UNQUIET MUSIC LTD – In the name of… (A prayer for our times)
Alors là, les amis… Trouvez tout ce que vous pouvez en ceintures, sangles, harnais de sécurité, ficelles, clous, trombones ou attaches diverses et rivez-vous avec sur votre fauteuil pour ne plus en bouger, car ce qui suit va secouer quelque peu. Enfin, c’est surtout le mental qui va être secoué et les sangles ou attaches en question vont surtout servir à l’auditeur à ne pas fuir de son fauteuil au bout de deux minutes après avoir démarré l’écoute de ce ʺIn the name of… (A prayer for our times)ʺ, attribué à un mystérieux collectif appelé Unquiet Music Ltd.
Le nom de ce groupement tape juste car il va vraiment être question ici de musique pas tranquille du tout, zarbi à mort, expérimentale en diable, bien que le thème de l’album soit basé sur la prière du Notre Père. Vous savez, ʺNotre Père qui es aux cieux, que Ton nom soit sanctifiéʺ, etc. Eh bien, la prière que nous a enseignée Notre Seigneur Jésus-Christ est ici revisitée d’une telle manière que n’importe quel pape moderniste n’aurait pas osé en imaginer de plus zinzins. On doit ce projet révolutionnaire à un certain JP Rossi, enfant tourmenté des années 70 qui, une fois jeune adulte dans les années 80, fonda quelques groupes inspirés à la fois du rock anglais (Genesis, Simple Minds, Joy Division) et de la chanson française (pas celle de Charles Trénet ni Maurice Chevalier, mais de l’un peu plus moderne avec Alain Bashung ou Alain Souchon). On retrouve JP Rossi dans les années 90 avec un groupe appelé L’Air de Rien, consortium exploitant la vague alors florissante du rai (le pop rock du Maghreb) avec Karim Ziad et Khliff Miziallaoua, des musiciens habituellement au service de Khaled ou Cheb Mami.
Après la dissolution de ce groupe au milieu des années 90, JP Rossi entre en léthargie. On ne sait pas ce qu’il devient, peut-être moine bouddhiste au Tonkin, ouvrier agricole dans le Mato Grosso, entraineur de boxe à Saint-Pétersbourg, pilote d’essai au Ghana, chercheur d’or à Neuville-en-Ferrain ou psychiatre pour milliardaires à Malibu. Toujours est-il qu’il revient ces temps-ci à la musique avec cette idée d’adapter le Notre Père aux approches successives de la musique concrète, du minimalisme, de l’ambient, de l’électronique, du rock progressif et du classique contemporain, rien que ça…
Le mieux, c’est que ce projet ahuri trouve des militants, des musiciens qui ont accepté de coopérer à cette fresque folle, sans compromis, radicale, possédée par un goût immodéré de l’aventure sonore. Le rôle de JP Rossi dans cette affaire n’est pas clair. L’album ne cite aucun crédit pour l’écriture des textes ou de la musique mais nomme tous les musiciens qui y ont participé, JP Rossi n’étant pas dans la liste. Ce qui est sûr, c’est que ce dernier a fondé le concept de l’Unquiet Music Ltd comme une sorte de compagnie. Dans cette compagnie, quelques noms ressortent du lot, comme les camarades déjà cités de JP Rossi, Karim Ziad et Khliff Miziallaoua, auxquels s’ajoutent Frédéric L’Epée et Trey Gunn, pour ce qui est des plus connus. Il faut également compter sur une bonne dizaine d’autres, constituant un chœur et une section de cordes. L’un deux est Markus Reuter, qui va également produire cet album, dont les titres ont été enregistrés en différents endroits et à différentes époques, entre 2017 et 2020.
Et cette mosaïque musicale trouve finalement son unité sur un album, qui va en décontenancer plus d’un. On passe effectivement de la musique concrète, au minimalisme, puis l’ambient, l’électronique, le rock progressif et le classique contemporain au cours d’un cheminement instrumental qui peut sembler imprévisible mais qui suit en fait une progression bien précise, puisqu’on démarre avec les loufoqueries bruitistes de ʺAnaerobic awakeningʺ et après une phase plus rock, on atterrit avec du piano, du spoken word et des bruits d’oiseaux sur des nappes de chœurs angéliques sur ʺInner gloryʺ et ʺSo be it, actuallyʺ, morceaux qui terminent le disque avec des durées de douze et neuf minutes. L’album est en fait divisé en quatre parties : ʺThe Father (Individuation)ʺ, ʺThe Son (Atomisation)ʺ, ʺThe Holy Spirit (Co-inherence)ʺ et ʺAmen (Transcendence)ʺ et le titre de chaque chanson est doublé par un extrait du Notre Père (ʺHallowed be Thy nameʺ, ʺThy kingdom comeʺ, ʺThy will be doneʺ, etc).
On ne sait pas trop si on est dans l’expérience mystique ou dans la dinguerie musicale ultime, mais une chose est sûre, c’est que ce ʺIn the name of…ʺ ne peut laisser indifférent. Si vous voulez prendre ceci du côté musical, ça va être compliqué, notamment sur les insupportables parties parlées dans un transformateur vocal qui affligent ʺInner gloryʺ d’une ardente pénibilité. Si vous cherchez le mysticisme, ça peut à la limite le faire, bien que quelques pages de la somme théologique de Saint Thomas d’Aquin seraient mieux à même de structurer davantage les esprits sur ce plan. Par contre, si vous voulez épuiser mentalement votre belle-mère ou votre patron pour leur faire signer un testament en votre faveur ou une augmentation de salaire, ce disque devient l’outil idéal.
On ne peut pas vous interdire l’écoute de ce disque parce que l’homme a son libre arbitre et qu’il est toujours bon de faire des expériences extrêmes pour savoir jusqu’où peut aller l’esprit humain. De plus, une interdiction supplémentaire à une période où on n’a quasiment le droit de ne plus rien faire, ce ne serait pas sympa. Mais soyez avertis, surtout si vous êtes fans de Bon Jovi : ça ne va pas plaire à tout le monde, bien que la cote que j’ai personnellement donnée ici soit très généreuse.
Le groupe :
Khliff Miziallaoua (percussion, guitare, choeurs)
Frédéric L’Epée (guitares)
Cédric Theys (guitares)
Samira Brahmia (chant)
Trey Gunn (guitares)
Markus Reuter (guitares)
Karim Ziad (batterie)
Gauthier Dymon (chant)
Elea Barta (chant)
Raphaël Terreau (chant)
Brice Modard (chant)
Alyssa Ait Hammou (violon)
Caroline Berry (viole)
Christophe Jeannin (violoncelle)
Lukas Carillo (contrebasse)
L’album :
ʺAnaerobic awakeningʺ (06:03)
ʺFeeling unityʺ (06:34)
ʺConditional casesʺ (10:16)
ʺMonopolizing spacesʺ (05:59)
ʺProducing symmetriesʺ (04:25)
ʺA sound of Nowʺ (01:52)
ʺA Mosaic returnʺ (05:35)
ʺA lullaby for Uma Deviʺ (03:54)
ʺAnother sound of Nowʺ (02:56)
ʺThe introspection of Edward Maitlandʺ (12:24)
ʺPost-Epiphanyʺ (08:59)
https://unquietmusicltd.bandcamp.com/album/in-the-name-of-a-prayer-for-our-times
https://www.facebook.com/UnquietMusicLtd/
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2020/12/25