TAUMEL – There is no way to run away from this

On a connu les Allemands plus mouvementés. En musique, je veux dire. Avec les fabricants de ferraille comme Scorpions ou Accept, les chanteurs d’opéra extra-terrestres comme Klaus Nomi, les planeurs lysergiques comme Colour Haze ou My Sleeping Karma, les punkettes allumées comme Nina Hagen, les sidérurgistes carnivores comme Destruction ou Sodom et j’en passe, la scène rock allemande a eu bien des fois l’occasion de montrer qu’elle savait s’énerver. Mais ici, on va se calmer, on va tout arrêter, on va retenir son souffle et on va se mettre en apesanteur tout en abolissant le temps. Les gens qui nous extraient ici des contingences terrestres s’appellent Taumel. Bienvenue chez Taumel…

Ce groupe est constitué à la base par un duo, Sven Pollkötter et Jakob Diehl. Les deux bonshommes sont déjà des phénomènes en tant que tels. Sven Pollkötter est un percussionniste et batteur indépendant qui a évolué chez des groupes pop et rock comme Assignment, Alternative Allstars ou Claus Grabke. De formation classique, il passe à la musique néoclassique et à la musique d’improvisation, au jazz et à diverses musiques folkloriques. Jakob Diehl travaille en tant que compositeur et acteur indépendant. En plus de sa propre musique, il compose également pour des pièces radiophoniques, le théâtre et le cinéma et s’implique en tant que conférencier et interprète vocal dans diverses performances et productions contemporaines. En tant qu’acteur, il a travaillé dans des pièces de théâtre radiophoniques, le théâtre, la télévision et des productions cinématographiques internationales (ʺDarkʺ, ʺCounterpartʺ, ʺParadiseʺ, ʺIl Pecattoʺ, ʺDer Baader Meinhof Complexʺ).

Ensemble, Sven Pollkötter et Jakob Diehl trouvent un terrain d’entente commun basé sur le jazz, qu’ils vont décliner en une formule tout à fait originale. En déstructurant les rythmes, ils aboutissent ainsi à ce que l’on pourrait appeler du doom jazz ou du dark jazz. Ici, point de fantaisies louisianaises ou de circonvolutions coltraniennes, on plonge dans un univers de lenteur absolue, d’évanescence diaphane et de douceur acide. Sven Pollkötter travaille sur des rythmiques étendues à l’extrême, genre 40 battements par minute, tandis que Jakob Diehl égrène de tristes notes sur ses claviers. Leur premier album ʺThere is no time to run away from hereʺ voit son séquençage des titres reproduire le titre du disque : ʺThere isʺ, ʺNo timeʺ, ʺTo runʺ, ʺAwayʺ, ʺFrom hereʺ.

À aucun moment, il ne sera question d’accélération des rythmes. On va même descendre encore plus profondément dans une langueur extraordinaire, soulignée par le trombone de Manuel Viehmann ou les grésillements de guitare de Boris Nicolai, invités pour l’occasion. ʺThere is no time to run away from hereʺ, avec ses cinq titres dont certains poussent vers les huit minutes, sa mollesse géniale, ses bourdonnements de sons brouillons venant parfois titiller le cours tranquille des rythmes, est une sorte de bande-son d’un film sur l’attente. L’expérience musicale cinématographique de Jakob Diehl transparaît bien sur certaines compositions, comme ce ʺTo runʺ qui fait penser à un polar pluvieux et angoissant.

Malgré son présupposé de départ très rébarbatif, cet album impose un univers marquant, se dote d’une personnalité forte et fait naître chez l’auditeur toutes sortes de sentiments, souvent liés à l’inquiétude. Si vous écoutez cet album le matin, votre journée est foutue, vous ne ferez rien. Si vous l’écoutez le soir après une journée active, vous passerez subitement dans un autre univers. Si vous l’écoutez la nuit, vous regarderez sans doute sous votre lit, pour vérifier si une entité ultradimensionnelle ne s’y est pas glissée. Mais l’expérience vaut la peine, de toute façon.

Le groupe :

Jakob Diehl (piano, orgue Rhodes)
Sven Pollkötter (batterie)
Boris Nicolai (guitare)
Manuel Viehmann (trombone)

L’album :

ʺThere isʺ (04:21)
ʺNo timeʺ (04:36)
ʺTo runʺ (08:37)
ʺAwayʺ (08:04)
ʺFrom hereʺ (04:36)

https://taumel.bandcamp.com/releases
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Pays: DE
Tonzonen Records
Sorte: 2020/12/04