAn Unquestionable Belief in Subliminal Messagesʺ (04:13)
ʺInfluence Influences Influenceʺ (07:29)
ʺThe Broken Oneʺ (07:02)
ʺOuther Dimensions and Inner Problemsʺ (04:56)
ʺBeyond The Mindʺ (06:45)

https://uralumbo.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/UralUmbo

Pays: CH
Consouling Sounds
Sortie: 2021/05/21

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