SHATNER, William – The blues
Ah, William Shatner, ce bon vieux Bill ! L’acteur devenu culte grâce à la série ʺStar trekʺ fêtera l’an prochain son 90e anniversaire et il semble plus en forme que jamais. Les photos récentes du bonhomme lui donnent vingt ans de moins et William Shatner semble ainsi doté d’une éternelle jeunesse. Tout le monde connaît le William Shatner cinématographique, ʺStar Trekʺ, bien sûr, mais aussi des participations dans des séries comme ʺColumboʺ, ʺL’homme qui valait trois milliardsʺ, ʺL’homme de ferʺ, ʺKung Fuʺ, sans oublier des films improbables d’horreur cheap comme ʺThe devil’s rainʺ (1975) ou ʺKingdom of spidersʺ (1977), et bien d’autres choses (le petit chef-d’œuvre ʺIncubusʺ de 1965, à voir). Ce qu’on a tendance à oublier, c’est qu’il existe aussi un William Shatner musical, avec une discographie d’une douzaine d’albums réalisés depuis 1968, un grand nombre d’entre eux tournant bien entendu autour de Star Trek.
Et si l’on a tendance à oublier la carrière musicale de William Shatner, c’est qu’il y a une bonne raison : celle-ci est parsemée d’albums calamiteux où ce vieux cabot de William Shatner s’ingénie à faire du spoken word, c’est-à-dire parler les textes plutôt que de les chanter, en mettant une emphase mélodramatique sur-jouée qui se révèle rapidement insupportable. Aucun producteur, aucun songwriter, aucun musicien accompagnateur n’a jamais osé dire à William Shatner que cette méthode de chant était insupportable et c’est sur ce malentendu que s’est établie une carrière musicale de plus de cinquante ans.
Dernier exemple en date, cet album ʺThe bluesʺ qui, sur le papier, est plus que bandant. William Shatner vient en effet donner son interprétation de classiques indémodables du blues. Ici, c’est même le catalogue usé jusqu’à la corde en termes de reprises qui est mis sur la table : ʺSweet home Chicagoʺ, ʺI can’t quit you babyʺ, ʺSunshine of your loveʺ, ʺThe thrill is goneʺ, ʺMannish boyʺ, ʺBorn under a bad signʺ, ʺI put a spell on youʺ, ʺCrossroadsʺ, ʺSmokestack lightningʺ ou ʺRoute 66ʺ, pour citer les plus connus des 14 titres mis ici en lice. Autre motif de se réjouir à l’avance : les musiciens invités pour l’occasion. Ici aussi, c’est du trié sur le volet. Pour chaque morceau, un dieu de la guitare. Matez plutôt le palmarès : Brad Paisley (la nouvelle génération des musiciens country américains), Kirk Fletcher (The Fabulous Thunderbirds, Joe Bonamassa), Sonny Landreth (Red Hot Louisiana Band, John Hiatt, John Mayall), Ronnie Earl, Tyler Bryant, James Burton (un des derniers survivants des Fifties), Jeff ʺSkunkʺ Baxter (Steely Dan, Doobie Brothers), Steve Cropper, Harvey Mandel, Albert Lee, même Pat Travers et last but not least, ce vieil acariâtre de Ritchie Blackmore (Deep Purple, Rainbow)
Oui, sur le papier, tout cela s’avère énorme. Et à l’écoute, c’est la déroute, la Bérézina, l’exode, l’effondrement généralisé. William Shatner cabotine à mort et ne fait pas de la chanson parlée, mais plutôt de la chanson beuglée. Sur certains titres (ʺBorn under a bad signʺ, ʺI put a spell on youʺ), on croirait entendre un vieil ivrogne déblatérant des chants grivois accroché à un réverbère. Les pleurnicheries essoufflées du bonhomme sur ʺSmokestack’s lightningʺ sont un exemple de mauvais goût proverbial. La surenchère d’effets dramatiques rend l’écoute de ces versions tout simplement insupportable. Et du côté des guitaristes, c’est aussi open bar. Puisque le patron en fait des tonnes, ils vont aussi en faire des tonnes, sarclant du riff à douze mesures de façon à sonner bien gras, à reconstituer la musique de fond des bars ploucs du Wyoming. Ça sent le gros blues pour chauffeurs de camion, le racolage vulgaire et gênant qui se vautre sans aucun scrupule dans tous les poncifs qui tentent d’impliquer le blues dans cette image caricaturale de l’Amérique des Rednecks. On aurait retrouvé Donald Trump quelque part à la batterie au fond du studio que ça n’aurait pas été étonnant.
Ah, sacré Bill, va ! Tu nous as bien eus avec ton truc de blues. La meilleure tournée que William Shatner va pouvoir faire pour promouvoir cet album, c’est la tournée des cirques… Vraiment, le capitaine Kirk devrait faire autre chose, de la peinture, de la cartomancie, des collections de papillons, du tir à l’arc… enfin tout, mais pas de la musique !
L’album :
ʺSweet Home Chicagoʺ (avec Brad Paisley) (2:54)
ʺI Can’t Quit You Babyʺ (avec Kirk Fletcher) (4:38)
ʺSunshine of Your Loveʺ (avec Sonny Landreth) (4:21)
ʺThe Thrill Is Goneʺ (avec Ritchie Blackmore) (4:53)
ʺMannish Boyʺ (avec Ronnie Earl) (5:01)
ʺBorn under a Bad Signʺ (avec Tyler Bryant) (2:44)
ʺI Put a Spell on Youʺ (avec Pat Travers) (2:35)
ʺCrossroadsʺ (avec James Burton) (3:12)
ʺSmokestack Lightnin’ʺ (avec Jeff « Skunk » Baxter) (3:06)
ʺAs The Years Go Passing Byʺ (avec Arthur Adams) (3:49)
ʺLet’s Work Togetherʺ (avec Harvey Mandel) (2:45)
ʺRoute 66ʺ (avec Steve Cropper) (2:53)
ʺIn Hell I’ll Be In Good Companyʺ (avec Albert Lee) (3:47)
ʺSecrets or Sinsʺ (avec Daniel Miller) (3:12)
https://www.facebook.com/williamshatner/
Pays: US
Cleopatra Records
Sortie: 2020/10/02
Une critique acerbe qui me laisse sans voix… Amateur de Blues depuis mon adolescence soit 50 ans je ne trouve pas que William Shatner démérite bien au contraire, il sait insuffler tout son amour du Bleus et chante avec ses tripes.
Nous verrons si à 88 ans vous vous y collerez… en mieux bien entendu…
Mais comme dirait le proverbe : « Quand on ne sait pas faire de l’Art, on fait de la critique »